Le weekend (suite et fin)

La maman, pas une minuscule minute de répit. Elle fera pipi un autre jour et comme elle a pas eu le temps de remuscler son périnée…
Il vous suffit de regarder belle-maman adorée pour trembler… Ah, oui, il vous faudra l’évoquer, histoire de faire s’étouffer d’envie toutes les belles filles maltraitées avec la bénédiction d’un rejeton à peine grandi… Bref, si elle vous épargne, belle-maman, elle ne l’est pas, épargnée. Vous constatez, dépitée, alarmée, catastrophée, que ses enfants continuent à se disputer sa préférence, tout adultes qu’ils sont… Enfin, adultes… Vous supposez qu’elle a malheureusement élu demeure en plein triangle des Bermudes : une fois son seuil franchi, la fratrie perd irrémédiablement toute trace de maturité. Un phénomène fascinant. Troublant. Tout bonnement terrifiant. Nounours, ses frères et ses sœurs se disputent haut et fort, entonnent des génériques de dessins animés désuets tout aussi haut et fort, enchaînent les répliques de Rabbi Jacob avec une exactitude et un entrain déroutants avant d’abandonner entre ses mains aimantes ad vitam aeternam leur descendance pour partir se gaver de fraises Tagada et autres Dragibus devant une niaiserie américaine sur grand écran, et ce moins d’une demi-heure avant l’heure du couscous royal qu’elle a passé la journée à mitonner parce que c’est leur plat préféré…
Vraisemblablement les enfants ont leur part de responsabilité dans ce gâchis dominical. Si ce n’est eux, ça l’a été, ce le sera.
Vous avez également pu être victime de l’injonction hebdomadaire.
Le week-end et ses commandements…  Vous n’aurez d’autre volonté que vous reposer organiser des sorties stimulantes et apaisantes, et profiter de chaque seconde, un sourire extatique aux lèvres. Vous ne vous adresserez à vos proches qu’avec douceur et bienveillance, pleinement détendue. Vous ne consacrerez pas une once de votre cerveau et de votre temps au monceau de tâches qui patientera jusqu’à lundi. Vous inviterez vos proches à partager des festins concoctés en toute simplicité. Vous ne songerez pas à étriper vos marmots réfractaires aux apprentissages salvateurs tels le tracé de droites parallèles et l’accord du COD avec l’auxiliaire avoir. Vous ne serez que tendresse et compréhension pour votre douce moitié. Vous ne vous répandrez pas en dépenses certes revigorantes pour l’économie mais fort plombantes pour votre découvert. Vous ne conspuerez pas votre voisin, son chien et les crottes dont il constelle votre jardin. Vous ne rêverez pas d’un exil sur une île paradisiaque loin du voisin, de son chien et de vos chérubins  mais apprécierez les petits bonheurs que vous avez mis un demi-siècle ou peu s’en faut à glaner.
Parce que le week-end, c’est sacré. Dieu exigeant, qui ne s’honore qu’avec un air de Trenet virevoltant incessamment dans la tête.



Mais Trenet, à la longue, c’est chiant. Et obéir, à votre chef, à vos parents, à vos gosses, au chat, vous faites ça toute la semaine. Boucler le rapport pour hier soir, admirer des plates-bandes minutieusement désherbées, vous passionner pour des batailles virtuelles ineptes entre clans qui se clashent, ouvrir et fermer la porte toutes les trois secondes et demi en offrant humblement des oboles de croquettes… Alors le week-end, vous vous rebellez. Vous revendiquez votre droit à passer un week-end tout pourri, plein de disputes et d’ennui. Oui, vous avez le droit de pester en étendant la lessive ! Oui, vous avez le droit de râler en passant l’aspirateur ! Oui, vous avez le droit de hurler quand le petit dernier renverse son assiette de spaghettis bolo sur son jean, sa chemise et le tapis ! Oui, vous avez le droit de balancer le chat dehors avec une belle énergie pour qu’il cesse une bonne fois pour toute de vous confondre avec un groom ! Oui, vous êtes d’une humeur de dogue, vous avez le moral dans les chaussettes, un moral qui pue, planqué si bas qu’essayer de le récupérer est une invitation à la hernie discale. Oui.
Et, oui, vous mentirez à la connasse.
Mais ceci est un autre chapitre…


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