Bonnes résolutions (partie 5 et fin)
Voilà, vous pouvez vous lancer sereinement dans la tradition
babylonienne, tradition reprise par les romains, qui offraient leurs promesses
à Janus, le dieux au deux visages, l’un tourné vers le passé, l’autre vers
l’avenir. Hier vous vous goinfriez de chocolat, demain vous dégusterez du
chocolat. Et, dans un futur lointain, vous aurez la volonté suffisamment
bodybuildée pour cesser de chercher une étrange respiration dans ces trois
minutes de nicotine aspirée avec délice, soulagée d’échapper un bref instant
aux deux tornades qui sévissent à l’intérieur, de l’autre côté de la baie
vitrée où vous vous vous êtes réfugiée. Trois minutes, même empoisonnées, c’est
raisonnable quand l’envie d’aller voir sur une île lointaine s’il ne fait pas
bon ouvrir une baraque à frites vous taraude. Non que vous couriez beaucoup
après les frites… Mais ça doit être à votre portée culinaire.
Un instant… Bonnes résolutions… et si vous en preniez de
mauvaises ? Après tout, bon, mauvais, tout cela est relatif.
Mieux (décidément, le champagne stimule vos neurones… ça
doit être les p’tites bulles… Pas sûr pourtant que cela marche avec la
limonade. Trop de sucre peut-être… À étudier. Songez à contacter
Bristol.) : si vous preniez la bonne résolution de ne plus laisser les
mauvais parsemer la route de votre existence de petits clous pourris ? Ah
oui, excellent, ça, le champagne stimule métaphores et réflexion : l’idée
de ne plus laisser les cons vous emmerder est brillante comme un front
d’adolescent en pleine éruption de sébum. (Hein ? Ah… oui… Le champagne a
ses limites stylistiques…)
Votre esprit stimulé par la liqueur de tirage et sa prise de
mousse (c’est pour ça, les p’tites bulles, mais bon, c’était pour éviter de
répéter p’tites bulles…) fourmille d’exemples. Combien de fois avez-vous regretté
qu’un petit Audiard perso, genre à la Jiminy Cricket mais en plus pugnace, n’écrive
pas les répliques qui devraient sortir de votre bouche ? Au lieu de rester
muette, atterrée par le potentiel de vos semblables…
Rappelez-vous… La connasse du cours de gym… Blonde, mais,
soyons clairs, la blondeur ne fait pas la connerie… yeux verts, 1 m 50 (oui, une
petite conne…), 35 kilos toute mouillée… Posons le cadre : salle d’un
sombre gymnase (non, l’électricité est comprise, mais on connaît votre goût
pour le sport… Encore un coup d’une bête résolution, ou la frayeur de
l’empâtement que les années ont une fâcheuse tendance à vous offrir… Alors que
vous préféreriez clairement un parfum pour votre anniversaire.), des victimes
en tenues aussi seyantes qu’un leggings léopard et un body fuchsia (bah oui,
désolée… Faut arrêter de se mentir peu importe l’individu, son âge, sa
corpulence, la mode : quand on enfile des trucs pareils, au mieux on a
l’air prête à arpenter des kilomètres de trottoir, au pire on déclenche des
envies de rendre dignes d’une gastro d’anthologie). Peu importe, on n’est pas
là pour briller, mais pour suer. Sauf la blonde. Qui a accompli le miracle
crispant d’être élégante en tenue de sport. Un miracle. Si. Digne d’être
homologué par l’autorité papale. La blonde qui enchaîne minutes de planche, de
gainage latéral de bridge, de gainage abdos avec rotation et de gainage superman (son nom ? Parce que
c’est un truc de malade réservé au super héros. Voilà.), et elle continue de
parler ! Même pas essoufflée ! Ça énerve !! Mais, le pire, ce
n’est pas le volume sonore. Non, le pire est bel et bien le contenu affligeant
qu’elle peut déverser avec la rapidité des chutes du Niagara. Et la blonde de
lancer cette pointe finale : « Allez les filles, courage ! Donnez-vous
pour objectif de rentrer dans mes jeans au mois de juin ! »
Sympa ? Motivant ? Que nenni. La blonde ne s’habille même pas au
rayon femme. Elle a les hanches d’une collégienne, et d’une collégienne fluette,
elle est condamnée à la taille 12 ans. Et là, là, vous auriez tant aimé, non,
même pas lui péter sa petite gueule immaculée, non, juste vous levez et lui asséner à haute et intelligible voix : « Mais t’es vraiment une
connasse ! » Certes, ce n’est pas du Audiard, mais que cela aurait
été bon… Ô joie, ô bonheur, ô soulagement de la parole libérée…
Rappelez-vous… Ils sont foule, les emmerdeurs du
quotidien : de la secrétaire aimable comme une soupe aigre au concombre et
lait caillé, au conducteur de poids lourd prêt à tout y compris à des années
d’incarcération pour écrabouillage intempestif de toute petite voiture pour
vous doubler dans les lacets de cette petite départementale.
En attendant… Bonnes résolutions ? Tel le têtard
bienheureux au fond de sa mare nauséabonde, vous croupissez.
Mais ceci est un autre chapitre.
Commentaires
Enregistrer un commentaire