Lettre au père Noël # meilleurs vœux tout pourris
Cher père Noël,
J’ai été très sage cette année.
Comme tous les ans. Il est vrai que je suis d’un naturel très sage : j’ai
donc peu de mérite. Mais, tout de même, cette année, j’ai été tout bonnement
exemplaire.
J’ai bien porté mon masque. J’ai
respecté les gestes barrières. Je dois d’ailleurs avouer que le rituel du
coucher en a été grandement simplifié. Choupinette m’appelle maintenant Madame
et je suppose qu’il faut s’en réjouir. Choupinet ne m’appelle pas : mais
ça, c’est normal. L’adolescence… Mes interactions familiales et sociales se
sont réduites à peau de chagrin et l’Alceste qui sommeille en chacun de nous en
a été tout revigoré. J’ai donc vaillamment résisté à l’appel de la
bamboche : je n’ai cédé qu’à de gentilles bambochettes. En extérieur. Avec
masque. Et gel. Mes mains ont tellement été enduites de gel qu’elles en
suintent, du gel. Si on se serrait encore la main, je serais un distributeur
humain. Je me suis fait piquer. Et repiquer. Une drôle de comptine. Pique et pique, et
colère, rame.
Je me suis bien confinée. Si bien
que je n’ai plus envie de sortir de chez moi. Heureusement, j’ai de quoi me
divertir. Regarder The Rain, La Révolution. Lire aussi. Green class. Carbone et Silicium. 1984.
Et je garde une oreille ouverte sur le monde. Femmes afghanes niées, migrants
noyés, planète épuisée… Parfois, je dois le reconnaître, père Noël, je me sens
aussi joyeuse qu’un cactus sous un tsunami, aussi légère qu’un adepte des
festivals choucroute à volonté, bière à gogo. Mais sage. Toujours.
Alors, cher père Noël, je me
permets de t’envoyer une lettre aux petits oignons.
Tout d’abord je demande une année
banale. Avec son petit lots de merde, normal, mais exit la pandémie
pré-apocalyptique. Franchement, ça ne me semble pas une requête si démesurée. C’est
vrai, on savait déjà que les résolutions avinées du 31 à minuit ne valent pas
un pet de biquette, mais on pouvait toujours continuer à se souhaiter une bonne
année. Sauf que là…
En 2020, on s’est dit qu’on aurait
mieux fait d’enfourner un autre toast au foie gras, avant de devoir s’extasier
sur des toasts tofu goût canard épanoui, plutôt que de se souhaiter une bonne
année. En 2021, on s’est lancé avec enthousiasme, sur l’air de « ça peut
pas être pire gnagnagna, quelle année de merde, la lumière au bout du tunnel
est devant nous gnagnagna ». Et on s’est bien planté.
Les traditions, c’est sympa, mais
quand on a la clairvoyance d’une taupe aux galeries inondées, non, vraiment, il
est plus prudent de s’abstenir. Ou d’être raisonnable. Mais se souhaiter une
année pas trop pourrie, avec quatre doses grand max, deux, non trois, mois de
couvre-feu, se souhaiter de trouver des auto-tests sans devoir couvrir tout le
département, d’avoir un beau pass vaccinal pour assister à des concerts assis à
cent gugusses… Bof. Autant se taire.
Parce que, contrer le sort en se
souhaitant une mauvaise année, ça pourrait être mal pris. Ou s’envoyer des
meilleurs non-vœux ? Pas terrible. Il n’y avait qu’à regarder les vœux présidentiels
pour avoir violemment envie de gerber une bûche pourtant digérée depuis une
bonne semaine, de déraciner en cavalcade.
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