Lettre au père Noël (partie 5) # Z #Ehpad #formidable monde pourri

 


Un monde où Z ne voudrait dire que Zorro. Un monde où annoncer un programme de réforme de l’école suintant bon la naphtaline, avec retour de la blouse, surveillants généraux, exclusion de toute forme de handicap ne pourrait être que l’œuvre d’un mauvais humoriste. Très mauvais. Ou d’un fou dont les délires ne pourraient lui valoir qu’une élection à l’unanimité à la camisole d’honneur, avec collier de grand maître de plastoc assorti.

Un monde où je pourrais faire réviser à Choupinette sa leçon sur la seconde guerre mondiale sans avoir le sentiment désagréable et effrayant qu’aucune leçon n’a été tirée de cette monstruosité, sans songer que des parallèles horriblement troublants pourraient être faits entre 1938 et 2022…

Un monde où proposer de « franciser » les prénoms ne serait qu’une mauvaise blague. Parce qu’il ne semble pas certain qu’il soit plus facile de s’appeler Médard au lieu de Mohamed. Y a –t-il un réel avantage à se prénommer Solange et non Solène ?  Alors que Kévin n’a pas besoin de changer quoi que ce soit à son identité pas si folichonne. Bon, on peut certes reconnaître que Solange est plus raccord avec l’ère des blouses à l’école primaire et la renaissance des surveillants généraux, tout comme Marcelle apporte une touche bien poussiéreuse à Cyrielle. Mais je ne vois pas en quoi Ella est plus français que Kelly, ni ce qu’apporte Florent à Florian. Joëlle devrait être Gaëlle, mais pas Joël… C’est compliqué… Et pour quoi, au final ? S’extasier ? « Monsieur est français ? Chose extraordinaire ! Il faut avouer que votre prénom a l’air bien français. » Pauvre Charles Louis, nous voilà bien mal éclairés… Et que l’ami François-Marie devienne François-Xavier ne devrait pas le consoler, pas même avec un émoji désolé… Nous conseillerait-il encore de cultiver notre jardin ? En faisant attention aux pesticides et à ne pas tomber sur des déchets nucléaires enfouis, peut-être ?

 

Un monde où LVMH ne verrait pas son chiffre d’affaires croître de 36% en pleine pandémie. Un monde où on trouverait indécent de proposer un baby-foot à 68 000 euros parce qu’il est signé Vuitton. De même pour le billard du même nom à 135 00. Et que dire du miroir canard à 1 400 euros ? Indécent et laid. Laid et assorti aux quatre gobelets pour la modeste somme de 740 euros. Quand d’autres ont ce budget, pour « vivre » un mois : quand  il faut choisir entre se loger, se chauffer, se nourrir et regarder le sombre reflet d’une vie passée comme infirmière dans un miroir canard… Plus facile de réduire son empreinte carbone quand on n’a pas le loisir de s’offrir un luxueux steak. Stop. Envie de rendre. L’industrie du luxe se porte bien, mais son consommateur est visiblement cintré.

 

Un monde où diriger rimerait avec probité, et non avec plumer. Pas même un canard, même très laid, encore moins nos aînés.

Un monde où on ne proposerait pas quinze millions d’euros à un journaliste pour qu’il ne dévoile pas à quel prix les bénéfices des Ephad privés se font. La somme laisse songeur : pour proposer comme petit pot-de-vin l’équivalent de trois bons jackpots au loto, un sacré paquet de pichets tout de même, combien faut-il avoir à cacher ? Et, puisqu’on parle chiffres : on pourrait espérer ne pas manquer de couches quand on paye plus de quatre SMIC par mois sa chambre…

En même temps, si ce n’était pas exorbitant, on y enverrait certainement plus d’un conjoint prématurément… Du conjoint bien chiant au juste pénible… Vous pouvez être tranquille, je vous le garantis, il est complètement sénile : trente ans qu’il ne trouve pas le lave-vaisselle ! Voire de l’ado… Si, si, je vous assure, il fait beaucoup moins que son âge ! Par contre, il est d’une grossièreté sans précédent, oubliez pas ses calmants… Et il adore rester couché toute la journée : vous allez l’adorer. Plus économique, puisque l’époque est au profit, la simple menace pour ceux qui viennent de quitter leurs couches : si tu finis pas ta soupe, j’appelle l’Ephad. Bien plus efficace que le Croque-mitaine…

Un monde où limoger le directeur général et promettre plus de contrôles administratifs ne suffirait pas à faire oublier ce qu’il y a d’ignominieux à faire du business sur des dos voûtés et fragiles.  Un monde où Alzheimer ne faciliterait pas la tâche de cadres dont le mot d’ordre est « Il faut que ça crache ! ». Impossible, on n’a pas eu le temps de lui donner son petit-déjeuner ? Bah, ça sera vite oublié… Un monde où la pandémie ne serait pas une aubaine : visites interdites ? Youpi. Pas vu, pas pris. Un monde où lucratif et rogner sur les biscottes ne rimeraient pas. D’ailleurs, ça ne rime pas.

Un monde où on ferait un lien entre le démantèlement méticuleux du service public et la libre prospérité des actionnaires. Un monde où des établissements qui se veulent « un acteur de référence dans la prise en charge du Grand Âge », sans rire, sont ce qu’ils prétendent. En même temps, fallait pas s’attendre à de la publicité transparente. Tu as repéré l’oxymore ? Bravo ! Tu gagnes une couche, ça peut toujours servir. « Par ici les pépettes, on a que ça en tête ;  par ici les lingots, tel est notre credo », quand même… Personne n’y aurait cru… Quand la publicité est plus crédible que la réalité, on a le droit d’avoir peur ?

Je dois te confesser, père Noël, que je préfère le monde « Touche pas au grisbi, salope ! » au « Touche pas aux biscottes, Papi ! ».

Un monde où aucun directeur général de tels établissements n’aurait l’hasardeuse sagesse de se débarrasser de plus de 500 actions avant que leur prix soit divisé par trois à la parution d’une enquête. En même temps, il est des directeurs qui vendent régulièrement des actions, alors pourquoi être suspicieux ? Chacun ses petites marottes. Le Masne, à ne pas confondre avec Une Manne, a eu une soudaine envie de se séparer de ses actions, c’est comme ça, il le sentait bien, il boursicote au feeling. Le dicton ne dit-il pas : en janvier veille à prospérer ? Non ? C’est pas ça ? Ah, ce n’était pas en janvier ? D’accord. Petite fourmi avide, c’est là ton moindre défaut… Oh, allez, on a tous des envies. Les femmes enceintes auraient des envies fraises, les chats de croquettes, les vieux de propreté et de manger à satiété, d’autres de bénéfices et de sauver leurs miches, bah oui, y a pas de mal à ça. Certaines envies sont plus faciles à combler : du beurre, plein de beurre, dans les épinards pour certains, pas de beurre et peu de biscottes pour d’autres... La faute à ? Personne, voyons.

Un monde où un site affichant de charmantes photos de résidents tout sourires et de soignants amicaux et détendus, qui ont tout le temps de faire « cœur cœur » avec leurs petites mains ne cacherait pas des douches expédiées et minutées, des repas gloubiboulga où se mêlent macédoine, purée de carottes et crème au chocolat, des couloirs où l’odeur d’urine fait regretter de n’avoir pas définitivement perdu l’odorat. Un monde où l’acronyme, super alléchant et rassurant, on en rêve tous pour nos parents, Ouverture Respect Présence Ecoute Accueil ne serait pas à traduire par Objectif Rentabilité Profit Économie À tout prix.

Un monde où un moteur de recherche ne me donnerait pas comme deuxième résultat pour « Ephad » un site qui annonce : « Investir dans un EHPAD s'avère être une excellente affaire. Découvrez le placement 2021. Investissement idéal pour diversifier son patrimoine. » Promis, je n’ai eu qu’à copier ! Et le troisième résultat ? « Investissez sans risque - Rendement Jusqu'à 6 % - Etude Gratuite & sans engagement. Le meilleur de l'Investissement en Ehpad avec le Leader du Marché depuis 2003 ». Alors ? Elle est pas formidable, notre époque ? Tu m’étonnes qu’exploiter les plus fragiles, c’est une excellente affaire : ils auront définitivement libéré leur chambre avant d’avoir eu la force de se plaindre, surtout en étant sous-alimentés… Un meilleur investissement sans risque ? Réfléchissons… Les enfants ? C’est ballot, c’est interdit dans notre beau pays… Non, le « grand Âge », c’est l’idéal… Un peu moins pour alimenter les réseaux de prostitution, certes, mais il faut savoir diversifier son patrimoine… Les handicapés ? Sûr que Z aura des idées : s’ils ne vont pas à l’école, il va bien falloir les occuper. La définition de « handicap » ? Inclut-elle l’alexithymie, ou la flouziphilie aiguë ? Hum… Quitte à profiter, pourquoi pas sur le dos d’authentiques et gras saligauds ? Parce que la liste serait longue ? Et subjective ? Hum… Peut-être.

Un monde où la décence musellerait le successeur du futé Le Masne : « Vous avez en Orpea un leader mondial. La France n'en a pas beaucoup. Les plus belles entreprises sont fragiles ». Mais, nom d’une pipe, c’est vrai ! P’tit chouchou ! Si la fragilité d’une toute mignonne boî-boîte qui, entre juillet et septembre 2021, a réalisé un chiffre d'affaires de 1,11 milliard d'euros, juste le temps d’un été, hein, pas sur toute l’année de pandémie jolie, n’émeut pas la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, vraiment, c’est à n’y rien comprendre ! Sans cœur, ces députés ! Franchement ! On ne va quand même pas plus s’inquiéter de petites mamies qui s’obstinent à trouver désagréable de passer toute une journée dans leur pipi que d’une belle entreprise toute délicate ! Ah non ! Ce serait marcher sur la tête !

 

Alors, père Noël ? Ai-je menti ? Ne suis-je pas mesurée et raisonnable ? Et encore, je n’ai pas fini, loin de là, la liste de tout ce que je ne te demande pas. J’en garde pour une prochaine fois : à n’en pas douter, cette année encore, je vais être vernie…

 

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