Lettre au père Noël # campagne de merde (partie 3)

 


D’ailleurs, père Noël, de ce second vœu découle tout naturellement le suivant. Serait-ce trop demander, une campagne où on se foutrait pas trop de notre gueule ? Perso, après deux ans d’angoisse virale, agiter le drapeau de l’étranger-migrant pour noyer le débat, jouer de la peur et de la misère pour étouffer les sujets brûlants, s’amuser à booster les clivages pour mieux camoufler son gros ego et sa grande soif de pouvoir, je sais pas… Ҫa a une légère tendance à me porter au cœur. Bon, je ne suis pas contre expulser tout le surplus calorique des fêtes, mais je ne voudrais pas passer les quatre prochains mois au-dessus d’une cuvette. Je ne dirai même pas que ça me rappellerait d’ambigus souvenirs : je suis de ces connasses qui n’ont pas vomi tripes et boyaux tout le premier trimestre de grossesse. Merci mes hormones.

Et, père Noël, je le réaffirme : j’ai été, suis et serai sage. Raisonnable. Si ce n’est responsable... Je ne rêve pas de candidats qui se mettraient tous d’accord, feraient d’incroyables compromis, et se lanceraient  dans une grande ronde (sans se tenir la main, c’est covid) en chantant un hymne à l’entraide et à la planète, à la culture et au chocolat. Je suis bien consciente que mon rapport au chocolat n’est pas une cause nationale. J’entends bien que les débats peuvent être houleux, crispés et crispants. Je dirais même plus : vive les débats ! Toutefois, j’insiste, je trouve honteux, voire scandaleusement gerbant (oui, j’ai le foie lourd ces derniers temps…) que de petits individus (j’aurais bien dit « esprits » mais le terme me semble inapproprié : à un certain niveau d’hypocrisie, on n’a plus que de l’ego et des neurones tout vérolés) minent la campagne en surfant sur une seule vague répugnante. Trop dégoûtant de partir à la pêche aux voix avec pour tout hameçon la trouille. Ça peut être efficace : le votant à bout d’espoir peut être attiré par le rejet de l’Autre. Tellement facile : si tout est la faute de l’Autre, étranger, fonctionnaire, patron, virus, n’importe quel Autre.

Je dois reconnaître, père Noël, que je n’ai point la prétention d’avoir programme ou solutions. Après tout, ce n’est pas mon job. Néanmoins, prenons un exemple, quand j’entends que la solution budgétaire, c’est la diminution de fonctionnaires, j’ai une petite tendance à penser : encore ? Ҫa n’a pourtant pas eu l’air de trop marcher. Personnellement, quand je crame un gâteau, au second essai, je tente autre chose : baisser la température du four, diminuer le temps de cuisson… Si je ne modifie rien, on est en droit de me soupçonner de vouloir prouver que mon four crame inéluctablement les pâtisseries et que, si l’on veut du dessert, il faut pouvoir s’offrir les services d’une boulangerie. Et si ce n’est pas dans nos moyens ? Bah, pas de dessert. Puisque mon four crame les gâteaux. CQFD.

Continuer à monter le quidam contre le fonctionnaire honteusement privilégié et surnuméraire ? Il ne faut pas avoir mis l’ombre d’un orteil dans un hôpital ces deux dernières années pour penser sérieusement que c’est une bonne idée.

Parce que si on a eu à franchir les portes d’un tel établissement, et, pandémie oblige, c’est arrivé à plus d’un péquin, il faut avoir l’acuité sensorielle d’un blob pour ne pas s’apercevoir que tout le personnel, du chirurgien à l’aide-soignant en passant par l’infirmier, est à bout. Surmené, malmené, sous-payé, désabusé. Et comme le serment d’Hippocrate ne s’ôte pas aussi facilement qu’une blouse, il continue, l’hôpital, à faire son boulot. Comme il peut. Avec ce goût amer, qui reste trop longtemps en bouche, que ce n’est pas assez. Qu’à être malmené, c’est celui que l’on doit aider qui en souffre.

C’est triste hein ? Moi, ça me rend triste. Bien plus qu’une pénurie de cacao. C’est dire. Et, j’ai beau essayer, je ne comprends pas.

 

La bonne nouvelle, c’est qu’à force de tirer sur la corde du sacrifice, les soignants, nul besoin de diminuer leur nombre. Ils démissionnent. Comme les enseignants.  Et cela ne semble pas trop inquiéter le citoyen. On peut entendre que le pré-trentenaire farouchement célibataire et volontairement stérile se moque comme de sa dernière cuite de la qualité de l’enseignement. Mais le parent ? Le grand-parent ? Bon, certes, ce dernier peut tout à fait considérer qu’il a déjà fait sa part et qu’il peut légitimement profiter des visites au zoo et de goûter cookies, à moins qu’il s’inquiète de ne pas léguer un four qui crame…

Par contre, le parent n’a aucune excuse : s’il n’est pas totalement inconséquent, ce qui, reconnaissons-le, arrive malheureusement, il souhaite que la chair de sa chair, éduquée en un subtil équilibre d’amour et de fermeté (sauf le mercredi, mais le mercredi, c’est un jour à part, le parent a le droit à l’hystérie face à une telle gageure hebdomadaire), reçoive un enseignement d’une qualité idoine. Or on peut s’interroger quant à l’évolution du recrutement quand on s’aperçoit que des instituteurs fraîchement auréolés de leur concours n’ont qu’une maîtrise approximative de l’orthographe et de la grammaire de la langue qu’ils vont devoir apprendre à de petits êtres malléables et qu’ils commencent leur réunion de rentrer en nous exposant qu’est ce qu’ils vont faire. Je veux bien que les mathématiques trônent inexorablement en matière reine, mais tout de même…

Loin de moi, cependant, l’idée de fustiger ces nouvelles recrues du soi-disant mammouth : on a les enseignants que l’on mérite. Ainsi quand un chef d’établissement en est réduit à demander aux parents s’ils ne voudraient pas, eux ou n’importe quelle connaissance, assurer un remplacement, quand Pôle Emploi publie des annonces pour recruter professeur des écoles, professeur de chimie et tutti quanti, peut-être n’est-il pas délirant de s’interroger sur la bonne santé du corps enseignant ? Mal à la tête ? Au cœur ? Grande fatigue ? Maux de ventre ? Le diagnostic ne va pas être évident à poser. Vu l’état du corps médical.

D’ailleurs père Noël, je l’avoue, je suis la première à déconseiller à Choupinet et Choupinette de suivre cette voie. Des plus honorables. Mais trop d’épines.

Ainsi il n’est pas tout à fait illogique que les prétendants au concours n’aient plus le savoir et la fibre pédagogique chevillés au corps. Bien sûr, l’essentiel, l’immense majorité des enseignants, est encore, pour l’instant, constitué de personnes dévouées qui fouettent œufs et farine avec ardeur, préchauffent leur four avec attention et n’hésitent pas à sortir leur préparation avant le temps indiqué sur la recette s’il le faut. Et ce malgré les injonctions du chef pâtissier inopérantes et girouettantes. Car ils n’ont qu’une obsession : réaliser le meilleur dessert. Quoiqu’il en coûte. Malgré les convives récalcitrants, ceux qui détestent le chocolat, ceux qui ne jurent que par la tarte au citron, ceux trop épuisés pour manger, ceux qui ne savent pas tenir une cuillère, ceux qui crachent dans l’assiette du voisin, ceux qui postillonnent sur le cuisinier, ceux qu’on sert mal faute de place.  La liste est loin d’être exhaustive. Et rendre son tablier dans de telles conditions est, ô combien, compréhensible. Mais cela ne devrait-il pas nous inquiéter ? Nous faire flipper grave ?

 

Je sais, je sais, père Noël, j’ai la métaphore filée et lourde. Mais, tu es conviendras, les sujets de préoccupation sont nombreux. Je n’ai même pas parlé de la planète épuisée, sur le point de prendre des mesures radicales pour faire cesser les souffrances que nous lui infligeons, de la prolifération sidérante des régimes autoritaires, des inégalités florissantes à faire rêver un actionnaire. Parce que je suis raisonnable, je te l’ai dit. Je ne demande même pas que toute cette merde disparaisse. Je ne crois pas au … Bref, on s’est compris. Je souhaite seulement une campagne digne, avec des propositions fortes, des programmes qui tiennent compte du monde complexe et à chier dans lequel nous vivons. Survivons ?

 

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