2e vague (7)
C’est ballot, il suffit que plane le soupçon d’une
interdiction des traditionnelles engueulades familiales autour d’une orgie de
graisses et de sucres pour que vous languissiez de ces doux moments. Tout juste
un an que l’oncle Auguste ne vous a pas étourdie de sa dévorante passion
étymologique. Un an que la tante Paula ne vous a pas gavée de ses enivrants
vol-au-vent financière, de ses déroutants pâtés pantin au foie gras, de sa
troublante poularde demi-deuil. Un an que Choupinet et Choupinette ne vous ont
pas laissé soixante-douze heures de paix, trop occupés à tyranniser leurs
cousins et à leur apprendre les rudiments de la torture parentale, le B-A BA du
parfait polisson. Y aura-t-il de la famille, des rires, des pleurs, des paquets
éventrées par des mains potelées, des « jingle bells » jusqu’à souhaiter une
ablation des tympans, des veillées, des épaules entourées, des souvenirs
échangés ? Y aura-t-il de la famille à Noël ?
Et qu’on ne vous refile pas un Zoom-Noël. Une arnaque. Pire
qu’un steak végétal pour un boucher MOF. D’abord, avec Zoom, il faut supporter
de se voir. Ce n’est pas donné à tout le monde. Vous préférez n’avoir aucune
idée de ce que supportent vos proches. Déjà que le port du masque vous a fortement
conduite à réviser votre hygiène bucco-dentaire. Bon, au crédit de Zoom, pas
d’attaque olfactive. Ni le doux fumet du réveillon donc. Triste.
Et parler à plus de deux ? Impossible. C’est
systématique. On parle toujours en même temps, personne ne s’entend. On met une
demi-heure à se dire un truc aussi essentiel que « ça va ? Le
confinement ? Bien ? » et après on n’ose plus ouvrir la bouche.
Avant de tous reparler en même temps. Il faudrait lever la main, avec un
médiateur hyper ferme qui hurle : « Tu te tais ! T’as pas
demandé la parole ! Voilà, maintenant on n’a rien entendu de ce qu’Auguste
déblatère sur l’origine pangolino-grecque de pandémie, t’es content !
Privé de poularde ! »
Ça vous fait penser que 2020, dans sa grande générosité, a
dernièrement lancé l’opération « grippe aviaire ».
Et, paf, dans ta gueule, l’estomac ! La logique du
propos ? Oh… on n’en est plus là. On est en 2020. Donc : dans ta
gueule, le réconfort : pas de foie gras, pas de magrets ! Et si t’as
les papilles pour sentir la différence, estime-toi heureux.
Et pas de vison, non plus. Alors, là, vous devez
l’avouer : la nouvelle vous laisse aussi froide qu’une cassolette Picard.
Peut-être parce que la dernière fois où vous avez commandé au père Noël une
fourrure remonte à… Hum… Une vie où vous vous appeliez Sibylle-Aglaé et
habitiez un 500 m2 à Saint-Germain-des-Prés ? Néanmoins, même
si vous êtes née avec une cuillère en plastique carrément pas recyclable dans
la bouche, la mise à mort de tous les visons du Danemark, soit quinze millions
de bouts de futurs manteaux, tout de même, cela ne vous indiffère pas
totalement. Surtout que l’information en cache une autre : le vison porte
une souche mutante du Covid. Plus de deux cent humains contaminés. C’est peu.
Certes. Mais l’idée du virus mutant... À vous hérisser les poils qu’on est
pourtant censé vous avoir définitivement grillés. Non. C’est trop. Même pour
2020. Le pire scénariste de film catastrophe ne s’y lancerait pas. C’est vrai,
quoi : virus, ça fait peur, confinement, ça fait bien chier, mutant, ça
fait trop, beaucoup trop. Surtout un mutant qui s’attaquerait aussi au chat. Si
seulement il s’agissait de la fouine, vous pourriez vous réjouir d’une
extermination de cette croqueuse de laine de verre.
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