La classe verte

C’était un matin banal. Un matin normal. Vous aviez hurlé, un peu, pour obtenir que Choupinet et Choupinette se lèvent. Vous aviez hurlé, un peu, pour obtenir que Choupinet et Choupinette se lavent les dents. Vous aviez hurlé, un peu, pour obtenir que Choupinet et Choupinette lâchent leur roman pour lacer leurs chaussures. Un matin comme les autres.
Peut-être qu’il faisait beau.

Et vous avez dit oui.
Oui à la classe verte. Oui pour accompagner. Oui.
Oui parce que la directrice vous le demandait. Oui parce que vous n’avez jamais su dire non.

Et vous avez eu des semaines. Pour réfléchir. Pour imaginer. Pour regretter. Pour rêver oser dire : « peut-être… », « impossible », « jamais au grand jamais ! ».  Pour trouver une excuse, tomber malade, vous dédire, mentir même ! Mais vous n’avez eu ni le courage ni la scarlatine.
Alors le compte à rebours a commencé. Et vous n’avez pu vous empêcher de compter.  48 enfants. 48. 2 fois 24. 40+8. 50-2. Vous pouvez faire tous les calculs que vous voulez, ça ne change rien. C’est énorme. 48 enfants.
Et ça va durer. 2 jours et demi. Donc 2 nuits. 2 douches pour 48 enfants. 96 couchers. 96 petits déjeuners, 144 déjeuners, 96 dîners, 336 lavages de mains, 2016 passages aux toilettes.

Cruels et enthousiastes, Choupinet et Choupinette vous ont aidée à compter : plus que 5 jours avant le départ ! Plus que 4 ! Plus que… Ils savent compter, mais ils ont plus de mal avec les bagages : ce voyage apparaît clairement d’une extrême nécessité pour les pousser sur le chemin d’une autonomie qui les conduira hors du nid… Parce que l’opération chaussettes-pyjama-doudou, elle est encore pour vous…
Bon. Le ménage est fait, le frigo regorge de plats pré-cuisinés, la pelouse est tondue, les lessives sont à jour : Nounours est paré. Vous pouvez partir. Vous devez. Le cœur serré, la peur chevillée au ventre. Vous sentez que vous allez apprendre à dire non. Question de survie.
La cour de l’école se remplit d’enfants surexcités et de parents faussement tristes, hypocritement émus. Les lâches. On ne vous la fait pas. Restaus, apéros, télé à gogo, siestes à tire-larigot : leurs yeux sont humides à la perspective d’être libérés pendant deux jours et demi, deux longs jours et demi. Un voleur multirécidiviste sur le pont de se faire la belle ne serait pas plus heureux.
Les maîtresses comptent leurs ouailles. Ah. Elles aussi. Elles comptent. Vous êtes prête à parier qu’elles aussi sont percluses de regrets et de trouille… Les portes du car se referment en un grincement sinistre. Vous êtes faite comme un vieux rat. Les parents vous narguent, de l’autre côté de la vitre, avec leurs petits mouchoirs insolents et leurs petits gestes de main perfides. Les fourbes. Les plus retors hurlent « bonnes vacances ! ». Les sournois.
Cinq minutes. Pas plus. Il vous aura fallu cinq minutes pour retenir les noms d’Alan, Tim et Arthur. C’est du plus mauvais augure. Plusieurs mois vous sont généralement nécessaires pour mémoriser un visage, un nom. Vous usez de stratagèmes mnémotechniques effrayants pour retenir la date de naissance de vos propres enfants, alors que, franchement, c’est le genre de date qui marque au fer blanc…une parturiente au travail n’a pas besoin d’avoir fait khâgne pour saisir pleinement l’étymologie du terme. Travail. Dans ces conditions, cinq minutes pour faire reculer votre Alzheimer précoce, c’est peu, bien peu, trop peu.
Vous commencez à douter que tous les parents soient là au retour…Un abandon discret, vous comprendriez que ça les tente…
Le problème du car, c’est qu’il est clos. Clos et petit. Trop petit pour 48 fauves qui ont besoin de courir, de laisser libre cours à leur énergie débordante, et qui, à défaut, explorent les possibilités de mouvement de leur siège et accoudoirs. Baissés, levés, en avant, en arrière. Bien sûr cela ne va pas sans occasionner moult cris et râleries de la part de leurs voisins qui n’hésitent pas à user de leurs pieds et de leurs griffes pour obtenir le calme auxquels ils aspirent. Il en résulte cris et râleries. Le bruit et la fureur sont visiblement les deux choses du monde les mieux partagées. Pour le bon sens, on repassera.
Vous avez parcouru au moins 8.5 km, merci Charlotte, il était temps de poser la question : « Quand est-ce qu’on arrive ? » Ouh, punaise… Sachant qu’une fois la question posée une première fois, elle reviendra invariablement toutes les 3 minutes… Sachant que vous roulez depuis moins de 10 minutes…Sachant que le trajet prévu est de plus de 2 heures…ça vous fait une bonne quarantaine de réponses à donner…ça vous laisse à peine le temps de songer à la subjectivité de la perception du temps… Le trajet va être long. Ouh, punaise…
1er arrêt. La station d’autoroute. Ça ne devait pas être un voyage culturel ? Si, pensez-vous, vous pouvez être rassurée ! N’empêche, le gamin, crie, griffe, il a toutes sortes de besoins… Alors on s’arrête. Et on se dirige vers les toilettes, en rang par deux. De pauvres égarés vous regardent, horrifiés : ils attendront une aire prochaine…La pause est riche de possibilités : courir après Alan qui a pris sur lui de se diriger vers la boutique pour faire le plein de sucreries, expliquer à Arthur que plaquer au sol ses petits camarades au risque de tomber nez à nez avec des excréments canins est certes un excellent défouloir à son trop plein de testostérone mais une piètre manière d’exprimer son amitié, récupérer Tim qui joue à slalomer sans vergogne entre les semi-remorques, avaler fissa trois expresso bien serrés et un Lexomil pour faire bonne mesure…
De concours de devinettes en pauses vomi, vous voilà arrivés. Au centre.
Centre pénitentiaire. Centre de désintoxication. Centre pour handicapés. Centre d’amaigrissement. Non, vous avez beau chercher, vous ne trouvez pas le lien entre ce « centre » et « vacances ». Même avec « classe verte» ça ne colle pas. La directrice a pâli en descendant du car, elle ressort du bâtiment pompeusement étiqueté « accueil » les joues empourprées. Il semblerait que vous ne soyez pas seule à en voir de toutes les couleurs…Le « centre » a oublié l’inscription à l’atelier « découverte du tir à l’arc », s’est trompé dans l’horaire de visite du musée de la Résistance et nous souhaite la bienvenue. Formidable.


Le bâtiment « dortoir » jouxte la maintenance, vous jetez un coup d’œil circonspect au ventilateur géant en face des chambres, ça ferait pas un peu de bruit, la nuit ? Vous n’avez pas le temps de vous attarder sur l’angoissante perspective : Tim vagit de toute la force de ses poumons qui sont moins petits que ne le laisse espérer sa taille. On a oublié sa valise. Non. Il a oublié sa valise. Ouh punaise… Le reste du troupeau récupère son bien et file vers les chambres. Vous hésitez entre consoler, baffer, étrangler. Tiens. Il reste une valise. D’un joli bleu pétant. Elle n’est pas à vous ? Pas au chauffeur ? Pas à la directrice ? Non. Elle est à Tim. Ouh, punaise…
Vous pénétrez dans le couloir où la horde des petits d’hommes a réussi à organiser en un temps record un chaos digne d’un Armageddon. Doudous, chaussettes et Pokemon ont jailli des valises ; bonbons, billes, brosses à cheveux et à dents surgissent de recoins inattendus. Ne songez pas au départ, non, n’y songez pas !
Le chef du Centre fait une brève apparition pour déposer quelques panières bien remplies. Qu’est-ce ? Vous vous approchez, jetez un coup d’œil : des taies, des draps, des housses. Vous jetez un autre coup d’œil aux chambres : lits superposés, housses, enfants… N’y a-t-il pas comme un léger…, une petite…, comment dire…, une couille dans le pâté ? Oui, ça résume assez bien l’étrangeté de la situation. Bon. Après tout, la classe verte se doit d’être pédagogique : vous interceptez Adrien, 5 ans et demi, prenez taie et housse. C’est parti pour l’atelier  « Apprends à faire ton lit tout seul tu verras maman sera ravie à ton retour ». Vous donnez quelques consignes simples et claires comme se doivent d’être les consignes. Adrien vous répond Dracaufeu, Magnéti et Pikachu…ça n’avance pas côté literie... Tout ce que vous avez retenu des explications de Choupinet sur les Pokémons, c’est qu’ils ont des évolutions : vous feriez bien vigoureusement évoluer Adrien… Dix minutes plus tard vous avez évolué en Fédélits de niveau 3 : montrer a des vertus pédagogiques. Si ça peut vous consoler… Pour être sûre d’avoir vraiment tout bien montré, vous recommencez 10 fois…pour les 2 chambrées dont vous êtes responsable… Là, vous pouvez être satisfaite : vos 10 marmots ont certainement compris le lien entre taie et oreiller, housse et couette, à moins que… Pas le temps de vous auto-congratuler : c’est l’heure du déjeuner !
Ah, enfin, vous allez vous restaurer, reprendre des forces en plaisantant joyeusement avec vos compagnons d’infortune !
Ah…Non. Deux boxes ont été assignés à votre compagnie. Et il manque une table. Logiques, les piailleurs se sont installés : ils savent que s’asseoir ou servir, il faut choisir ! Et ils ont choisi.
Du pain ! De l’eau ! Des pâtes ! Tim m’a mordu ! Du pain ! Ma fourchette est tombée ! Alan a vomi sur la table ! Du pain ! On peut aller aux toilettes ?
Ouh, punaise…Le niveau sonore est juste prodigieux. Vous rêveriez bien d’avoir des boules Quies et les huit bras de Durga ou au moins les quatre de son pote Shiva, mais vous n’en avez pas le temps. Ouh, punaise…
Un être étrange, ni homme ni femme, en tout cas vous ne sauriez en préjuger, mais en tout cas aviné vous pouvez l’assurer, titube dans votre direction, s’enquiert de l’absence de table et promet d’y remédier. Rassurée, vous sortez légèrement pompette de cette conversation. Tant mieux. Vous compatissez au sort de l’être étrange : s’il est employé depuis plus de deux jours dans ce centre, l’alcoolisme abyssal était inévitable.


Allez, zou, atelier : l’avantage d’être exploité c’est qu’on ne voit ni le temps ni les pâtes au beurre passer.
Pas de tir à l’arc, donc, mais un croquignolet atelier improvisé : « la préhistoire ». Hum. Pas des plus accrocheurs comme titre. Mais vu le potentiel de Tim et consorts sans arc ni tir, aucun regret. L’intervenant préhistoire approche furtivement. Sa nonchalance n’aurait pas fait des merveilles à une chasse au mammouth, mais ses dreads auraient pu dérouter l’animal. Vos zèbres s’installent. L’atelier doit durer trois heures. Trois heures, une salle, quarante-huit morpions. N’y a-t-il pas comme un léger…, une petite…, comment dire…, une couille dans le pâté ? Etrange, cette impression d’un éternel recommencement… Une éternité au goût amer…
Paléolithique, néolithique, crânes, âge de fer… Vous avez de la bave séchée au coin des lèvres : vous avez dû sombrer. Pas grave. Personne ne vous a vue. Miracle. L’intervenant a capté l’attention des sauvageons. Il s’apprête à faire du feu, le bougre ! Avec un caillou. Et un champignon séché. Il a dû faire des space-mushroom cake avec les restes. Et il ne plaisante pas : il lui faut moins de dix minutes pour obtenir de la fumée ! On en est pas encore à la grillade de mastodonte, mais quand même… vous seriez bien en peine d’envisager un barbecue avec un silex et un champignon, même séché…Admirative et reconnaissante, vous songez que vos ouistitis ont une occupation toute trouvée : des heures… soyez réaliste : des minutes de tranquillité en perspective. Et aucun risque d’incendie : vous tenez le pari que vos accros à l’iPad et cie auraient fait de piètres hommes préhistoriques…
Et maintenant, pause liberté et boutiques ! Chouette ! Respirer un brin, ça ne va pas être du luxe.
Ah. On parlait de liberté surveillée. Pas de vraie autonomie pour les 6-12 ans. Franchement, c’est dommage… Les laisser déambuler deux heures, ou trois, dans un petit village, c’est l’occasion rêvée pour un apprentissage mesuré de l’autogestion. Ce serait bénéfique pour tous : eux d’abord, leurs proches, et puis vous. On ne goûte jamais assez tôt la saveur inégalée de l’indépendance…Gardez des forces : vos arguments n’ont pas l’air de porter… En rang par deux et en route…Tim, lâche ces orties !
Le village est pourvu d’une modeste boutique de souvenirs, modeste et unique. Rien qui ne puisse susciter la convoitise de gnomes. A première vue. Au second regard vous vous précipitez pour mettre un frein à la horde : entre la casse et la crise cardiaque de la commerçante, on a frôlé l’addition salée. L’œil brillant, le porte-monnaie palpitant, Attila, ses frères et ses sœurs ont trouvé leur bonheur : couteaux suisses, Opinel pour les uns, chatons trop mignons et marmottes trop rigolotes pour les autres. Y a pas d’âge pour consommer. Boutique de souvenirs et bon goût ne riment toujours pas, peu leur chaut.
Le chemin du retour est semé d’embûches : traverser, éviter les voitures, éviter les vélos, éviter les piétons, ne pas lancer de cailloux, ne pas lancer de gros mots… Loin d’être une sinécure…
Mais, après cette odyssée, le Centre aurait presque des airs de havre de paix.
Si vous oubliez la douche des barbares…Des chambres inondées, des barbares allergiques au savon, des batailles de chaussons…
Si vous oubliez le repas… Sa salade assaisonnée aux grosses bêtes noires, ses sardines huileuses, sa cantinière imbibée.
Si vous oubliez l’heure du coucher… Paul qui pleure car sa maman n’est pas là pour lui lire une histoire, Pierre qui pleure car il veut dormir dans le lit du haut, Jacques qui pleure car il a besoin de pleurer.
Si vous oubliez l’heure du coucher… Pierre qui se relève pour faire pipi. Jacques qui se relève pour chercher son doudou. Paul qui se relève pour d’obscures raisons.
Si vous oubliez l’heure du coucher… Les fous-rires de Jacques, l’énurésie de Paul, les cauchemars de Pierre…
Si vous oubliez l’heure du coucher… Les heures à écouter le ventilateur. Les heures à écouter un ronfleur. Les heures à compter celles qui vous séparent de la libération…

Le petit-déjeuner ressemble au dîner. Les sardines et les bestioles en moins. Le beurre rance et le pain sec en plus. La cantinière reste imbibée : un peu de stabilité dans ce monde de vitesse, c’est rassurant. On peut tituber sans faillir de potron-minet jusqu’à l’heure du crime, indubitablement ça réchauffe le cœur et favorise la couperose.
Le bus vous attend : après le feu, la grotte et les chiens de traîneau. Quitte à s’éclater, autant varier les plaisirs…
Vous roulez depuis deux minutes et…ouh punaise… Charlotte…Avec un peu de chance, on arrivera avant que vous l’ayez défenestrée !
Alan essuie ses baskets sur la casquette de Tim qui goûte consciencieusement ses crottes de nez. Arthur arrache ses croûtes. Anna joue aux charades. Jacques pleure parce qu’il a besoin de pleurer.
Tiens. Un arrêt. Vous n’avez pas vu d’aire sur cette charmante départementale de montagne tortueuse. Personne n’a vomi, ou demandé à vomir, si ? Non.
Mais un pneu a crevé.
Ravin. Bus arrêté. Barbares. Vous voyez poindre la fin de votre calvaire. La directrice ne vous laisse pas le temps de rêver : les barbares restent enfermés dans le car. Elle sort pour aider le chauffeur. Vous restez avec les barbares. Quoi ? Ah, mais non, non, non, non !!! Combien de temps ça prend, ça, changer une roue de bus ? Ouh, punaise… Voilà Charlotte qui remet ça ! Qu’on vous donne un cric, vite ! Vite !! Ouh, punaise…
Tim a fait main basse sur le micro et revisite tout Patrick Sébastien. Alan découvre le taekwondo en autodidacte, Arthur va bientôt avoir besoin d’un dentiste.
Anna joue aux devinettes, Juliette mime les derniers épisodes de Violetta, Jacques pleure parce qu’il a besoin de pleurer.
Personne ne vous sortira de là. Vous allez vous dessécher, affamés et assoiffés, entre le Petit bonhomme en mousse et du vomi. Vous aurez une piètre épitaphe : « Mais qu’allait-elle faire dans cette galère ? », « Si seulement elle avait su changer une roue… », « A notre regrettée accompagnatrice. Sait-on quand est-ce qu’elle est arrivée ? », « Ci-gît une pauvre mère égarée. » Bon. Quitte à crever sur une déroutante départementale, autant mettre fin à une décennie d’abstinence, emmerder la loi Evin et vous en griller une. Comme elle va être bonne… Faites-en profiter un maximum de barbares : c’est le moins que vous puissiez faire pour les inconscients qui les ont engendrés. La roue est changée ? Ah, bah, non… non… c’est trop pas juste…Vous alliez abréger vos souffrances… Rassurez-vous : la journée n’est pas terminée…

Pause pique-nique. Incomparable. Rien à voir avec la cantine. Les cris se perdent dans l’air pur. Pas de restes alimentaires ou humains à ôter des tables. Pas de service. Aucun individu saoulé au dernier degré. Non. Rien à voir, rien à dire. Vive le pique-nique !
Vous seriez à deux doigts d’aborder la visite de la grotte avec allégresse. Mais Tim a des chaussures qui glissent. Mais Adrien a peur du noir. Mais Arthur juge le moment des plus opportuns pour raconter avec moult détails appétissants des histoires à faire frémir Jack. L’Eventreur. Vous regrettez amèrement que des rambardes empêchent tout suicide assisté. Mais votre patience fera plus que leur force et leur rage…
Les barbares adorent les chiens. Les chiens adorent les barbares. Et leur pull. Pourquoi ôter ce nouveau jouet à cet adorable chien-loup ? La génitrice d’Arthur n’avait qu’à lui apprendre à avoir peur des chiens. Parce qu’Arthur pleure ? Hum…ça change de Jacques.
Un pull déchiqueté et un goûter plus tard, retour au bus. Un retour d’une triste banalité : cris, disputes, vomis, aucun pneu crevé, pas d’accident, rien.

Petite pause avant le rituel de la douche : si on jouait au foot ? Qui a proposé ça ? Qui ? Ben quoi, c’est sympa, un petit foot, ça va les défouler, c’est sympa, non ? En plus il fait beau. Manquerait plus qu’il pleuve. Si les demeurés qui partagent votre galère ne voient pas le problème, vous, si. Ballon et barbares, c’est clairement une association dangereuse.
Et voilà. Ça a duré quoi, 5 minutes ? Alan a trouvé la seule flaque de boue du centre et a tenté un plaquage qui va rendre la douche tout à fait intéressante. Pas de plaquage au foot ? Visiblement il n’était pas au courant. Visiblement il n’est pas le seul à ne pas maîtriser les règles de ce sport idiot. Tim cherche moins à frapper dans le ballon que dans les genoux de ses petits camarades. Avec un succès certain d’ailleurs. Adrien a confondu les buts avec la tête de Charlotte. Avec un peu de chance il lui a pété assez de dents pour qu’elle ne puisse plus poser de questions crispantes, merci Adrien. Arthur est à terre : Tim a entrepris de s’essuyer les baskets sur son dos avec un certain entrain. On a prévu un arbitre ? Non ? Bon. Pause douche alors ? Enfin…pause…


Passons sur les inondations, les douches sans savon, l’essuyage à coups de serviettes trempées. Passons sur le dîner, les pâtes trop cuites et le jambon bordé d’un vert douteux. Passons sur l’heure du coucher, ses pleurs et ses relevés. Passons. Pour votre santé nerveuse et mentale. Concentrez-vous sur l’étape suivante : le départ.

Attendu. Tant attendu. Et pourtant… Les barbares doivent défaire leur lit. Bonne nouvelle : ils sont plus doués pour arracher la couette à sa housse que pour l’y disposer. Bonne nouvelle : ils sont assez forts pour le lançage de draps dans les panières qui ont refait leur apparition. Ça fait trop de bonnes nouvelles, ça ne pouvait durer : il faut trier. Une panière-taies, une panière-housses, une panière-draps. Simple ? C’est présumer de la bonne volonté et de la capacité de concentration des barbares. Vous voilà plongée dans un monceau de linge plus ou moins douteux, plus ou moins odorant. Surtout plus que moins. Charmant.
Au tour des valises. Bonne nouvelle : les barbares sont très efficaces. Ils ont une technique bien à eux : on prend tout, linge resté miraculeusement propre, jouets, serviettes détrempées, chaussons, caleçons clairement douteux, chaussettes clairement puantes, brosse à dents. Et on tasse. Bonne nouvelle : vous n’êtes pas celle qui rangera ce fatras immonde à leur retour. Ça fait trop de bonnes nouvelles. Tim pleure. Tim hurle. Tim vit un des pires moments de sa déjà trop longue existence. C’est votre point de vue. N’étant pas sûre, sûre qu’il soit partagé, vous vous enquérez avec bonté des causes de ce tapage diurne nuisible à la sérénité du groupe. Tim a perdu son doudou. Il a un doudou, le barbare ? Bon. Partons à la recherche du doudou. Même si vous comprenez qu’il ait saisi cette opportunité de se faire la malle, d’échapper enfin à son démoniaque propriétaire. Chambre, lit, salle de bain, valise : pas de doudou. Tout le couloir y passe. Pas de doudou. Qui a dit : dans les panières ? Qui ? Et vous voilà replongée dans le monticule de linge dont l’aspect douteux et odorant ne s’est en rien amélioré. Pourquoi cet abruti de doudou s’est-il planqué dans la toute dernière housse que vous fouillez ? Pourquoi ? Tim renifle et colle son nez morveux dans l’infortuné doudou.

Miracle : le bus est là, avec tous ses pneus, les barbares sont là, avec toutes leurs valises. Un arrêt est prévu à Grenoble : d’étranges parents souhaitent récupérer leur rejeton au plus tôt. On rangera leur valise en dernier. Voilà, on peut partir. Vous pouvez commencer à compter les heures, les minutes qui vous séparent de votre libération. Tim pleure. Sa valise est au beau milieu de la soute. Et alors ? Peu vous chaut ! Qu’on fasse rugir le moteur ! Tim pleure. Il descend à Grenoble. Ouh, punaise…Il faut enlever tous les bagages, récupérer celui de Tim, remettre tous les bagages. Ouh, punaise… Charlotte approche. Et si vous feigniez un profond sommeil ?
Cris, disputes, vomis : le retour est somme toute calme. Bon, certes, inquiète de ne savoir l’heure d’arrivée, Charlotte a oublié de demander une pause pipi et a inondé son siège. Certes.
Mais, trêve de pinaillerie, on peut dire que tout s’est bien passé…
C’est d’ailleurs ce qu’assure la maîtresse aux parents qui contre toute attente sont bien là pour vous débarrasser de leur descendance : un séjour formidable, très formateur, tout le monde s’est bien amusé, enfants, comme accompagnateurs ! Elle s’avance un peu, là…
Tiens, il en reste deux…
Mazette ! Choupinet et Choupinette ! Est-il bien raisonnable que vous les rameniez à la maison, là, maintenant ? Avec vous ?

Mais ceci est un autre chapitre.

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