2e vague (3)

 


Vous changez de programme. « Traumatisme cumulatif ». Ah, oui, c’est ça. Vous l’aviez sur le bout de la langue. Ça ne fait pas rêver, mais c’est assez juste. 2020, c’est l’année où la merde extraordinaire qui nous tombe sur la gueule devient ordinaire. À quand l’invasion de sauterelles ? Quand est-ce qu’on nous propose de sacrifier notre progéniture pour calmer l’ire divine ? Par pitié, avant qu’on déconfine, que ça ait un intérêt.  Vous pouvez essayer d’anticiper si ça vous chante, mais, clairement, l’univers a bien plus d’imagination que vous. Crise sanitaire, crise économique… Vous rallumez la radio. « Y a beaucoup d’emplois par derrière. » Ah. Il semblerait que d’aucuns, petits ou grands, ont un léger sentiment de se faire violemment entuber. Peu importe : apparemment, ce n’est pas essentiel.

On traverse un temps flou. Un long jour blanc, mais sans la neige. Difficile de distinguer la ligne de partage entre libertés bafouées et vies sauvées. Aucune visibilité sur la fin de cette saloperie. Plus de repères. Vos essentiels s’arrêtent là où commencent ceux du gouvernement. La suppression du superficiel vous mine : vous voulez une terrasse, des bons copains, un verre de vin et un bouquin. Mais vous êtes raisonnable.

Raisonnable et résignée.

 

Pour le gouter, vous allez faire des crêpes. Pour pouvoir les flamber. Au rhum. Mais vous faites attention à votre ligne et Choupinet et Choupinette rentrent à 17h et 18h, trop tard pour gouter, de leurs établissements où le virus ne circule pas. Ou très peu. Parce qu’un pangolin a dû dire « Jaques a dit ». Vous ne voyez pas d’explication plus logique. Cette année 2020 est une année joueuse et rigolote. Jaques a dit : touchez-vous les coudes. Jaques a dit : portez un masque. Faites-vous la bise. On n’a pas dit « Jaques a dit » ! Perdu ! Gage ! Tu paies 135 euros et on t’enfonce un bâtonnet dans le nez jusqu’aux amygdales.

Donc, pour le gouter, crêpes flambées. Sans farine ni œuf ni lait. Pour les raisons susmentionnées. Et parce que c’est jeudi. Jeudi est devenu jour d’annonce. Les annonces étant faites à 18h, il est essentiel d’être prête à tout entendre. Ça tombe bien, le rhum est une denrée essentielle, pas de rubalise autour dans les supermarchés. C’est d’ailleurs très réconfortant, ce signalement, parce que sinon vous pourriez vous tromper et faire des crêpes au mascara, voire flamber une page du dernier Arabe du futur au dissolvant.

Pour le dîner, coq au vin. Sans coq. Et en dessert, un colonel. Sans glace. C’est mieux pour digérer le fait que le jeudi soit devenu plus angoissant que le dimanche. Toujours cette perte de repères. Le blues du dimanche soir, c’est un classique, une tradition. Vous le pratiquez depuis l’enfance. Petite, vous le faisiez passer à coups de Bouba le petit ourson et de Cat’s eyes. Quand Choupinette était petite, vous vous étiez rabattue sur Pepa Pig, parce que les histoires de cochons… Voilà.

Maintenant que le blues n’est plus cantonné ni au dimanche, ni au soir, vous cherchez des solutions. Vivre à trois grammes en est une. Quitte à errer dans le flou, autant se créer son flou et en profiter. Sans compter que c’est peut-être une excellente barrière contre tous les virus. Dommage qu’aucun laboratoire ne planche sur cette lumineuse idée. Pourtant dans « gel hydro alcoolique », il y a… Ce n’est pourtant pas compliqué !

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