La fête d'anniversaire (partie 1)
La fête
d’anniversaire porte mal son nom. Du moins pour certains. Choupinette perçoit
bien le côté festif, Choupinet itou. Vous… Moins, beaucoup moins. Vous
hésiteriez plus entre « cauchemar d’anniversaire », « parcours
du combattant d’anniversaire », voire « apocalypse
d’anniversaire »… Bref, vous êtes et demeurerez une mauvaise mère.
Vilaine, va.
Un des
points cruciaux de la fête d’anniversaire, c’est le nombre d’invités. Vous
appréciez fort la loi d’anniversaire qui dit autant d’invités que d’années à
fêter moins une. C’est toujours un de moins. Enfin, vous appréciiez cette loi,
charmante quand Choupinette avait trois, quatre ans : ça vous menait à
deux, trois invités, juste de quoi frémir mais inutile de fuir. Le problème de
cette loi, c’est sa limite : quelle est-elle ? Pas
d’amendement ? Pas de restriction ? Non, parce que sept, huit
invités, ce ne sont plus des invités. Non. Des terroristes, des pillards, oui.
Ça fait peur quoi…
Heureusement
l’âge de raison est avec vous : il a frappé Choupinette de plein fouet, et
pour ses huit ans, elle accepte en bronchant un brin pour la forme de se
limiter à quatre invitées. Même avec toute votre mauvaise volonté, vous ne
pouvez que reconnaître que c’est raisonnable, très raisonnable.
Vous vous
lancez donc avec enthousiasme, presque, dans la confection des cartes
d’invitation.
Vous ne
gardez aucun souvenir d’avoir vécu un tel épisode dans votre enfance :
votre sage mère devait certainement passer quelques coups de fil, et
basta ! Oui. Mais. Mais dans ce monde de perpétuelle compétition, de
performance saugrenue, tout est prétexte à éblouir de ses éblouissantes
compétences le reste de l’humanité ébaubie. Tout. Et ça va se nicher dans des
trucs pas possibles. Les cartes d’anniversaire, donc.
La carte
d’anniversaire de fille. Oui, pour les garçons, c’est une autre histoire, c’est
terrible, mais c’est comme ça. On peut le regretter et s’efforcer de lutter,
mais ça va prendre du temps avant que Choupinette tolère des chevaliers et
dragons sur ses cartons d’invitation… La carte, donc, se doit d’être mignonne
mais point trop niaise : on n’a plus cinq ans… Elle se doit d’être
originale, différente : Choupinette n’est pas Charlotte, Emilie ou Clara.
Non, à chaque fille sa carte.
Vous optez
donc pour du fait main, une création. Vous. Vous dont les talents de coloriage
ne blufferaient pas un marmot de grande section de maternelle. Vous qui ne
connaissez de la couture que celle du bouton. Vous qui associez très
naturellement fil de pêche et poisson. Vous qui croyez encore que scrapbooking
est un vague synonyme de bestseller.
Il vous
faut déjà partir en quête de la boutique adéquate : vous ne savez pas,
vous, où on dégotte des brads, des stickers, du masking tape. Vous n’avez
aucune idée de ce que recouvrent ce termes nébuleux, vous ne savez même pas ce
dont vous avez besoin !
Renseignement
pris, vous planifiez une expédition entre les courses hebdomadaires et la
sortie des classes. Armée de votre courage et de votre sac à main, vous
pénétrez prudemment en un lieu coloré et immense. Nom d’un massicot, il y en a
des rayons ! Vous déambulez un bon moment avant de tomber sur le coin
tampons.
Vous jetez
un œil prudent sur ces objets qui ne vous ont laissé que des souvenirs baveux
et tachés… « Je t’invite à mon anniversaire » : bon, là, y a pas
à tortiller, ce tampon, il vous le faut, c’est THE tampon à avoir. Encres,
cartes, enveloppes, stickers, rubans : vos bras commencent à être trop
petits pour vos emplettes. Croquignolette comme tout, cette boutique, mais pas
pratique pour un sou. Ah… une vendeuse compatissante vous indique l’existence
de paniers que vous pourrez trouver à un endroit des plus confidentiels :
à l’entrée, devant les caisses… Banane que vous êtes. Dûment munie de votre
chouette petit panier, vous pouvez partir à la recherche du nécessaire à
je-fais-mes-bougies-moi-même-comme-elles-sont-jolies-et-sentent-bon. Parce que
l’anniversaire parfait ne s’arrête pas à la carte : il convient
d’organiser moult activités distrayantes
et stimulantes qui laisseront un souvenir aussi impérissable que la Reine des
Neiges dans les tendres cervelles des invitées. Trouvé, le rayon ! Vous
devenez une pro des méandres créatifs, trop heureuse vous êtes ! On jubile
toujours trop vite… Pourquoi des mètres de mèche enroulée, des petites mèches
avec embout métallique, de la cire-gel, de la cire-pas gel, de la pâte à
modeler pour bougie, des stylos pour bougie ? Pourquoi ? Zut de zut,
vous n’êtes pas sortie de la mercerie.
Entre
bobines et coton, vous finissez par alpaguer un vendeur et lui soutirez tout,
tout sur la bougie. Un exposé édifiant plus tard, vous vous dirigez, bien parée
et songeuse, jusqu’aux caisses. Quoi ? Hein ? Il y a une erreur,
c’est ça ? Parce que vous n’avez pas dans votre petit panier
d’encre-caviar, ni de stickers en peau d’hermine, pas plus de tampons 18
carats… Zut de zut, vous regrettez amèrement d’avoir cédé aux sirènes de l’originalité.
Tout ça pour que vos œuvres soient déchirées et jetées aux ordures en 3
secondes 12 ! Hello Kitty aurait suffi. Comme vous n’osez fuir en un
savant jeu de jambes, abandonnant tampons, encres et cire sous les yeux de la
vendeuse, vous ressortez avec une mine déconfite et un porte-monnaie allégé. 11
h. Il est 11h. Vous êtes à 20 minutes de l’école. Qui expulsera son lot
d’enfants à 11h15. Zut de zut.
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