Le projet (partie 3 et fin) #Qatar #boycott #char
Heureusement, pour vous divertir, il y a le foot.
Sport qui vous a toujours laissé aussi froide qu’un
bébé Courjault. Rugby, tennis… Pas de problème. Mais regarder un match de
foot ? Plutôt découvrir que vous avez épousé un membre de votre famille et
vous crevez les yeux.
Bêtement, vous cédiez pour la coupe du monde. À
partir de la demi-finale. Et seulement s’il y avait la France et de la pizza.
Par contre toutes les quatre fromages de l’univers ne pourront pas vous
convaincre de regarder la coupe du Qatar. Vous êtes d’ailleurs ravie de vous
trouver un point commun avec Vincent Lindon.
Qu’il se rassure, vous le trouvez très légitime. Même s’il s’en fout,
vous teniez à lui dire.
Dans quelle bulle faut-il vivre pour avoir le
projet de construire six stades climatisés pour quatre milliards de
dollars ? Et si c’était resté une idée… De ces idées qui nous échappent à
peine nées… Une idée absurde et dégueulasse dont la fuite aurait été salutaire.
Au lieu de ça… The Guardian révèle 6 500 morts. Dont on se tape le
ballon. Des migrants. Sri-Lankais, pakistanais népalais… Et on ne compte même
pas les philippins et les kenyans. À quoi bon ? Qui ça intéresserait ?
Les supporters ? Les
gouvernements ? Les joueurs ? Qu’est-ce que ça fait de poser son cul
sur un gradin maculé du sang d’un père de famille mort de chaleur ?
Qu’est-ce que ça fait de fouler une pelouse que ne verront pas ces morts tombés
pour qu’elle existe ? Des incidents. La FIFA a pris ça au sérieux :
« Nous avons enquêté sur
chaque incident pour nous assurer que les leçons ont été apprises. »
Putain. Et quelle est cette leçon ? Elle aussi, elle a été récitée par des
mecs job datés ? Pour l’oublier, de toute façon, le Qatar
rassure : on pourra picoler. On peut donc être un pays musulman
conservateur et savoir recevoir plus d’un millions de visiteurs. Bière et
bière, les deux mamelles d’un mondial seront respectées, À défaut du bon sens
et des droits de l’homme.
Alors, non, vous n’allumerez pas votre télé.
Ridicule petit geste, certes. Mais vous ne consommerez pas une once
d’électricité. Ce serait trop cautionner cette monstrueuse gabegie environnementale,
cette honteuse exploitation des plus démunis par les plus fortunés. Des débiles
qui pensent qu’il est encore temps de se marrer quand on leur suggère de
troquer le train contre le jet privé.
Jusqu’à l’étalage de la connerie de Galtier et Mbappé rigolard, vous
étiez tolérante, un peu, dans la mesure de votre possible. Vous n’aimiez pas le
foot, mais vous laissiez volontiers ça aux autres. Mais là… Oh, bien sûr,
l’humour a eu bon dos, et on a bien fait son mea culpa… Et alors ?
Un pyromane qui s’excuse, « oups, c’était une mauvaise blague, au mauvais
moment, c’est vrai, j’aurais dû attendre que les pôles aient totalement fondu
pour cramer des hectares de forêt, désolé », est-il moins un pyromane pour
autant ? Ah, il a dû se faire secouer le filet, le Galtier, il a vite
changé de chanson : « Croyez-moi, je suis concerné par les problèmes
de climat, les problèmes de notre planète. Je sais la responsabilité que nous
avons. J’ai entendu beaucoup dans la journée qu’on était hors-sol. C’est faux.
On n’est pas hors-sol, on est très lucides. » Hum. OK. Donc ? Le
Qatar ? Tu boycottes ? Ou tu nous balades dans ton char à
voile ? Le croire ? Certainement, sa parole est d’or : près de
quatre millions d’euros par an à Nice, et aux alentours de dix millions au PSG…
Ça en fait des trajets en Ouigo… Et ça n’apaise pas votre envie de crier haro
sur le dadais. Objecter le talent, la carrière courte et le coût d’une
dangereuse mais nécessaire greffe de cerveau pour justifier de sommes
indécentes vous semble léger.
Après tout la carrière d’un enseignant propulsé
sous couvert d’une formation indigente dans l’univers impitoyable d’une classe
peut également être très très courte. Bien plus que celle de Mbappé qui a signé
son premier contrat professionnel en 2016, touché un salaire de 2 391 900,92 €
mensuel en 2020, soit 28 702 811 €, revalorisé en 2022. Une année plutôt
sympa : un salaire annuel de 44 millions d’euros nets, plus une prime de
125 millions d’euros touchée à la signature du contrat, soit un montant
de 257 millions d’euros nets sur les trois prochaines années. En brut :
389 millions d’euros. Qu’on se rassure, il s’achète une paix morale en versant
ses primes à l’internationale à des associations : on espère qu’il pensera
aux familles des pakistanais et libanais morts pour la coupe… Il est vrai que
tout le monde ne peut être Mbappé. C’est indéniable.
De même que, vous en conviendrez, tout le monde ne
peut être chirurgien cardiaque. Calculons, juste pour s’amuser, avec
générosité. Un chirurgien passe par douze à quinze années d’étude, avec un
salaire progressif. Qui atteindra jusqu’à 7 500 € en hôpital public, et 12
000€ dans le secteur privé. Sans commentaire. Cela troublerait votre calcul, si
vous envisagiez que le système est fait pour deux mondes, celui des
trottinettes et celui des jets privés. Mettons que votre chirurgien, dans le
privé, extrêmement talentueux, touche donc, au regard de son sublime coup de
scalpel qui vaut bien un dribble, dès sa première année, et ce durant une
carrière de quarante ans, son salaire maximum : 40 x 12 x 12 000,
cela nous donne… Tadam ! 5 760 000 € Nul. Même s’il exerce
cinquante ans, quitte à yoyoter un chouilla, il n’atteindra que
7 200 000 €. Même en envisageant des primes, ça fait tout de même 54
fois moins que Mbappé. En trois ans. Et, d’après vos connaissances Nike ne
sponsorise pas les bistouris… Pas d’après votre modeste savoir…
Alors, vous avez peut-être mauvais esprit, mais
vous trouvez que le prix à payer pour passer une soirée à maculer le canapé de
chips et enquiller des 16 tiédasses, même avec le sentiment nationaliste
regonflé à bloc, est un tantinet excessif… Il a beau courir super vite (parce
qu’on peut toujours appeler ça sprinter pour faire classe, ça reste courir
vite), Mbappé, vous ne lui confieriez pas votre opération à cœur ouvert, ni
même votre plomberie. Étrange époque tout de même…
Avec du recul, c’est même vertigineusement
flippant. Par exemple, John Harrington,
au XVIe, était certes noble, riche et pouvait même se targuer de
compter parmi la centaine de filleuls de la reine Élisabeth 1ere,
mais il ne s’est pas contenté d’enrichir sa pomme et de soigner sa vanité. Il a
inventé la chasse d’eau. Ça n’a l’air de rien, mais tout de même, ça a changé
la vie d’un paquet de gugusses. Bien plus que le dernier match PSG / Juventus.
Bah oui, ce ne sont pas deux malheureux buts qui peuvent se vanter d’avoir
sauvé des milliards de vies. Grâce à John, chaque année nous sommes des
millions à éviter de choper des trucs aussi sympas que choléra, dysenterie,
hépatite A, typhoïde, polio… Alors, OK, c’est moins divertissant qu’un bon
match, et on sait qu’ « un roi sans divertissement est un homme plein
de misères » : au temps du Covid, de Poutine et de Zemmour, on a donc
intérêt à se divertir. Toutefois, on pourrait méditer, à chaque tour aux
gogues, si, le lieu est propice, sur le « comment » et « à quel
prix ». Franchement, lorsqu’on coule un bronze, on pense moins ballon d’or
que chasse d’eau… Pourtant vous êtes prête à parier une année de PQ que la
popularité de John n’arrive pas au crampon de l’autre numéro.
Par contre, tout le monde connaît Virginia… Si…
Celle du score. On commence tous avec elle. Super cool, Virginia, elle a même
pensé à un moyen mnémotechnique pour sauver des bébés dans les vingt-quatre
heures qui suivent leur naissance. Et vous connaissez peu de monde, qui, après
avoir subi une monstrueuse transformation pendant neuf mois, est prêt à perdre
le fruit de ses entrailles. Tout ça pour ça, ah non ! Bon si on en reparle
douze, treize ans plus tard, c’est différent… Bref, coupons là le cordon. Activité musculaire, Pouls, Grimace, Apparence et Respiration :
tu tchèques les cinq points et si le lardon obtient moins de trois au test
d’APGAR, comme Virginia Apgar, maligne vous dis-je, faut intervenir fissa… La
FIFA et ses super butteurs peut pas s’aligner, rien ne vaut plus qu’un petit
bébé sauvé, alors des millions de vie sauvées, des milliers chaque jour…
Il est vrai que comparer, c’est tricher. Après
tout, chacun sa partie. Vous êtes ravie que votre boucher ne s’amuse pas à
shooter dans vos côtelettes. Visiblement, le petit Kylian a trouvé sa voie et
il fait de son mieux, on peut, même vous, avancer qu’il est doué. Est-ce de sa
faute si on le rémunère de manière délirante, indécente, révoltante ?
Non…C’est plutôt le signe que le monde va mal : vous diagnostiqueriez bien
une nécrose des valeurs… Des signes, vous en avez d’autres, plein.
Mais ceci est un autre chapitre…
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