Les fouines (suite et fin)

Alors si en plus vous avez le bon goût de renouveler son terrain de jeu, elle adore. Notez qu’elle est complètement demeurée, la fouine : la laine de verre, ça démange horriblement, faut être complètement dénaturée pour y vivre. Passons. Si elle adore, vous, non. Vous, vous rêvez bottes en peau de fouine, manteau de fouine, chapka de fouine, ragout de fouine. Vous rêvez de nuit sans fouine, de nuit sans Nounours qui vous réveille pour vous poser cette question ô combien farfelue : « Tu les entends ? » Bah, non, là, vous dormiez. Mais maintenant, vous les entendez, et vous ne risquez pas de vous rendormir : pioncer quand un monstre avaleur de laine se goinfre au-dessus de votre tête, ce n’est pas des plus aisés. Dire que vous avez dit non au petit troisième pour ne pas retomber dans les réveils nocturnes intempestifs propices à la prolifération des rides et des poches sous les yeux. Vous n’auriez pas dû : entre la tribu de fouines et agrandir votre tribu, vous n’avez clairement pas fait le bon choix.
Vous n’avez pas non plus choisi la bonne assurance. Contactée avec l’espoir d’être enfin secourue face à cette invasion éhontée, l’assurance vous rétorque, droite dans ses bottes, sûre de vos prélèvements mensuels, que l’assurance ne couvre pas les fouines. Super. Pas grave, c’est vous qu’elle doit couvrir, non ? Non. La fouine n’est pas une catastrophe naturelle. Non ? Sans déconner ! Vous avez pourtant des photos de votre toit dénudé dignes d’Hiroshima. Si c’est pas de la catastrophe, ça ! La fouine, c’est le tsunami de l’isolation, la Katrina des toitures, la bombe H de l’économie d’énergie ! Imperturbable, l’assurance relève que ce n’est pas votre premier épisode fouinesque, mais votre second, et que, donc, ce n’est plus un accident, ce n’est plus de l’imprévu, non, c’est du prévisible, du tout prévu. Mais bien sûr. C’est du préparé, même, tant qu’on y est. Ça fait des mois que vous envoyez des petits cartons d’invitation à toutes les fouines de votre entourage : « Pour fêter la rénovation de notre toiture, nous invitons nos amies fouines à passer l’hiver chez nous. Venez nombreuses, laine de verre fraîche à gogo ! Ambiance garantie ! »
À moins que ce ne soit l’artisan le maître d’œuvre de cette invitation… Tu refais une toiture, t’empoches de quoi te construire une piscine couverte chez ton chez toi d’artisan, et hop, six mois plus tard, tu déposes sournoisement une belle portée de fouines au pied de la tuile… Hum. En voilà une bonne idée. Charpentier-éleveur de fouines, c’est un métier qui a de l’avenir.



Ce n’est pas comme chasseur de fouines. D’abord c’est rare, rarissime, le chasseur de fouines. Et ce n’est pas plus aidant que l’assurance. Mais plus fourbe. Le chasseur de fouines, ça vous propose de l’appât empoissonné, spécial fouine, goût œuf. Non, non, aucun risque, ça n’attire que les fouines. Ni les chats, ni les chiens, que les fouines. Sûr. Et quand elle a dégusté son apéritif empoisonné, la fouine, elle repart gentiment mourir dans les bois, dont elle n’aurait jamais dû sortir. Elle ne meurt pas sous vos tuiles, entamant une putréfaction odorante et dégoulinante qui finira par suinter de votre plafond et vous obligera à calfeutrer votre chambre avec force scotch, linge et autres pare-odeur, pour des décennies, en priant pour que le fumet de charogne immonde ne contamine pas le reste de la maisonnée. Sûr. Et tout ça garanti deux mois. Sûr. Ce serait dommage de ne pas vous refourguer d’autres appâts à la saison prochaine.
Lasse de fouiner, au bord de la dépression, à deux doigts de vos jeter sur les appâts fouineux et de vous enfermer dans le piège demeuré désespérément vide de fouine, vous acceptez avec soulagement un déjeuner dominical et familial dans une fermette environnante. Leurs spécialités : fondue, tartiflette et cuisses de grenouille. Cherchez l’intrus. Mais fi de votre fiel stérile, rien ne saurait vous gâcher ce déjeuner. Vous arrivez à 12h30 sonnantes et trébuchantes, parée pour l’apéritif, la fondue, le digestif. Vous franchissez le seuil de la fermette, innocemment réjouie. Et là… Là, face à vous, dans l’entrée, au-dessus du bar, une pure provocation : des empaillés. Lapins, lièvres, faisans et autres volatiles. Passe encore. Mais ces petits yeux sournois, ce museau perfide, ces dents menaçantes…vous les reconnaîtriez entre mille. Une fouine. Une fouine, bordel !
Il est 12h31. Vous faites demi-tour.
Mais ceci est un autre chapitre.


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