Un chasseur sachant... (partie 2 et fin)


 

Attardons nous un instant sur l’idée de liberté. Autre argument avancé par le chasseur. C’est vrai, ça, c’est important, la liberté. Une belle valeur. À défendre absolument. Même s’il est vrai qu’entre la liberté de lever le coude et la liberté de marcher cheveux au vent, ou juste avec une petite mèche innocente qui dépasse du voile, sans risquer d’être molestée à mort ou de se prendre six balles dans le buffet, il semble y avoir deux poids, deux mesures… Admettons toutefois que comparaison n’est pas raison, et poursuivons…

Interdire, quel vilain mot… On préfère la maxime « il est interdit d’interdire ». Sauf quand on est parent. Sinon, avant qu’on ait eu le temps de décongeler le gigot, à ne pas confondre avec le petit dernier juste à côté, on se retrouve, faute d’interdit à braver, avec un ado qui ne sait plus quoi inventer pour torturer ceux qui lui ont pourtant fait ce cadeau si précieux : la vie. Dans un monde où Poutine annexe sans se soucier de qui occupe vraiment le pays, où on vote Meloni, où les évangélistes appellent de leurs vœux Bolsonaro, où une fillette peut accéder à des tutos suicide, où on organise des jeux olympiques d’hiver en Arabie saoudite, où des politiques crasses n’hésitent pas à pêcher des voix avec comme tout hameçon le cadavre martyrisé d’une fillette. Salade de fruits assez dégueu, mais, promis, il y a quinze ans, le parent ne se doutait pas que son cadeau allait être si pourri.

Quoi qu’il en soit, tout comme le chasseur, l’ado a soif de liberté et de se cuiter loin du foyer.

 

Or, si tout le monde veut être Max, ça pose problème… Quand la liberté d’autrui vous fait risquer le peloton d’exécution pour une balade dominicale… Pour exercer sa liberté d’admirer les feuillages automnaux en digérant la raclette, il faudrait donc porter un gilet jaune et chanter  à tue-tête « Dans sa maison un grand cerf »… Quitte à faire fuir tout gibier. Il n’est pas certain que cela soit sans dommage.

Mais, comme l’a justement fait remarquer Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs : "De quel droit réserver ça aux chasseurs, un mec bourré sur un vélo, c'est dangereux aussi." Certes. C’est vrai. Ça sent la défense toute naze du mec à jeun, qui tient des propos bien plus sensés quand il est bien cramé : tu lui remettras donc une tournée, Gégé ! Enfin, bon, admettons.

Un piéton bourré aussi, c’est dangereux. Même Croquette pourrait être dangereuse. Déjà qu’au régime eau fraîche, elle confond votre canapé, votre genou et votre commode avec un griffoir. Nul besoin d’une pâtée chevreuil-armagnac pour que votre félin ait un comportement digne d’un poivrot déboussolé : roupiller tout son saoul, régurgiter des choses répugnantes là où le besoin lui en prend, miauler comme une âme en peine devant la baie vitrée jusqu’à ce que vous finissiez par lui offrir l’accès au canapé. Pour faire aussitôt demi-tour. Histoire de voir si la pluie d’octobre mouille soudainement moins. Et recommencer son manège. Tant que vous en avez la patience et pas de fusil. C’est peut-être en raison de ce dernier élément que la dangerosité du cycliste bourré diffère un chouilla… D’arme chargée, il n’a pas…

 

Ou, autre option, offrir une formation de communication non violente avec le permis de dézinguer des quadrupèdes. Mieux : apprendre à parler aux animaux. Si, si. Après tout, on apprend bien l’anglais. Pourquoi pas le chat ?

Comme tout apprentissage, ce n’est pas évident au début. Se connecter à l’âme de Croquette ou d’un sanglier, pas facile. Toutefois plus évident que de communiquer avec un ado… En tout cas, avant d’avoir une maîtrise en canal médiumnique ou en zenitude parentale, faut s’accrocher. Et investir : 90 euros la première communication animale, 70 euros le message d’un animal défunt. Toujours moins dispendieux que des soldes avec Choupinette… Et, si ça aiderait pour supporter les incessants changements de tenue de la demoiselle, nul besoin d’être connectée à l’onde d’amour universelle pour imaginer que le message du chevreuil qui s’est pris du calibre 12/70 avec bourre jupe, chargée de 38 grammes de plombs laitonnés mélangés N° 1 + 2 ne va pas être des plus tendre. Encore plus corsé, le message, si le chevreuil s’avère être un malinois qui a eu l’outrecuidance de faire un tour en forêt sans gilet jaune. Il y a fort à parier que si le message est bien reçu, le chasseur va avoir envie de noyer ses pulsions faunicides au fond d’un tonneau. Raison de plus pour les laisser picoler en paix.

Et à l’ombre.

 

Avant celle de la taule. Où ils pourraient finir. Parce que, bordel, tout se ligue contre le chasseur. C’est quand même pas facile de viser avec le soleil dans les yeux et deux grammes dans chaque poche ! Faut quand même essayer de comprendre, un peu ! Qui ? Qui pourrait être certain, aveuglé, éméché, que le troupeau de lièvres en ligne de mire n’est pas une mère et ses gosses ? Personne ! Alors, forcément, dans le doute, t’appuies sur la gâchette, pis t’avises après. Pas le choix.  Enfin, si. Entre viser et aviser. Vite vu.

À quand la chasse-apéro-colin-maillard ? Il est temps de se poser la question. Ou le « un, deux, trois, soleil, pan ! » À quand ? Quitte à ne pas savoir sur quoi ou qui on tire, on pourrait poser clairement les règles du jeu.

 

Finalement, vous craignez fort que l’argumentation chasseresse vous ait donné des envies de meurtre. Pour les oublier, comme la seule arme que vous ayez à la maison est le cri strident de Choupinette quand elle découvre que vous avez osé préparer des lasagnes aux épinards, une arme plus puissante et désagréable qu’il n’y paraît, il ne vous reste plus qu’à vous tourner vers le tire-bouchon. Au moins êtes vous la seule victime de vos vices.

 

Mais ceci est un autre chapitre.


 

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