US L'arrivée (partie 1)
Vous l’avez
fait.
Vous avez
survécu à dix mois de préparation, dix mois d’angoisse à l’idée de fouler le
sol d’une contrée si énorme, peuplée d’habitants énormes logeant dans d’énormes
maisons et sirotant d’énormes sodas au volant de leurs énormes voitures. Trop
énorme pour y croire, mais, dans le doute, vous aviez tout de même la trouille.
Pour
achever de vous rassurer, ces individus flippants avaient même voté pour le
plus improbable des présidents, un être à la chevelure étrange, à la fortune
colossale et à l’esprit dérangé. Laquelle de ces qualités avait fait pencher la
balance en sa faveur ? Vous ne sauriez le dire. Mais vous auriez apprécié
que les élections se soient déroulées quinze jours avant. Avant que vous signiez
avec l’agence qui vous avait concocté un terrible périple en Amérique.
Impossible
de revenir en arrière. Aucun proche pour avoir le bon goût de décéder et de
vous sortir de cette galère. Pas même une petite maladie suffisamment sérieuse
pour annuler vos malheureux billets. À deux jours du départ Choupinette avait
bien chopé un « pied-main-bouche », un cousin improbable de la
varicelle, bien trop bénin pour être intéressant et trop discret pour vous
empêcher de passer les douanes. Son seul intérêt fut de vous permettre
d’accroître vos connaissances médicales. Un « nez-joues-front » vous
aurait été plus utile.
L’impromptue
annulation du vol aller ne vous permit même pas d’espérer : vous alliez
partir, mais à une heure matinale si indécente que vous n’aviez d’autre choix
que d’ajouter une énième nuit d’hôtel à une liste déjà fort longue de frais de
voyage. Bien sûr l’agence ne voyait pas en quoi elle aurait dû vous dédommager
de ces frais supplémentaires imprévus. Depuis quand une facture ne peut-elle
pas soudainement augmenter ? Au fait, vous avait-on dit que les hôtels
pratiquent des frais de séjour ? Une petite taxe ajoutée par certains, pas
tous, entre dix et vingt pour cent du séjour, l’agence ne saurait trop dire…
Bah, vous verriez bien sur place. Que n’avait-on pas compris dans l’expression
« budget serré » ? Rien.
On s’était contenté de ne pas vous écouter.
Et voilà. Dix
heures de vol plus tard vous y êtes, regrettant quelque peu d’avoir accompli
l’exploit de ne pas fermer l’œil une seule seconde du vol. Regarder cinq films
d’affilée (vous avez bien écrit « film » et non « dessin
animé »), une aubaine bien trop rare pour ne pas la saisir, pestant contre
les interruptions du commandant de bord : pas la peine de vous dire qu’on
traverse des turbulences, vos mains crispées sur les accoudoirs ont bien saisi
que vous risquiez de vous écraser lamentablement avant de connaître la fin du
palpitant Gardiens de la Galaxie 2…
Choupinet a eu accès à volonté aux jeux vidéo et dessins animés pour la
première fois de sa vie : lui aussi sort de l’avion lobotomisé et enchanté
de l’être. Choupinette, quant à elle, a eu l'heureuse idée de s'endormir cinq
minutes avant l'atterrissage... Mais d'un sommeil profond ! Elle a passé
les douanes en mode zombie, sur les traces de Mickaël Jackson, et a sombré dans
le taxi... Rien vu de l'arrivée ! Offrez une expérience inoubliable à vos
rejetons, répétant en boucle « moi, à ton âge, j’étais pas allée plus loin
que les Gorges du Verdon ! », vous verrez comment ils vous en
remercieront…
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