Abracabaza (partie 3 et fin) # hashtag

 


Ambaza propose également une formation continue. Sans rire, on dirait vraiment l’éducation nationale… C’est troublant… Lisez plutôt : la formation continue « leur permet d’être moins solitaire dans leur aventure et apprentissage du métier d’influenceur, en partageant et échangeant avec d’autres influenceurs comme eux. » Alors ? Vous remplacez « influenceur » par « professeur », « aventure » par « galère » et, franchement, c’est kif-kif…

Pour achever la ressemblance, les deux utilisent un vocabulaire spécifique : se déplacer dans un milieu aquatique profond standardisé, l’outil scripteur, maîtriser le geste graphomoteur et automatiser progressivement le tracé normé des lettres, activité duelle de débat médiée par un volant, aller de soi et de l’ici vers l’autre et l’ailleurs…

Incompréhensible ? Mais si ! Un petit effort ! Traduisez : nager dans une piscine, le crayon, apprendre à écrire, le badminton, apprendre une langue étrangère… En commençant par celle du ministère, sinon ça va être coton…

Avec Ambaza également, on enrichit son vocabulaire ! Le premier jour de la formation aborde ainsi  le Personal branding. Sympa, non ? Ça donne envie d’influencer : c’est le petit miracle de l’anglais. On devrait prendre exemple à l’IUFM : go from self and here to the other and elsewhere, ça pète ! Bocaux ou non… On ne comprend pas forcément, mais c’est certainement un plus, ça envoie du rêve… Réfléchissons : personal, vous saisissez, c’est personnel, individuel, un truc qui marche pour soi et personne d’autre. Branding vient de brand, la marque. Donc, le premier jour, on apprend à bien se vendre, à de venir sa propre marque, de l’auto-promo quoi. Un peu comme Dlamil le Schlag, avec plus de béret et moins de Gucci. Et quand tu as réussi à devenir ta propre marque, bien reconnue et promue, là, Dior et consorts te supplient d’accepter de gagner des milliers d’euros pour faire leur pub. Logique. La boucle est parfaitement bouclée.

Cet incroyable premier jour, on apprend également le storytelling, de story histoire, et tell raconter. Descendez de votre carosse-citrouille : il n’est pas question d’une étude de Psychanalyse des contes de fées, pas même d’une lecture du Petit Poucet illustré par Doré. Pas le chanteur. Il s’agit de bien se raconter. Mise en scène. Scénario. Suspens. Musique. Décor soigné. Maquillage. Tout ça.

Et bien choisir son hashtag, pour faire des vues. Un max de vues. Car voir, c’est bien, mais être vu c’est mieux. Je suis vu donc je suis.

L’art du hashtag est aussi subtil que le veganisme de Nabilla. Ainsi, point trop n’en faut. Les # what the fuck # Qatar # bocal #magie #bouillage #flouze #flouze risquent d’embrouiller le malheureux internaute. Alors que le #planète risque d’attirer trop de chalands qui seraient décontenancés par un contenu qui lui siérait aussi bien qu’un char à voile au PSG. Un art délicat… Tout résumer en un mot. Être cohérent et original. Il y a de quoi en perdre son latin, que l’on n’apprend pas dans cette école, dont le siège est pourtant à Malte, que romains et grecs se sont disputés dans l’Antiquité pour ses ports, et qui s’est adaptée… L’île est désormais attractive par sa fiscalité. On en revient au blé, aux pépettes, au… : l’argent est la nouvelle pédagogie.

 

Pas de latin, pas de diplôme non plus. De toute façon, comme le dit Rémi Halgrain, le deuxième magicien, « influenceur n’est pas reconnu comme un métier », eh oui, c’est vrai ! Trop fort, tant de lucidité ne peut que susciter votre plein accord. Effectivement, nul besoin de certifier qu’on a été formé à une chose plus que vide de sens, inexistante.

Les enseignants ? «Nous collaborons avec des entreprises différentes, avec des professeurs en digital marketing, en marketing d’influence, de qualité. Mais nous ne voulons pas les nommer pour éviter qu’elles soient pointées du doigt […] » C’est d’une logique à couper un brouillard de poix. Tout professionnel de qualité préfère se draper dans l’anonymat. C’est plus prudent, le risque que le talent aveugle le commun des mortels est trop grand… À moins que, pour un métier inexistant, il n’existe point d’enseignants…

Quoiqu’il en soit, cette discrétion, pour une formation qui vend la pêche aux vues en gros, est admirable. D’ailleurs, «il n’y a en soi pas tellement d’intérêt de l’ajouter sur son CV, puisque l’objectif pour les gens de suivre cette formation est de devenir indépendants.» Que c’est rafraîchissant ce silence quand tant de ploucs affichent leur MBA par ci, MBA par là…

Étonnante école tout de même… Pour vous, curriculum vitae, ou déroulement d’une vie, vise à mettre en avant des compétences, histoire de montrer que votre offre correspond à la demande de l’employeur… Vous avez dû vous tromper de story… De là à penser que cette formation n’apporte aucune compétence, ou, pire, cultive l’incompétence et la médiocrité comme d’autres les champignons et autres verrues… Et que citer cette parenthèse vide de sens  et pleine de foutaises ne peut que rebuter un futur employeur, propulser votre CV dans le top 10 des perles du n’importe quoi…

 

 Et tandis que Tik Tok tourne à plein You tube, vous songez que, le temps de la sobriété énergétique ayant sonné la fin de la récré, il serait bon de songer à éduquer les générations présentes et à venir, dépolluer, pour des esprits sains sur une planète saine.

 

Pendant ce temps le Crous de Strasbourg tente de jouer dans la cour des réseaux sociaux et propose aux étudiants de gagner des repas. Polémique ? Si on résume la démarche à un jeu sur la précarité des étudiants, certes… Mais l’intention est bonne, on est a priori loin d’un « ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche ». Si seulement Marie-Antoinette avait été sur les bancs d’Ambaza… Aurait-elle gardé sa popularité et sa tête ?

Donc, à première vue, vous trouvez cela moins scandaleux que le challenge keep or return… Commander trois fois son poids en vêtements, demander à ses followers si on garde, ou non, l’une des dix mille nouveautés quotidiennes (cherchez l’erreur, si, si, il y en a…) proposées par Shein, réalisées dans l’une de ces usines où des femmes travaillent soixante-quinze heures par semaine, sept jours sur sept, quitte à ne voir leur enfant, les veinardes, qu’une fois par an… Des conditions de travail qui ne sont pas acceptables, même pour la Chine… Et pour le clou sur le gâteau du consumérisme inconscient et insouciant : renvoyer tout ce qui n’a pas été liké… Un cocktail délicat au goût d’esclavagisme, avec une bonne dose de pollution, et une pointe de plagiat de créations artisanales (faut comprendre : pas évident de trouver dix mille idées par jour…). Trop cher de retourner ? Pour la marque bien sûr : il ne faut pas dégoûter le consommateur. Pas grave : on jette. La pollution ? On fait pas de profit sans plomber le bilan carbone.

En parlons de plomb, des cervelles en auraient bien besoin…Donc ? Merci Ambaza ? Ou bien on parle des chasseurs ?

 

Mais ceci est certainement un autre chapitre…

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