La formation (partie1)
Vous avez
eu plusieurs vies. Un peu comme les chats. Vous vous êtes même frottée aux eaux
troubles de l’entreprise.
Et si vous
deveniez manager ?
C’est
l’idée saugrenue qui a traversé l’esprit dérangé de votre +2. Bien sûr, vous
avez dit non. Moult fois. Vous avez expliqué votre non, argumenté : vos
compétences techniques sont époustouflantes, certes, mais de là à les
transposer…Une experte en gigot de sept heures n’est pas forcément une experte
du fondant au chocolat. Comprendo ? Non. Le +2 est sourd. Vous insistez.
Vous êtes méticuleuse, perfectionniste, à l’écoute d’autrui, investie, mais
vous êtes une grosse buse pour imposer quoi que ce soit à qui que ce soit, vous
êtes la reine de l’anxiété, prompt à insomnier, votre gestion du stress est
déplorable. Gérer une équipe, ce n’est point du tout votre tasse de thé. Votre
estomac est tout ulcéré à cette perspective. Vous insistez. Le +2 aussi. Les
mathématiques ont gain de cause. Votre 0 s’incline devant la force du +2. Et
vous vous retrouvez en formation pour devenir un +1.
C’est
rassurant. On ne vous catapulte pas contre votre volonté à un nouveau poste
sans la moindre préparation. Ouf.
Vous
entamez donc votre premier jour de formation avec espoir et cinq futurs +1. Il
y a du café, des croissants et un formateur guilleret. C’est bon signe.
Il commence
par vous faire remplir un questionnaire. Pourquoi pas. Le questionnaire en
question a tout l’air de sortir du dernier Biba de l’été. Est-ce bon
signe ?
Vous avez à
régler un conflit.
C. Vous
écoutez avec attention les arguments de votre interlocuteur.
E. Votre
porte est fermée, vous n’avez pas que ça à branler.
P. Vous
faites diversion en exigeant pour hier la réalisation d’un nouveau projet.
V. Vous
affirmez à votre interlocuteur qu’il a sans doute raison mais que vous ne voyez
pas d’intérêt à ce qu’il dit et que vous n’avez pas de temps à perdre.
A la
cantine, vous êtes plutôt :
P. Salade
et crudités variées.
E.
Entrecôte saignante.
C. Tarte
aux fraises.
V.
Entrecôte saignante et frites.
Votre
subordonné, yeux cernés, teint hâve, vous avoue crouler sous un débordement de
dossiers.
P. Vous
l’assurez de votre confiance pleine et entière et lui remettez un nouveau
dossier à traiter pour avant-hier.
V. Vous
affirmez à votre interlocuteur qu’il a sans doute raison mais que vous ne voyez
pas d’intérêt à ce qu’il dit et que vous n’avez pas de temps à perdre.
C. Vous
saisissez pleinement la détresse engendrée par une surcharge de travail démente
et hiérarchisez prompto les priorités du pauvre hère, en profitant pour le
décharger du plus écrasant.
E. Vous lui
proposez une formation sur la gestion du stress.
Une dizaine
de questions plus tard, vous vous demandez toujours où sont le mojito et la
plage qui ont habituellement le bon goût d’accompagner la lecture édifiante de
Biba. Le formateur interrompt vos rêves de cocktails et bikinis pour vous
demander de calculer vos nombres de C, de E, de P et de V. Faut pas être un
poussin de deux jours pour comprendre que chaque lettre correspond à un profil
précis et qu’il serait enfantin de fausser le test bibaesque en cochant
systématiquement la même lettre… Mais bon. Vous n’allez pas effrayer le
formateur : vous le laissez former en paix et comptez obligeamment vos
points.
Ô surprise,
ô étonnement suprême : le formateur vous informe que chaque lettre
correspond à un type de manager différent ! Vous persistez à faire bonne
figure : ce n’est qu’un amuse-bouche, une distraction distrayante avant
d’entrer dans le cœur de la formation…Alors… Le C, c’est pour Colombe, le E
pour Épervier, le P pour Passereau et le V pour Vautour. Ah. Vous êtes filmés ?
Y a-t-il une caméra dans la salle ? Non, parce que, vraiment, ça vous
rappelle une petite série comique ma foi fort divertissante. Vous réfrénez
votre envie de demander s’il est ensuite prévu que vous enlaciez des arbres
pour sentir la sève du management envahir vos âmes et écoutez sagement le
descriptif de chaque profil.
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