Des travaux, des choix, bientôt de la fureur. (épisode 2)
L’heure est au choix. La taille des carreaux, la couleur des
carreaux, la couleur de la peinture, la taille des meubles, la couleur des
meubles… Vous qui aimez les choix, qui pouvez passer deux heures à hésiter
entre purée-jambon ou brocolis-cabillaud pour le repas du soir, vous qui
pensiez que le prénom de vos enfants avait été le choix le plus compliqué de
votre existence…
D’ailleurs, depuis, vous reconnaissez que vous avez un peu
tendance à trop peser le pour et le contre… Quand d’autres affublent
joyeusement leur enfant de prénoms originaux et programmatiques.
Stan-Ragnar ? Pas besoin de test d’évaluation au CP : il est promis à
un avenir brillant, victorieux. Un vrai guerrier des temps modernes,
Stan-Ragnar, le genre de gosse à boire son chocolat chaud dans un crâne, de
préférence celui d’un chrétien décapité le lundi de Pâques quand d’autres
étaient trop occupés par la chasse aux œufs pour songer à attaquer. Aurien ?
Pas besoin d’années de psychanalyse : pour survivre à un tel prénom,
(c’est simple : votre correcteur orthographique le souligne de rouge, un
rouge qui dit « change moi ça, ça n’existe pas ! Tu as oublié une
syllabe, petite étourdie… ») il doit tuer le père, et la mère, et, cerise
sur le destin, se crever les yeux après… Pourquoi ? Oh, rien.
Un prénom incroyable, riche de possibilité infinies…
« Aurien, tu prendras quoi en dessert ? Qu’est-ce que tu veux faire
plus tard ? Tu préfères un plan à trois ou à quatre ? La destruction
du service public, pourtant héritée d’une prise de conscience terrifiante et
des cinquante millions de morts de la seconde guerre mondiale, t’en penses
quoi ? Qu’est-ce que tu regrettes ? » Oh, rien…
Tandis qu’ ô Rien suspend son vol, Nounours veut du
jaune. Vous détestez. À croire qu’il vous méconnaît et que votre mariage n’a
des roses que les épines. Vivement les noces de satin, ou de velours… Vous
notez qu’il existe des noces de platane… Pas très engageant. Ça fleure mauvais
l’accident, la sortie de route mortelle. Quelle étrangeté est bien passée par
l’esprit tortueux de l’inventeur d’un tel concept ? Une similitude entre
l’écorce, les plaques qui se détachent et la peau des vieux époux ?
Quoiqu’il en soit vous rejetez catégoriquement le jaune. Le
Patron a une suggestion. Demander aux enfants. Sérieux ? Comme lanceraient
lesdits enfants, sur le ton qui sied aux insolents. C’est l’abus de mozzarella
qui lui bouche les connections neuronales? S’il veut signer un contrat
avant le 22e retour du Jedi, il faut absolument éviter d’attendre un
accord entre Choupinette et Choupinet. L’une aime les chevaux, l’autre les
vaches, l’une le bleu, l’autre l’orange, l’une le poulet, l’autre le bœuf :
leur seul point commun c’est leur patrimoine génétique. Et leur goût pour
s’asticoter. Et ça n’a jamais rénové une salle de bain, des asticots.
Anthracite et rouge. Gris et aubergine. Ce ne sont pas des
suggestions de prénoms pour des jumeaux, mais les décisions cruciales
auxquelles vous avez fini par parvenir. Quoique…
Nous avons le bonheur de vous faire part de l’arrivée
d’Anthracite et Aubergine, deux petites merveilles de 3,5 et 3.2 kg, 51 et 53
cm. Non, parce que c’est super important de préciser à tout son carnet
d’adresses le poids et la taille des deux êtres dont la première action sur
terre a été de déchirer le périnée de leur hôte dont l’hospitalité a tout de
même duré neuf mois. Merci, mais vous auriez préféré une orchidée. Même si la
faire refleurir n’est pas plus facile que de se remuscler le plancher pelvien
pour pouvoir éternuer sans inonder son jean. Toutefois l’annonce est trop
sobre, peu raccord avec l’identité des nouveaux venus. Une métaphore astrale
peut-être ? C’est pour notre plus grande sidération que deux étoiles d’un
bon gabarit (gnagna kilos, gnagna centimètres), Anthracite et Aubergine, sont
venues illuminer le ciel de nos vies à 2h18. Super important aussi de préciser
l’heure. Comme vous allez pouvoir compter les minutes de sommeil dorénavant… Ou
une métaphore culinaire ? Une pincée d’inconscience, une dose de cruauté,
une bonne louche de n’importe quoi, de nombreuses rasades de mojito trop
corsé, touillez bien, gardez au chaud neuf mois, et voilà ! Anthracite et
Aubergine, deux beaux morceaux qui vont vous régalez…
Cessez de divaguer : vous n’y échapperez pas. L’heure
est venue. Il est temps. Place à…
La destruction.
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