50 nuances de travaux (partie 10)
En attendant, vous astiquez, tandis que Choupinette fait
sagement ses devoirs et va chercher un correcteur dans votre bureau : la
consommation de correcteur de vos enfants est effrayante… Qu’en font-ils ?
Vous attendez avec impatience l’étude scientifique documentée qui mettra enfin
fin à ce mystère troublant.
« Je peux changer de chaussettes ? » Prompte
à rappeler que vous n’êtes pas une machine à laver sur pattes, vous râlez comme
il se doit quand… Sa chaussette est bel et bien mouillée : d’où vient
cette eau ? « Du bureau. » Comment ça, du bureau ? Cette
pièce emplie de livres et d’appareils qui ne font pas bon ménage avec l‘élément
liquide ? Cette pièce où même votre sacro-sainte tasse de thé n’est pas
autorisée car trop dangereuse ? Impossible. « Bah si, insiste l’effrontée,
y a de l’eau sur le parquet. » Guidée par la curiosité et Saint Thomas,
vous franchissez la bâche de plastique protégeant très inefficacement votre
antre des tempêtes de poussières récentes et constatez que Choupinette dit
malheureusement vrai. Une flaque au sol. Mais d’où vient-elle ?
Non. Non. Non…
Si. Bien que vous préféreriez infiniment les garder fermés,
vous levez les yeux… Votre plafond se gonfle de poches qui n’ont rien à faire
là. Des poches qui font ploc ploc à deux centimètres de votre ordinateur. Des
poches qui n’existaient pas dernièrement. Des poches pleines d’une eau jaune
poussière qui ne demandent qu’à percer et inonder votre bureau… Croquette, consciencieusement
appliqué à perdre ses poils sur votre fauteuil se prend une gouttelette entre
les deux oreilles qu’il secoue avec force mécontentement : où s’arrêtera
l’irrespect de son domaine ? Ces humains n’ont aucune limite…
Jour :
« ça risque pas de finir vendredi »
Le plombier est penaud. Pas très inquiet en même
temps : déjà 48 heures que Nounours a appelé son patron pour l’avertir que
la rénovation des salles de bain n’incluait pas la création d’un jacuzzi
saumâtre à l’étage du dessous. À sa place vous auriez rappliqué fissa. D’après
ce que vous comprenez, il s’agit seulement d’un boulon insuffisamment serré.
Réfrénant votre désir intense de serrer des vis, boulons et cous, vous soulevez
quelques points : outre le plafond inondé, l’ardeur ouvrière à arracher le
vieux carrelage à fait tant trembler vos murs en votre absence que ces coups ont
marqué l’autre côté de la cloison, coups qui ont fait tomber bibelots et
bouquins, chutes dont le bois de votre bureau garde la trace. Et vous savez
déjà que ce sera un souvenir de cette sanitaire épopée. Ces travaux, c’est un
billard à trois bandes…
Jour :
« est-ce que le chantier est une métaphore de la vie, prenant fin
seulement avec la mort ? »
L’Ébouriffé en tenue de peintre, qui ne parle qu’italien,
vous fait comprendre, armé d’un rouleau et d’une bâche en plastique éloquente
qu’il va repeindre le plafond traumatisé.
Et là, maudissant votre choix d’une entreprise spaghetti friendly, vous tentez de faire
valoir votre point de vue.
Oui, vous voulez retrouver un bureau sain et pimpant.
Non, vous ne souhaitez pas cacher la misère en deux coups de
rouleau.
Certes, vous rêvez que cet épisode se termine au plus tôt,
si c’était en votre pouvoir vous tortillerez du nez à tout va (eh oui, vous
aviez prévenu, les aventures de Samantha ont durablement saccagé votre principe
de réalité…), néanmoins vous préférez réfréner votre impatient désir de
retrouver un intérieur sans bâche, sans poussière et sans chants italiens
discordants car il est absolument hors de question que dans deux mois, six
mois, un an, alors que vous vous enquerrez tranquillement des prévisions
météorologiques de la semaine, le plafond vous tombe sur la tête.
Certes, vous êtes naïve, aussi bricoleuse qu’une endive,
néanmoins il vous semble qu’un plafond imbibé d’eau requiert, pour le moins, un
temps de séchage suffisamment long, voire une réparation plus substantielle… Et
Dieu sait que vous n’avez aucunement envie qu’on change intégralement votre
plafond, l’expérience récente vous ayant suffisamment éclairée sur ce qu’une
telle opération impliquerait en termes de déménagement (quelle sotte idée de
lire, pire d’avoir des livres chez soi !), de poussière, de gravats…
Mais comment vous faire comprendre ? Vos deux mains n’y
suffiront pas. Après avoir sacrifié votre goût pour l’adjectif sur l’autel de
la clarté, vous optez pour la technologie et vous tournez vers une traduction
internet. Heureusement le déluge a épargné votre ordinateur, vous pouvez donc
clamer : « Riparare, non dipingere. Sono
preoccupato, molto preoccupato. Non contento Attendere il soffitto asciutto.»
L’Ébouriffé n’est pas contrariant, c’est là son moindre
défaut, il vous laisse en plan. Pour l’instant.
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