Le projet (partie 2)#bus #recrutement #panade
Quand vous avez reçu le mail de la région au sujet du transport scolaire, vous
avez eu un doute… Lire « une campagne de recrutement / formation a été
mise en place dès le printemps de cette année à grand renfort d’aide et de
communication » vous a fait vous interroger sur ladite formation… Si elle
s’est faite à l’aune de celle des individus qui ont fraîchement eu le courage
ou l’inconscience de se présenter début septembre devant une classe… Chaque
jour Choupinet et Choupinette vont se rendre en cours au péril de leur vie.
Surtout ne rien leur dire ! Ils risqueraient d’y voir une excellente
excuse pour continuer à squatter votre espace de semi-liberté !
En plus, « cette tension de main d’œuvre
dans ce secteur professionnel spécifique pourrait, malgré la très forte
mobilisation et les moyens mis en place par les services de la Région pour y
faire face, occasionner quelques adaptations au cas par cas » semble fort
pouvoir se traduire par suppression de ligne de bus… Choupinet
confirmera : le 17h 26 de ce lundi 5 septembre ? Désolé, pas
aujourd’hui. Peut-être demain. Il restait le 19h26. Qui l’a déposé à quinze
minutes en voiture de chez vous. Une excuse en or 18 carats pour vaquer aux
occupations préférées d’un adolescent. Un indice ? Ça ne commence pas par
« de » et ça ne finit pas par « voirs »…
Quant au passage « Je profite de l’occasion
qui m’est donnée de vous inviter à communiquer à toute personne, actif ou
retraité, qui serait intéressée par un complément de revenus, sur la
possibilité de de devenir conducteur de car », vous hésitez sur le
qualificatif. Malin ? Alarmant ? Dingue ? Qui ne souhaite pas un
complément de revenus ? Bernard Arnault, Vincent Bolloré ? Certes.
Mais vous ne les comptez pas dans vos contacts, comme bon nombre de parents
d’élèves. Néanmoins, la question reste intacte : les revenus insuffisants,
c’est une garantie de compétence ? Bonne nouvelle pour les enseignants :
pour mettre du beurre dans les copies, ils peuvent aller chercher les gosses
chez eux, à la « Fatals Picards ». Espérons que les infirmières
recevront également l’information : on ne les applaudit plus trop ces
temps-ci, déjà que l’applaudissement nourrit peu son soignant… Et proposer une
prime en gaz/fioul/électricité pour cet hiver ? Ça pourrait être
brillamment attractif… Pourquoi ne pas transmuer la peine des braqueurs ?
Ils aiment les revenus, ils conduisent, si ce n’est bien, vite : il faut
bien fuir. Et le problème de surpopulation carcérale y gagnerait. Plutôt
qu’organiser des journées karting…Vous ne pouvez qu’approuver Pablo
Mira : « on sait qu’on est dans une situation critique quand on
commence à regretter la disparition d’Émile Louis ».
Cerise sur la trousse, vous ne pouvez assurer à Choupinet et
Choupinette que leur nouveau prof de philo / math / français a les
connaissances et la pédagogie idoines. Il est vrai qu’années d’étude et
concours n’assurent pas pleinement d’être un bon pédagogue. Certes. Néanmoins
cela garantit tout de même un certain niveau de connaissance et une volonté
d’enseigner un peu plus consistante qu’un « t’as vu, Chouchou ? Vendredi
il y a une soirée speed recruting teacher ! Trop cool ! C’est
comme ça, qu’on s’est rencontrés ! En plus, mon chef me gave grave… Pis ce
serait chouette d’avoir les vacances avec les mômes ? On pourrait
voyager ? Allez, zou, je m’inscris ! » Voyager ? Hum… À condition d’aimer le
camping CGU, l’auto-gestion…
Les réunions parents-professeurs vont être
délicates… Demander ou non au prof d’anglais au fort accent périgourdin s’il a
une réelle connaissance de la langue de Shakespeare ? Interroger la
maîtresse de CP dont le power point compte suffisamment de fautes d’orthographe
pour que l’étourderie ne soit pas une option ? S’enquérir des diplômes de
la prof de français à la voix fluette, aux yeux rougis et au teint aussi
crayeux que les projectiles qu’elle essuie depuis deux semaines ?
Fera-t-on des statistiques sur le nombre de
dépressions, de démissions dans les semaines à venir ? Verra-t-on la côte
des enseignants atteindre des sommets inégalés ? Les clichés seront-ils
enfin écrasés par la découverte de la réalité in situ ?
L’ambiance en salle des professeurs ? Ignorer,
toiser, malmener ces malheureux nouveaux plus remplis d’illusions que le bide
de Gérard de Bergerac. Ou aider, encore, pallier aux défaillances du système,
épauler, conseiller, offrir des cours construits pendant des heures, parce que
derrière l’aberrante machine pondeuse de réformes kafkaïennes, il y a des
humains… Alors on se débrouille, on fait en sorte que ça marche, un peu, même
en boitant. Et la machine peut continuer à broyer. Humaine, trop humaine,
éducation.
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