U.S. : le métro (partie 2)
Toute
rayonnante de votre toute nouvelle maîtrise topographique, vous dirigez votre
tribu avec maestria vers la station Central
Park North, qui porte bien son nom, ce qui n’ôte rien, malgré les
grognements dubitatifs de Nounours, à votre sens inné de l’orientation enfin
révélé. Il était temps.
Les portes
du métro s’ouvrent sur un nouvel aperçu de l’importance du job aux États-Unis :
une boutique où on peut se fournir en donut,
soda, bretzel et autres new-yorkeries.
Le pauvre
bougre de cette triste boutique est là au cas où vous auriez une nouvelle envie
de hot-dogs entre celui que vous pouviez gober dans la rue, celui que vous pouviez
acheter après avoir descendu les escaliers menant au couloir du métro. Les
escaliers, ça consomme beaucoup d’énergie. Qu’on les monte ou qu’on les
descende. Sur le quai, vous pourriez avoir une nouvelle envie de hot-dog. Alors
il y a un monsieur qui passe sa journée par 60°, il faut bien que la clim de la
rame de métro recrache sa fournaise quelque part, dans le parfum envoûtant et
sacrément prenant, mais tout bonnement indescriptible, du métro.
C'est
l'occasion d'expliquer aux enfants que ce n'est pas par pur sadisme, ou si peu,
que vous les obligez à bien travailler, très bien, à l'école... Sinon ils
finiront à tenir une boutique de métro. Dont ils ne seront même pas
propriétaires.
Vous
débouchez dans la rue qui offre un prolongement à votre exposé : Choupinet
et Choupinette ont beaucoup de mal à comprendre la coexistence de l’abondance du
centre-ville et la présence de sans-abris. Au sortir de la bouche infernale du
métro, vous voilà sous le feu de questions embarrassantes… Non, ils n'ont pas
de famille. Ou une dont personne ne rêverait. Et c’est l’occasion de valoriser
les figures parentales parfois malmenées alors que vous les incarnez avec brio,
Nounours et vous. Non la ville ne s'occupe pas d'eux. Non, ils n'ont pas la sécu
pour se faire refaire les chicots. Et c'est l'occasion d'un efficace débriefing
sur la différence gauche/droite...
Vous êtes
sauvée : dans la rue, toujours plan en main, une inconnue s'arrête et vous
demande, là encore, si vous avez besoin d'aide. Vous lui proposeriez bien une
adoption mais vous n’êtes pas très sûre de la traduction. En tout cas, vous
êtes abasourdie : le new-yorkais est vraiment gentil ! Ce n’est plus
du miracle, la ville pullule de cas de canonisation pure et simple ! En
plus, elle fait l'effort suprême de parler lentement pour que vous compreniez
sa question! Et là, c'est rare... Le new-yorkais veut bien rendre service, mais
tout de même, il ne serait pas convenable que vous oubliiez sa suprématie :
vous devez maîtriser la langue dont il daigne vous adresser quelques mots...
Soit cette dame est réellement adorable, soit vous avez l'air d'une gourde
complètement larguée qui ferait pitié à un biker
en pleine désintox... Ou alors elle aussi a un Nounours à la maison qui la
tourmente sous le prétexte fallacieux qu’elle ne sait pas lire une carte… Ou alors
c’est le charme français qui opère…
C’est fou,
mais vous êtes immédiatement identifiés. Partout. Tout le temps. Repérables
comme des vaches dans un chenil. Allez savoir pourquoi ? Sans doute le
regard « escamoteur de cordons de file d'attente » typiquement
français de Nounours... Bref. Ils aiment bien glisser des mots de français,
genre « merzi bo kooou », « ô re vouar ». Trop mignons. Espérons
qu'ils trouvent votre accent tout aussi charmant…
N’empêche…
C’est au moins la cinquième fois qu’un individu vous interpelle « Are you french ? », alors que
vous ne pipez mot (sans quoi, vous l’admettez volontiers, votre léger, très
léger, accent vous trahit), et se met à tailler la bavette (l’américain est
optimiste : vous le comprenez forcément. Puisqu’il parle la langue de la
planète.). Cela se produira à New York, à L.A., à Laughlin, à Williams, à San
Francisco… Cordial, souriant, l’américain s’enquiert de vous et de votre voyage
(alors qu’un corse, un haut-savoyard ou un breton ne vous regardera même pas si
vous essayez de lui soutirer un renseignement ultra secret comme l’adresse de
la boulangerie la plus proche. Sauf s’il est de votre famille. Et encore…),
s’intéresse, est heureux de vous avouer qu’il a adoré l’Europe s’il y est allé,
dans le cas contraire qu’il adore l’Europe et rêve d’y aller, vous félicite
pour votre président. Y a pas de mal. Pour le coup, ils ont fait fort pour ces
dernières présidentielles, les ricains. Super fort. Imbattable. Mais cela ne
répond pas à cette question cruciale : à quoi voient-ils que vous êtes
français ?
Bon…
Nounours fait plus d’1m80 et moins de 243 kg, il est évident qu’il n’a pas le
gabarit américain. Choupinette est un poids quart de plume, Choupinet itou. Il
ne faut pas être grand clerc pour deviner que vous n’êtes pas d’ici. Mais vous
pourriez être italiens, ou espagnols, ou belges, ou… Alors ? Pourquoi ne
se trompent-ils jamais ? Vous n’avez pas de baguette greffée sous le bras,
de béret vissé sur la tête, ou « camembert for ever » tatoué sur l’épaule…. Mystère...
Choupinet
coupe court à vos hypothèses débridées : il a un petit creux. Il s’adapte
à toute allure à son nouvel environnement…
Votre œil
avise une boutique qui fleure bon la baguette. Ou presque. Prêt à manger, voilà une devanture qui sait attirer le
touriste ! Si le nom est français, l’ambiance est bien made in U.S. L’Amérique est en surpoids
et ça rend sourd : pas une boutique, un magasin, un fast-food ou tout
autre lieu clos sans un fond sonore à se passer de sonotone. Le Prêt à manger ne fait pas
exception, et, selon la loi nationale de p’tit boulot, ils sont huit derrière
le comptoir, dont deux qui se contentent de danser quand la musique leur plaît
(mais avec force mouvement de bras et de mains, tournicotis et tournicotons), trois
autres sont en caisse, un qui passe les articles, un qui les met dans un sac et
un qui vous donne votre ticket. En France, vous auriez eu une seule et unique
personne pour servir, enregistrer en caisse, ne vous donner ni sac ni au revoir.
Aux U.S., non seulement on dit bonjour et au revoir et merci, mais on vous
souhaite de passer une agréable journée…
Au
Rockfeller center, vous croiserez ainsi un employé chargé de vous dire que vous
êtes bien dans la direction de la vente des billets, un qui vous indique
l’ascenseur, à l’étage un qui vous dit de prendre à droite, trois mètres plus
loin un qui vous dit d’aller tout droit, un qui appuie sur le bouton de
l’ascenseur, un qui vous guette à la sortie pour vous dire Have a good day ! à la mode américaine : il vous le gueule,
et, putain, oui, vous avez intérêt à passer une bonne journée ! Il viendra
vérifier, et vous donnera une putain de mandale si vous vous avisez d'avoir eu
une journée bof-bof... Avant ce temple du luxe, direction Central Park.
Mais ceci est un autre chapitre.
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