Abracabaza (partie2)
On ne pourrait donc que saluer bien bas la création
d’une école pour les influenceurs. Son nom ? L’Ambaza. Classe. Entre
académie et formule magique.
Cela vous paraît extrêmement bien vu. Quelle autre
ressource que la magie pour venir à bout de ce fléau ? Vous avez donc
visité le site de ladite école et en avez été effectivement très instruite.
Tout d’abord, il apparaît qu’Ambaza est une formule
magique pour se faire du flouze à moindre effort. Le rêve, apparemment de bon
nombre d’influençables, rêve que vous nommeriez volontiers cauchemar pour votre
part, « est d’obtenir 20.000 followers
Instagram et de générer plus de 5000 euros par mois. La formation coûte
1200 euros, mais elle sera totalement financée pour les 15 premiers candidats ».
C’est trop dommage… Vous avez l’info un peu tard. Vous n’allez pas faire partie
des quinze élus qui auront certainement la courtoisie de rester anonymes et
discrets pour ne pas déclencher des torrents d’envie. Zut et flûte, vous avez
loupé une choucarde occasion de profiter de la vie gorgée de champagne, plages
paradisiaques et palaces que vous méritez … Mince de mince…
Une école
réellement magique car si tu candidates, tu as forcément ton diplôme :
être assez influençable pour gober le truc révèle indéniablement de grandes
aptitudes d’influenceur. Le tour de passe-passe consistant à ce que le pognon
finisse, ô surprise, non dans la poche de l’étudiant en influences mais dans
celle des créateurs de l’attrape-influencé.
Ces créateurs, pas bêtes, n’ont d’ailleurs pas de compte
Insta. Ce que Mr Brzustowski justifie fort bien pour le Figaro Étudiant :
« «On n’a pas de compte Instagram. On voulait que les comptes soient
managés avec sérieux. On préférait arriver avec du vrai contenu. On a voulu
faire les choses dans l’ordre.» Heu ? Vous devriez certainement
retourner à l’école, car vous n’arrivez pas pleinement à saisir la logique du
propos. Pour vous, quand ce qu’on vend, on ne l’utilise même pas, il y a une
couille dans la story… Comment dire… C’est un peu comme si un prof de
maths disait à ses élèves qu’avant de leur apprendre les équations, il allait
d’abord vérifier qu’il avait bien eu son BAC, voire le CAPES. De maths et non
d’espagnol. Non ? Bah, si, en 2022, votre comparaison est carrément pleine
de sens. Contrairement au progrès, qui, comme nous l’avons vu, a perdu le nord.
Comme d’habitude, vous exagérez. Vilaine.
L’école Ambaza, sérieuse, a un métier, un problème,
une solution. On voit que ça a été marketé aux petits oignons.
Son métier ? Mettre « en relation des influenceurs
et des marques qui partagent les mêmes valeurs ». Ah. Comme ? Le
flouze ? Les pépettes ? Le blé ? Le grisbi ? Pas sûr… Le
site ne précise pas… Suspens. Peut-être faut-il s’inscrire, et payer, pour le
savoir…
Son problème ? « Peu d’influenceurs possèdent
les compétences nécessaires à la satisfaction des marques en terme de qualité
marketing. Beaucoup sont autodidactes et leur démarche de création de contenus
est parfois approximative. » Eh oui… C’est clair, formée, la canadienne
susnommée aurait mieux visé… Non, vraiment, il est indiscutable qu’on peut
grandement s’interroger sur les compétences de bien des influenceurs…
Sa solution ? « former des influenceurs
professionnels », les aider « à grandir puis à terme, les assist[er]
dans la monétisation de leur audience. » Monétisation ? Si vous avez
bien suivi, toute magique qu’elle soit, Ambaza ne propose pas de transformer la
ferraille en billets. Ce qui vous renvoie aux valeurs du premier point
ci-dessus. Ce serait bien le cash, le flouze, les pépettes, le blé…
Curieuse, si ce n’est intéressée, vous avez
consulté le programme de la formation. Celle-ci dure trois jours. Trois. C’est
du lourd. De l’intense. On dirait d’aucuns cherchant 4 000 enseignants
pour une rentrée... Et pourquoi pas ? Mettez Nabilla devant des élèves,
vous êtes sûr de les maintenir éveillés et qu’ils seront ravis. La langue
française, moins. Et il est peu probable que le salaire d’un enseignant lui
fasse quitter Dubaï pour les Minguettes. OK, la formation pour se faire
malmener dans le 93 est gratuite, mais il n’y a pas photo : pour un
salaire quasiment trois fois plus important, le choix est vite fait. Entre
lutter contre la dépression et une classe de 4e réfractaire à
l’apprentissage d’un passé simple obsolète et arborer son dernier sac en croco
Hermès dans un palace des Émirats arabes unis, aucun dilemme cornélien. On
tortille pas du croupion, surtout refait, on saute sur l’occasion !
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