Petit papa Noël (partie 1)
Cher petit papa Noël,
Merci de m’oublier cette année.
Vraiment, j’insiste.
Tu m’as bien trop gâtée l’année dernière. Ah, si. Indéniable. Franchement. À tel point que je suis limite plus gavée qu’un canard. À la différence que mon foie a de bonnes probabilités d’être six rosés. Jeu de mot gâté, vous l’avez ? Mais tu as tant rempli mon petit soulier qu’il a bien fallu écluser…
Je reconnais que tu as été inventif. Des surprises tout au long de l’année. Un calendrier de l’après bien garni. Et il y en a eu pour tous les goûts.
Pour flatter mon amour de la chasse, par exemple, tu m’as offert cet édifiant procès : le boulot de l’avocat de la défense a dû être intense. « Vraiment? Vous voulez maintenir que vous l’avez confondu avec un chevreuil ? Sûr ? Il est vrai que c’est mieux que votre première idée… Un rhinocéros en Isère, c’était un peu abuser… Mais, quand même, je n’en connais pas beaucoup, des mecs à tête de chevreuil… Enfin, faites pas votre tête de cochon… Si vous y tenez, à votre défense, tête de bois. Ah, j’oubliais, pourriez-vous dire à votre épouse d’arrêter de bourrer vos colis de Côte du Rhône ? Ça passe par la fouille et ça régale les gardiens ». Un joli cadeau. Qui n’est pas si rare finalement : en 2019 un promeneur a été confondu avec un sanglier, en 2020 une jument a été prise pour un chevreuil… Au moins les quatre pattes y étaient-elles… En 2022, c’est un chien qui avait une tronche de chevreuil. Et, toujours en 2022, c’est un chasseur qui prend la balle destinée à un chevreuil. Tant que ça reste en famille… D’ailleurs, en novembre 2022, dans le Puy-de-Dôme, un chasseur fait feu sur son frère, qui devait avoir des airs de sanglier. Et puis, ça avait bougé… Et quand ça bouge ? On tire. Évident, mon cher Elmer. La tragédie n’a que l’air racinienne : le frangin n’est même pas mort. Mais il risque d’être amputé. Espérons que c’est du bras qui avait un fusil… Gageons que cela promette des réveillons enchanteurs… « Pas de bras, pas de terrine de papa ! » Sacré père Noël…
J’ai également fort apprécié la polémique quant à la peau de la petite sirène. Si, vraiment, charmant. Personne pour s’insurger que cette connasse se mutile volontairement pour approcher un bellâtre qui n’en a rien à péter de son coquillage. Personne pour estimer qu’à ce niveau de fantaisie, elle pourrait tout aussi bien avoir la peau verte, ou bleue. On en reste sans voix.
En allocutions et annonces politiques, petit papa Noël, tu as été très généreux. J’ai adoré celle d’Olivier Véran au biceps saillant, tendre souvenir des premières vagues, annonçant qu’il n’y aura pas de coupures de courants. Super beau moment. Virtuose de l’équilibre, magicien électrisant. Il a bossé à fond ses synonymes. « Putain. Les gars, je peux pas annoncer des coupures alors que je viens d’affirmer qu’il n’y en aurait pas… Quoi? Se contredire, on l’a déjà fait? Pas faux… Hum… Une pause? Des brins de suppression ? Un émiettement ? Un échantillonnage ? Une alternance des foyers qui pourront se réjouir qu’Hanouna ne leur gerbe pas son égo débile dans les oreilles? C’est pas mal ça! Un loto de l’énergie : la moitié des billets gagnants? Un pile ou face du dîner? Si c’est ludique, ça passe mieux non? » Délestage finira par avoir tous les suffrages, histoire d’alléger le poids angoissant des gelées hivernales.
Au moins, on connaît le truc : il y aura des coupures.
En microbes, je trouve que ta hotte a tout de même été un peu lourde… Toutes ces vagues… Ça donne le mal de mer. Il ne reste plus qu’à inventer le mal de virus. Symptômes : envie irrépressible de ne plus sortir, même masqué, et de rester planqué sur son canapé. Le trio bronchiolite, grippe, covid est certes festif. Un peu trop ? On pourrait nommer le cocktail de vaccin de décembre, tentative pleine de peur et d’espoir, le Broncoppe. Comme un cocktail couleur méconium qui donne mal à la tête et des envies de retraite dès la cinquantaine. Ou un titre de mauvais film. Dans lequel de malheureux confinés se verraient piégés dans leur immeuble aux portes scellées, impuissants, impossible d’échapper à l’incendie… La voix d’une mère en pleurs raconterait comment elle a tenté d’atteindre la sortie de secours, scellée elle aussi, comment elle a perdu deux de ses enfants dans la fumée, abandonnés aux flammes… Et alors, tous les confinés se révolteraient, sortiraient dans les rues et feraient trembler les tyrans. Ce serait l’incendie qui met le feu aux poudres de la révolution. Tandis que des milliers d’individus, sans masque ni vergogne applaudiraient des footballeurs victorieux qui s’enlacent avec impudence dans un pays où l’homosexualité est un crime, la mort d’ouvriers à peine mieux traités que des esclaves une broutille.
Comme j’aurais préféré, petit papa Noël, que ces conditionnels restent hypothétiques…
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