La vaccination.

 

Bah voilà. Celle-là, vous l’aviez pas vue venir.

En même temps, vous n’êtes pas Mme Irma : vu comme vous prenez de l’âge et l’apéro, les cheveux blancs et les abdos-kro, vous auriez dû les voir venir. Et pourtant, chaque matin, dans le miroir, ça vous fait un sacré choc… Pas autant que celui de ce lundi soir quand même.

En moins de douze heures, vous êtes devenu un danger pour les autres.

Alors, certes, certains de vos proches pourraient tenir de tels propos sans vous étonner. Vos enfants, par exemple, pour ne pas les nommer.

Mais, là, c’est très différent. C’est officiel, et nationalement proclamé. Un député interviewé, qui ne vous connaît même pas, affirme posément qu’il est normal que vous n’ayez pas les mêmes droits que les autres.

 

Mais comment en est-on arrivé à ce point ? Un point où on affirme sans frémir qu’une partie de la population va être privée de droits. Et où on trouve cela tout à fait normal. Et où on pointe du doigt cette population. Pestiférée. Criminelle.

Vous avez peut-être tort. Cela arrive régulièrement. Et vous n’aimez pas le reconnaître. Nounours en témoignerait volontiers si vous le laissiez faire. Toutefois vous ne pensez pas être monstrueuse. Ni demeurée.

 

Or ne vous prend-on pas pour une demeurée en confondant non vaccinés et anti-vaccins ? C’est ça, le monde d’après ? Un monde où le doute et l’hésitation sont interdits ? Pas le droit d’être réticent ? De vouloir attendre ? Même un peu ? Même beaucoup ? Qui le non vacciné met-il en danger sinon lui-même ? Les vaccinés sont protégés, non ? Parce qu’un vaccin qui n’empêcherait ni d’être contaminé ni de contaminer, il aurait un intérêt suffisamment discutable pour ne pas être nationalement imposé, pour qu’il soit au moins acceptable d’en discuter, non ? Donc celui qui hésite, s’il a tort, ne fera pas porter la faute sur ceux qui ont été plus clairvoyants ou prudents…

Non, vous n’êtes pas contre le vaccin, votre corps en a déjà reçu d’autres, mais vous faire piquer sous la menace, bizarrement, ça vous tente encore moins que de l’être à force d’explications et de réflexion.

La menace, c’est pas votre truc. Même quand on est suffisamment futé pour ne pas la nommer. Ce serait même pire. Comme faire manger une purée de brocolis à un bambin en l’appelant dessert et en mettant de la compote d’abricots tout au bout de la cuillère. C’est dégueu, ça se fait pas. Ou dire à son môme qu’on l’emmène au cirque alors qu’il va tout droit au spectacle de l’arrachage de ses amygdales. Ça traumatise. Demandez à Jean-Paul.

 

Franchement, ne vous prend-on pas pour une demeurée en cachant l’obligation sous le masque de l’incitation forte ? Plus de dix-huit mois que l’humanité navigue à vue, alors, un peu d’honnêteté serait bienvenue.

Appelons un virus un virus : accorder l’accès à tout un pan de la société sous condition de vaccination, c’est obliger la population à se vacciner. Non, vous n’êtes pas idiote, vous ne confondez pas dictature et interdiction de se faire un restau. Néanmoins, il est des discours qui ont un parfum d’autoritarisme qui vous fait regretter de ne pas avoir perdu l’odorat. Et, est-ce votre faute si vous vous souvenez que dans 1984 on supprime des mots du dictionnaire ? Pour empêcher de penser.

Non, décidément, vous n’aimez pas le menu qu’on vous impose. Vous n’aimez pas du tout entendre si peu de voix pour protester, ou au moins s’interroger… Vous n’aimez pas du tout que parmi ces voix, les plus opportunistes, extrêmes et clivantes, s’élèvent.

Non, vous n’êtes pas bêtement complotiste. Non, vous ne croyez pas en une puce qui vous donnerait subitement et gratuitement accès à la 5G. De toute façon, chez vous, pas de risque : le débit est si nul, qu’atteindre la 3G, c’est déjà l’extase absolue. Au grand dam de Choupinet, qui s’est résolu à voir partir ses rêves de gamer en fumée.

Non, vous ne voulez pas ruiner le pays. Vous voulez, comme tout un chacun, sortir de ce long tunnel de pandémie, retrouver sourire et sérénité.

 

Mais comment être sereine dans un pays où ceux-là même qu’on applaudissait il y a quelques mois, ceux dont on louait le dévouement et le professionnalisme, ceux qu’on est même allés chercher chez eux quand ils étaient malades et contagieux tant on avait besoin de leurs soins, ceux qui sont restés en première ligne, de vague en vague, quand le reste de la population prenait une bouffée d’air et d’espoir, ceux-là sont menacés de n’être plus payés ? Bon, certes, ça fait un paquet d’années que les soignants sont maltraités et sous-payés, mais bon, un mois et demi pour se faire vacciner ou virer ? Vraiment ? Sérieux ? Au moins, pour les économies budgétaires, c’est radical. Pis sous-payés, pas payés… On va pas chipoter.

 

Comment être sereine quand, d’une déclaration l’autre, on se contredit allègrement ? Les masques ? Inutiles. Les masques ? Essentiels.  L’efficacité du vaccin ? Au bout de quatre semaines. Non trois. Non. Deux. Partez en vacances en Europe ! Euh, non, pas en Espagne. Pas au Portugal. Un passe sanitaire ? Jamais ! Fracturer la société ? Stigmatiser ceux qu’il reste à convaincre ? Hors de question ! « Le pass sanitaire ne sera jamais un droit d’accès qui différencie les Français. Il ne saurait être obligatoire pour accéder aux lieux de la vie de tous les jours comme les restaurants, théâtres et cinémas, ou pour aller chez des amis. » C’était fin avril.

C’est quoi ? Un début d’Alzheimer ? Parce que c’est inquiétant à ce stade. Faut consulter. Par exemple, vous, quand vous ouvrez le frigo et qu’au bout de trente secondes vous ne vous rappelez plus pourquoi vous l’avez ouvert, vous le refermez. C’est mieux pour la planète et votre taille.

Et si c’est pas une maladie neuro dégénérative, faut bien réfléchir avant de lancer une nouvelle règle. Tout parent le sait. Vous régnez seulement sur deux individus et avant de leur dire « pas de portable avant la troisième », faut vraiment peser le pour et le contre… C’est tenable ? Applicable ? Parce que Choupinet va vous faire vivre un enfer. Et si vous craquez au bout de quarante-huit heures, vous perdez tout crédit. Vous devenez aussi respectable qu’une déjection canine sous une semelle citadine. Et si vous ne craquez pas, mais que vous avez annoncé l’inacceptable, jamais vous ne verrez Choupinet, sa femme, ses enfants. Et ce dès l’obtention de son permis. Enfin, femme et enfants, c’est une projection : Choupinet est encore votre tout petit, même s’il vous arrache la langue d’un coup sec si vous le formulez à voix haute. Votre Choupinet chou… Enfin, pour l’instant, vous avez encore une utilité : faire taxi. Et comme Choupinet n’a pas à vous élire…

Et sinon, juste faire preuve d’un peu d’humilité ? Et se montrer beaucoup beaucoup beaucoup moins péremptoire. Parce que, là, les allocutions assénées atteignent si vite leur date de péremption que vous êtes en constante indigestion.

 

Et, non, vous n’avez pas la prétention de faire la leçon sur la gestion de cette pandémie inédite. Même les retournements et les marches arrière sont entendables dans un tel contexte : s’ils sont assumés comme tels.

Bien malin, celui qui affirme qu’il aurait fait mieux. Peut-être que la seule voie de sortie est l’immunité collective et que la vaccination doit toucher le plus grand nombre. Peut-être.

Mais alors on applique le « quoi qu’il en coûte » pour y arriver ?

Mais le recours au pass sanitaire ? Et Angela, qui refuse de telles mesures ? Être réélue pour quatre mandats d’affilée, ce serait donc le signe d’une grande incompétence ? Et l’Angleterre qui rend la liberté à ses citoyens faute d’arriver à endiguer le variant ? Bon. Certes. L’exemple anglais est délicat. Tout de même. Ils aiment la gelée. Colorée et mouvante. Et même des Jellied eels ! Anguilles contre escargots : qui est sûr d’avoir raison ?

Cette disharmonie mondiale n’invite-t-elle pas à la réflexion et à la mesure ? Pourquoi ne pas reconnaître que nul n’est détenteur absolu de vérité, se contenter d’expliquer et de conseiller, sans dissimuler les doutes et les incertitudes ? Et les failles ? Putain, si ces derniers mois, l’humain, politique ou non, n’a pas été un poil éclairé sur sa fragilité, quand !?

Tout parent l’apprend vite à ses dépens : imposer et menacer, c’est à l’éducation, ce qu’est  Hanouna à la culture… Pas glorieux. Et rarement efficace. Profondément. Sur le long terme. Quand on en vient à se vautrer devant son émission, c’est le signe qu’on est tombé bas, très bas. Qu’on abandonne. On va avoir du mal à sortir du canapé sans y laisser des neurones et de la dignité.

L’étape d’après ? La violence physique ? La baffe qui part ? C’est vrai que certaines ont déjà été lancées…  C’est comme si vous étiez dans une version dégénérée du Livre de la Jungle. Kaa vous dit deux-trois fois « aie confianceeee », pète un boulon, serre un bon coup et vous mord : c’est ça, ou plus de danse avec les loups et de balade sur le bidou de Baloo. Et on remet ça dans trois semaines. Ou quatre. Ou deux. Quand Kaa le dira, basta.

 

Et, non, vous n’êtes pas une inconsciente irrévérencieuse sottement contestataire. Ce n’est pas une posture de principe.

Vous avez scrupuleusement respecté les confinements, les couvre-feu. Vous avez gardé amis et parents à distance, pour les protéger, vous protéger. Vous avez affronté les foudres de l’adolescent privé de vie sociale, sans broncher. Non, ce n’est pas à prendre à la légère : aucun parent d’adolescent ne vous contredira. Aucun. Sûr. Plus que Spoutnik. Enfermer, et vivre avec, un ado, pire, deux ados : les aventures de Rambo, à côté, c’est Martine à la piscine. En 1985. Pas maintenant, parce que là, avec les jauges, les masques, les restrictions, c’est moins fun quand même… Bref.

Vous vous êtes englué les mains de gel tant et tant que votre foie aurait pu se croire en bamboche quotidienne. Vous vous êtes masquée à en avoir des surprises au réveil, dans l’impitoyable miroir. Et, il est vrai, vous vous êtes dit que le masque, s’il vous faisait retomber dans les boutons de vos vertes années, avait quelques grâces. Et ce n’est pourtant pas pour ces raisons, mais bien par prudence et civisme, que vous continuez.

Vous ne refusez pas de vous faire vacciner. Vous refusez qu’on ne vous laisse pas penser.

Et vos adolescents ? Eux aussi ? Contraints ? Menacés ? Obligés ?

Est-ce seulement fini ? À quand la vaccination des moins de douze ans ? Des bébés ? À quand la troisième dose obligatoire ? Le vaccin bi-annuel ? Mensuel ? Non ? Ça n’arrivera pas ? Sûr ? Promis ? Si je mens, je bouffe mon pass sanitaire… 

 

Franchement. Vous diriez volontiers qu’il n’y aura point de prochain chapitre. Mais vous doutez… Et vous aimez ça. C’est votre droit. Non ?

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Jamais déçue (partie 1)#Santos americandream

Jamais décue (partie 2) #Javier# libertarien#ausecours

L'essentiel clown #Guerriau#extraecsta