2e vague (5)

 


Forcément, dans tout ce flou, vous êtes perdue. Vous grignotez tout le temps, sauf pendant les repas. Vous dormez le jour, et angoissez la nuit, yeux grands ouverts. C’est pas mal foutu, les insomnies, parce que, la nuit, il fait nuit, c’est plus flippant pour songer à une invasion de virus mutants en costumes de vison… Ah, oui, vous êtes fatiguée…

Ce n’est pas évident, évident d’avoir confiance. Ça vous rappelle le dentiste. OK, vous avez un abcès. OK, vous avez mal, hyper mal même, mais, tout de même... Sa fraise, elle fait beaucoup de bruit, un drôle de bruit... Comment s’appelle-t-il déjà, le dentiste ? Rascher? Ce n’est pas rassurant. De toute façon, il faut avoir un léger penchant pour l’arrachage d’ongles et le plongeage de têtes cagoulées dans l’eau glacée pour nommer une roulette en acier capable de faire des dizaines de milliers de tours par minute « fraise ». Fraise, ça va avec «  petite » et « bois » , pas avec « effroi ». Quoique, à bien y réfléchir : petite, fraise, bois, effroi, y a-t-il un intrus? Ça dépend si l’action se passe en Picardie.

Non, ce n’est pas vraiment évident de rester zen, bon, en même temps, zen, ce n’est pas votre deuxième prénom, ce serait quand même étrange comme deuxième prénom, même si certains ont carrément comme premier prénom Clitorine ou Zizi. Si, c’est vrai. Bon, ça doit forger le caractère ou la personnalité… Quand tu t’appelles Zizi, t’as deux options : soit tu déprimes dès tes cinq ans et pour le reste de ta vie, après t’être tout de même bien bidonné avec les potes de deux à quatre ans, soit tu envisages dès tes trois ans une carrière de comique. Tu peux aussi te consoler en te disant qu’il existe un, ou une, Jenifaël. Ses parents n’aiment pas trancher, hyper pratique : tu veux une glace citron ou fraise ? OK, les deux. Tu mets une jupe ou un jean ? OK. Les deux. Tu veux la dernière PS ou une Switch pour Noël ? OK, les deux. Baskets ou bottes ? Ça marche avec tout ! Le môme, il a une coupe, c’est un carré à gauche, une brosse à droite, avec des mèches arc-en-ciel, mais seulement sur la nuque. Sa veste, elle est en jean à gauche, en cuir à droite. Il sera bi mais que les jours pairs, charpentier-secrétaire une semaine sur deux, n’ira jamais au ciné ou au restau, trop dur de faire un choix. Ce qui, il faut le reconnaître, a ses avantages en période de confinement. De même, Merci Mireille, si, ça existe, doit être trop content(e) de rester enfermé(e) chez elle, de ne voir personne et de ne pas avoir à faire semblant d’être ravi(e) de porter un prénom si original qu’il est unique, vraiment. Une vie de solitude quand tu t’appelles Merci Mireille. Alors le confinement c’est réconfortant : des mois de solitude pour tout le monde, même pour les populaires Lucie et Lucas.

Si, solitude pour tous. Parce que réduire les contacts à ses collègues, époux et enfants, c’est être seul. Si. Très très seul. Le soir, quand vous vous époumonez «  à taaaaaaaaaaaaaaaaaable », vous êtes seule. Très seule. Et quand il faut remplir le lave-vaisselle, pareil. Le vider? Pareil. Une lessive à étendre? Pareil. Le déconfinement n’y changera rien? Pas faux. Par contre, le confinement est indéniablement source de grands moments de solitude.

Une solitude bien plus cruelle qu’elle a des témoins. Prenez le télétravail.  La solitude, c’est apprendre qu’il faut couper son micro avant de commenter les dernières non-décisions du chef. La solitude, c’est découvrir que Gérard, au vu des commentaires colorés sur les attraits du décolleté de sa collègue, n’est pas si prude ni au point sur les subtilités du micro... La solitude, c’est réaliser que la caméra fonctionne, pour une fois, alors que vous pestez contre votre débit de merde en peignoir et bigoudis. La solitude, c’est quand Croquette passe et repasse devant l’écran, persuadé que mordiller le fil du micro est un nouveau jeu. La solitude, c’est se rendre compte que vous avez supprimé les temps de trajet, les pauses café, que vous déjeuner en dix minutes, que vous n’éteignez même plus votre ordinateur : la mise en veille suffit pour des journées de quatorze heures, sept jours sur sept. En effet, à quoi bon le week-end ? Puisque, de toute façon, vous n’avez pas d’autorisation de bamboche et que, dans un périmètre d’un kilomètre autour de chez vous... voilà, quoi... Songez à déménager avant le troisième confinement, histoire de changer de kilomètre.




Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Jamais déçue (partie 1)#Santos americandream

Jamais décue (partie 2) #Javier# libertarien#ausecours

L'essentiel clown #Guerriau#extraecsta