L'accrobranche

Vous n’avez pas toujours eu le vertige. C’est un petit plus qui vous est venu à la naissance de vos rejetons. Très sympa, vraiment, fallait pas. Vous donnez la vie, vous recevez vergetures et vertige. Cherchez l’erreur.
Et les rejetons n’ont pas le vertige, eux, bien sûr, sinon où serait le plaisir ? Mais ils sont hauts comme trois poires, à vous donc de les accompagner dans toutes leurs aventures.
Avouez que vous avez laissé ce rôle à la part masculine de votre couple, aviateur à ses heures, il ne peut que vivre un grand bonheur à se retrouver dans un harnais, qui remonte avantageusement le jean, moule le postérieur et le reste. Tout à fait seyant. Le bonheur est complet à cinq mètres de haut, la main sur une poulie, cheveux au vent, pas trop quand même, la tenancière des lieux a gentiment prévenu, le cheveu fou peut se coincer dans la poulie, et là, c’est coupe-gruyère assurée…
Néanmoins vous vous êtes vite sentie lésée… Pauvre idiote paradoxale, vous avez tenu à rejoindre au plus vite le clan. Rester au sol, avec substitut de cigarette et polar, c’était trop simple ! Vous sentant comme une vieille chose échouée quand les autres, jeunes et insouciants, batifolent, vivent ! Vous avez sauté dans le premier harnais venu.
Tout a  bien commencé. Le parcours Piou-Piou est dans vos cordes. Bon, vous restez un peu coincée dans le tunnel de rondins, ce qui ne va pas arranger votre relation avec votre balance. Le toboggan, ça brule le mollet. Mais allez, vous retrouvez l’esprit frondeur de vos cinq ans, et vous lancez sans vergogne dans le parcours Écureuil !
Marcher sur des rondins à trois mètres du sol, traverser un filet qui s’effiloche dangereusement, se lancer en tyrolienne au-dessus d’un lac au mépris des moustiques : votre esprit d’aventure s’épanouit de minute en minute. Vous êtes à deux doigts de prendre une année sabbatique pour traverser le Tibet avec pour tout bagage un sac-à-dos….
Mais avant cela, le parcours Aiglon.  Ah oui, quand même, un mètre plus haut, ça change tout… Vous commencez à regretter de faire plus du mètre quarante réglementaire pour accéder au statut d’aiglon… Choupinet s’élance, insouciant, tandis que vous évitez soigneusement de regarder vos pieds, pieds qui n’auraient jamais dû quitter terre, c’est de plus en plus évident. L’Homme est définitivement une créature prétentieuse, arrogante et totalement demeurée, si elle n’a pas d’ailes, pas de griffes, de plumes, de bec, c’est pour une bonne raison, elle est faite pour le salon, le chocolat chaud et les cookies ! Vous en êtes là de vos considérations, étroitement enlacée à un tronc, en un coup de foudre d’une intensité rare : vous ne l’abandonnerez pas ce… un hêtre ? chêne ? châtaigner ? Peu importe tant que vous avez une bonne prise ! Choupinet s’impatiente, il vous attend pour se jeter dans un filet… Merde ! Vous allez perdre tout crédit. Comment lui inculquer le courage, la persévérance et autre connerie, si vous restez collée à cette écorce, sous laquelle doit grouiller tout un tas de bestioles…voire des arachnides… Allez, hop, yeux fermés, à vous le filet, Choupinet va être fier !
Enfin sauve, vous retrouvez votre lucidité coutumière. Adieu Tibet, tyrolienne, diarrhée et onglée. Les joies du trek, vous les laissez généreusement à d’autres. Le camping, c’est déjà trop de promiscuité, partager sa salle de bain avec plus de deux personnes, quelle horreur ! Vous aviez perdu le sens commun, heureusement pour un bref instant ! Vous êtes vite redevenue tendre raison et douce sagesse…


On ne peut pas en dire autant de la malheureuse  qui se liquéfie accrochée à sa poulie, se répandant en eau et morve au-dessus du lac… Que fait-elle en si mauvaise posture ? Nounours l’a pourtant gentiment conseillée il y a peu : quand on tremble sur le parcours Piou-Piou, il n’est pas raisonnable de se prendre pour un Épervier…Elle doit être sourde, ou idiote, ou les deux… Une certitude : elle est mal accompagnée. À côté de votre Nounours, inquiet, généreusement désarmé par ce spectacle affligeant, se tient l’époux de l’égarée. Hilare. Il finit par arrêter de se tenir les côtes pour appeler… Son beau-père ! Fallait pas rater ça, l’humiliation n’aurait pas été complète ! Et tous deux de glousser, de ricaner…Tout contents d’avoir trouvé de quoi égayer les réunions familiales pour les vingt ans à venir, ah, on s’en souviendra de la Georgette sur son fil, on aurait dit un saucisson, avec les cris du porc qu’on égorge en plus ! Excédé, votre Chevalier se lance sur la tyrolienne, récupère la Georgette avec les pieds : protestations, cris, elle ne veut pas être sauvée la Georgette, elle va mourir, elle n’a plus de force, elle lègue sa collection de dauphins à son chihuahua, visiblement le seul proche à qui elle manquera, qu’on l’abandonne, qu’on laisse sa dépouille nourrir les poissons… Elle a le sens du tragique, la Georgette, faut avouer. Votre Chevalier manque de destrier mais pas de conviction. Il la sauve malgré elle, la Georgette.
Tout auréolé de gloire et de sueur, il vous rejoint.
Mais ceci est un autre chapitre.



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