La sixième (3/3)
L’après-midi
est plus qu’entamée quand, rincée, lessivée, laminée, vous vous traînez plus
lamentablement qu’une limace traversant une mer de sel vers les caisses.
Quoi ?
Mais vous n’avez même pas de quoi manger pour la semaine, même pas pour un
pauvre jour ! C’est normal une addition pareille ? Il n’y a pas un
montant maximum autorisé aux ponctions dans votre porte-monnaie ?
En tout
cas, ça réveille…
Vous pouvez
vous attaquer à cet Everest : l’E.P.S.
Vous
franchissez les portes du temple du sport avec un regain d’optimisme. Des
baskets, c’est facile à trouver !
Oui. Mais
non. Le bon vieux temps où la basket était simple basket est fini. Vous êtes
dans l’ère de la basket pensée et réfléchie, la basket précise. Alors, que
voulez-vous faire avec cette basket ? De l’athlétisme ? Du
badminton ? Du tennis ? Du basketball ? Du handball ? Du running ? Parce qu’avec la basket
précise, on ne court plus, ma bonne dame. On run.
Et ce n’est
pas tout. Quand bien même vous auriez une vague idée de l’activité pratiquée,
il faudra encore vous confronter à l’épineux problème de l’amorti, du déroulé
du pied, de la déperlance… Tout ce qui perle pour le moment, ce sont les
gouttes d’effroi sur votre front derrière lequel indécision et ignorance se
battent comme des chiffonnières.
Une bonne
partie de chifoumi vous évite la camisole : les violettes pour le running sont tombées dans le puits et
vous avez écrasé de votre poing les blanches pour le badminton.
Vous pouvez
passer à la tenue. Un short et un t-shirt. Simple.
Oui. Mais
non. Le short doit être rouge. Non ? Rouge ? C’est quoi cette
lubie ? Un délire communisto-révolutionno-daltonien ? Parce que,
rouge, c’est pas une couleur de short. Non. C’est comme ça. En témoignent les
dizaines de rayons que vous arpentez en tous sens avec même pas des baskets de running aux pieds. Le short est gris,
noir, rose, bleu, rayé rose et orange, fluo même. Mais pas rouge. Vous trouvez toutes les couleurs de
l’arc-en-ciel sportif et même celles qui n’existent pas, mais pas de rouge… Ah,
si. Au rayon basket. Formidable ! Pour homme. Mince… Et puis, flûte, avec
des bretelles, ce sera parfait !
Votre
dubitative Choupinette objecte qu’avec un short rouge les baskets blanches
écrasées plus haut seraient plus seyantes. Soit.
Surtout que
le t-shirt doit être blanc. D’accord. C’est logique. Ou pas. Mais, blanc, ça
s’est une couleur commune et aisée à dénicher. Chouette !
Oui. Mais
non. Tatillon, l’enseignant stipule, en gras et dans une police vingt-quatre,
histoire qu’on ne sous-estime pas ses nobles exigences, que le blanc doit être
immaculé. Quoi ? Pas possible ! Il a vu la Vierge ! Certes, les
inscriptions « don’t stop me »
ou « be you », bien que
sportivement philosophiques, ne vous semblent pas indispensables, pas plus que
l’affichage de marques si gros et fluorescent qu’un aveugle se réjouirait d’y
échapper. Néanmoins, en ces temps de running,
le blanc pur est aussi rare que les diamants à vos doigts. Introuvable. Vous en
saisissez un bleu pétrole arborant une blanche provocation « Je hais le
sport et il me le rend bien ». Un bain de Javel et le tour sera joué…
Il est
temps que cette merveilleuse journée s’achève… Vous n’avez pas les bretelles,
rouges, pour le short… Ce sera pour un autre jour : si vous n’êtes pas
raisonnable vous allez finir en première page du canard local. « Une mère étrangement coiffée d’un
short d’un vermillon étonnant fonce tout Caddie dehors sur de malheureux
enseignants. » Il paraît que ça se fait pas mal, ces temps-ci, soulager
ses névroses à coup de véhicule-bélier. Mais, bon, Choupinette pourrait vous en
tenir rigueur…
Enfin chez
vous ! Quel bonheur ! Une citronnade à la main, vous consultez votre
messagerie. Tiens, un mail du collège… Qui vous conseille un charmant site…
Pourquoi ? Parce qu’en trois clics, tout le matériel de la liste de
Choupinette est choisi, payé, livré… Suffit de cocher…
Une heure
plus tard, de retour de la chasse au mammouth ni éduqué ni national, Nounours
ne comprendra pas pourquoi il vous retrouve en larmes et mâchonnant des
feuilles Seyès au seuil de votre grotte, le ragoût de lion des cavernes même
pas cuit.
Mais ceci
est un autre chapitre…
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