2e vague (1)

 


Franchement, c’est émouvant. Une promesse tenue.

C’est rare.

Pour un peu, ça vous tirerait une petite larme, un peu comme rendre visite à une maman qui vient d’accoucher de son premier tyran. Heureusement on se méprend souvent sur l’origine des émotions d’autrui. Sinon, ce serait un sacré bordel... Pas sûr que la maman, qui vient d’en chier grave, au figuré comme au propre, voie d’un très bon œil que vous compatissiez aux sombres années d’esclavage qui l’attendent. Ça pourrait se terminer par des actes violents ; les fraîches mamans, et là ce n’est qu’au figuré, rapport au premier, celui de la phrase d’avant, sont plutôt susceptibles et imprévisibles et ce n’est pas le moment de se faire étriper : les hôpitaux sont surchargés, pas assez de lits en réa, et bla-bla-bla...

Ce n’était pourtant pas compliqué d’alerter sur le manque de lits et de personnels, au lieu d’attendre qu’une pandémie nous... Quoi? Ils l’ont dit, crié, manifesté? Oui, bon, bah, on devait être en train d’applaudir, on n’entendait rien. Quoi? C’était bien avant? Oui, bon, bah, on s’égare... Revenons à nos maux et merveilles promis.


On vous en a parlé, on vous l’a longuement vendue. Elle est là : la deuxième vague.

Deuxième vague. Ça sonne comme un mouvement artistique. La deuxième vague ou comment faire une statue de Trump en PQ. Non, mais, parce que vous y tenez, ça vous titille : il faut bien en faire quelque chose de ce fucking PQ…

C’est vrai : au premier confinement, la rafle sur cette denrée vous avait sidérée. Mais vous compreniez. Un peu. La situation était inédite : la peur d’avoir à expérimenter des torche-culs peu rabelaisiens tenaillait la population. Mais au deuxième… Le mystère reprenait du poil de la bête.

Vous ne direz pas « second ». Peu réaliste. Mr Morin, vous a d’ailleurs, une fois n’est pas coutume fort chagrinée en évoquant la postérité pandémique. Il a chiffonné cette toute petite part de vous qui veut croire, malgré tout, cette part de vous qui espère encore que cette vague est seconde. Mais, bon, bah, c’est aussi cette part qui croit en l’avenir, l’humanité, la fin du réchauffement climatique, des jours meilleurs et les régimes hyperprotéinés. Une part de vous un peu fofolle mais attachante.

Ça doit être cette dernière qui imagine la tête de Mme quand Mr rentre des courses : «  T’as ramené 60 rouleaux de PQ? Mais c’était même pas sur la liste! Bordel! C’est pourtant pas compliqué de suivre une liste, merde! Et on n’utilise même pas cette marque! Tu as regardé l’étiquette ? Le prix de la feuille ? Non, bien sûr. Pas assez intéressant pour Môssieur. Faut tout faire soi-même... Et le fenouil? Bah, non. Trois kilos de pâtes, quatre paquets de chips, mais du fenouil... ça, évidemment... Hein? Les rayons vides? Quand même, pas la deuxième fois, arrête de me prendre pour une con finie née de la dernière pandémie, c’est bon... »

 

C’est peut-être également pour cette petite part que la deuxième vague est un mouvement artistique. Avec des mots d’ordre un peu effrayants. Un mouvement qui créerait des œuvres un peu effrayantes. Comme un tableau un peu effrayant. Avec un salon, une télé branchée sur Netflix, un sol jonché de sacs de chips et de bouteilles de Kro, un mur dissimulé par des colonnes de PQ. Avec ce titre un peu effrayant : « Ceci n’est pas la liberté. » Cette petite part de vous, elle fait aussi flipper. Grave. Comme un pangolin enrhumé sans mouchoir.

 

Deuxième vague. Non, décidément, ça laisse songeur.

Cruelle dénomination. Comme un vent de vacances, de plage et d’embruns salés qui soufflerait sur vos rêves avortés de bon temps. À l’heure où réserver un gîte trois mois à l’avance a le goût de l’aventure franche et audacieuse. Il va d’ailleurs falloir revoir les contrats car, pour l’instant, la clause « remboursement pour cause de confinement local et/ou national et/ ou mondial » n’a pas encore été prévue.

Tout aussi audacieux, pour vous changer les idées, vous vous informez. Alors, en fait de changement, ce n’est pas tout à fait ça.  Vous sentez bien que ce n’est pas votre meilleure idée. Autant lire le Tambour, enchaîner avec Le gai Désespoir de Cioran, poursuivre avec l’Art de guillotiner les procréateurs, ou Valcrétin : vous hésitez, le titre est vraiment alléchant... Mais c’est plus fort que vous. Tel le fumeur qui en grille une pour respirer, vous allumez la radio.

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