Le beauf (partie 1)
En cette période de fêtes, une chronique spéciale : quand la famille n'est pas un cadeau...
Votre
beauf, il est exceptionnel. Exceptionnel.
Au concours
de beauf, à la récré, quand vous retrouvez les collègues après les vacances,
vous gagnez immanquablement. Et haut la main. Un champion, votre beauf.
Et pourtant
il y a des beaux candidats. Y a Charlotte avec le beauf-crado, celui qui se
coupe les ongles à table et se régale de ses crottes de nez, un vrai gosse… Y a
Irène et son beauf-pervers, celui dont les mains se retrouvent régulièrement
lancées sur son derrière, celui d’Irène, pas de sa sœur… Y a Steph et le beauf
testostéroné, bien gratiné, il bosse au GIGN, c’est dire s’il regorge
d’anecdotes explosives. En plus, il a été recruté avec une mention spéciale
pour racisme exacerbé : avec l’amie de Steph, Nadia, les repas familiaux
sont festifs toute l’année…
Mais rien à
faire, votre beauf, c’est une vraie star. Souvent imité, jamais égalé. Il place
la barre de la beauferie à des hauteurs tout bonnement vertigineuses.
Reconnaissez-le : le faire concourir, ce n’est pas très fair-play…
Dès la
première rencontre, vous avez senti qu’il avait quelque chose de particulier…
un « je ne sais quoi » qui le rendait unique… D’abord, il n’a pas eu
l’adolescence du commun des mortels.
Très jeune,
ses parents l’ont ignominieusement balancé dans un pensionnat suisse. Il faut
dire que le goût pour les spécialités helvétiques est très prononcé dans la
famille.
Le chocolat
n’adoucit pas forcément les mœurs : à l’âge de la sacro-sainte crise
adolescente, quand d’autres tirent sur une clope, l’air supérieurement inspiré,
entre deux toussotements, quand d’autres occupent le trottoir en criant haut et
fort leur passion pour Justin Bieber et autres stars pour midinettes, quand d’autres
s’essaient à lancer force jurons, terrorisant les plus de 40…lui… Que dire… Le
beauf, développant une profonde aversion pour le rouge, le rose, le beauf a eu
une adolescence en chemise brune… Oui, au XXIe siècle… Et attention, il ne la
renie pas ! Pas son genre…Il s’en gargarise, l’animal. À vrai dire, il se
place tout simplement dans une tradition familiale : chez le beauf, on est
pétainiste de père en fils… Juré ! Vous ne pourriez l’inventer, ce serait
trop peu crédible…
Loin de renier
cette période sombre de sa construction identitaire, le beauf n’attend qu’une
pichenette pour se lancer dans des envolées lyriques qu’envieraient bien des
extrémistes. Quand vous luttez corps et
âme pour ne pas dévier d’un poil de ce sujet ô combien fascinant, la météo, il
saisit la moindre occasion pour rétablir l’image ignominieusement ternie de ce
Héros. Vous pouvez toujours compter sur lui pour éclairer l’Histoire,
monstrueusement déformée par l’Institution. Heureusement qu’il est là pour rétablir
des Vérités. Jean Moulin ? Un cuistre, un saligaud de la pire espèce, un
jean-foutre ! Sale engeance que ces résistants portés aux nues pour de
sombres raisons, des hommages scandaleusement immérités ! Immérités !
Germaine Tillion au Panthéon, rendez-vous compte ! Une femme, de
surcroît ! Alors qu’on continue à rouler Laval dans la boue ! Alors
que ce bon Maréchal n’est toujours pas reconnu comme le Sauveur de la
France ! Reconnaissez-le : le beauf vous a ouvert des horizons.
Vous qui
pensiez que patauger dans les millions n’est qu’une activité de palmipède, vous
qui, au mieux, auriez défini le pétainisme comme une maladie gastrique, vous
qui pensiez qu’intelligence et fortune croissent de concert. Petite naïve
obtuse…
Alors,
bonne fille, vous avez tenté une expérience inédite : des vacances avec le
beauf. C’est un concept. Qui dit vacances en famille, dit apéro, dit grillades,
dit marmaille qui se poile, dit parties de foot et parties de cartes, balade et
rigolade… Du moins vous le croyiez. Que nenni. Certes, les petites gens se
distraient à petits frais. Qu’ils sont amusants ! Mais le beauf, lui, a de
vraies envies, il rêve grand, le beauf. Il lui faut du champagne et du
hors-bord, du palace et du caviar. Alors, votre gîte en Charente, c’est dépaysant,
déroutant un instant, mais, non, non, on ne peut décemment parler de vacances.
Sans compter que ça manque cruellement de petit personnel.
Parce qu’il
a dessillé vos yeux dans bien des domaines, le beauf.
Commentaires
Enregistrer un commentaire