Passeport: le récap avant du neuf, enfin...

 


Vous êtes organisée. Et c’est peu de l’écrire.

La fée de l’organisation s’est penchée sur votre berceau. Avec sa cousine, cette connasse de fée Anxiété. Résultat : vous êtes condamnée à anticiper, perpétuellement flippée de ce qui pourrait arriver. Et aucune limite temporelle au sort originel. Un prince charmant ? Bien sûr, Nounours, cinq mois après vous, a vu les mêmes trombines se pointer sur ses langes. Résultat : vous êtes anxieuse au carré.

 

Vous avez toujours un quart d’heure d’avance au moindre rendez-vous. À six mois, la garde-robe de Choupinette était prête jusqu’à ses cinq ans. Dommage qu’elle ait décidé à trois ans de ne plus porter que des robes. Roses. À la rigueur violettes. Son dégoût inflexible du bleu, vous ne l’aviez pas vu venir. Pas plus que son charmant et délicat caractère. Cette gourgandine de fée Anxiété aurait pu avoir l’idée lumineuse d’accompagner son don d’une boule de cristal. 

Trois mois avant sa majorité, Choupinet avait son permis, deux mois avant son BAC vous louiez un appart pour sa première année universitaire. En juin, votre cuve de fuel est prête pour l’hiver. En décembre, vous réservez vos vacances pour l’été, en mai, celles de Toussaint.

Bref, vous êtes anxieuse. Ou folle.

 

Cette année, faisant fi de la donnée climatique bouillante, vous avez opté pour un repos estival grec. Réservations dûment faites, en janvier, vous vous êtes enquise des documents nécessaires à votre périple. Choupinet et Choupinette arborent d’adorables minois, certes, mais totalement périmés. Il va sans dire qu’ils ne se ressemblent plus. Vous remplissez donc une pré-demande de carte d’identité et de passeport, achetez un timbre fiscal, et prenez un rendez-vous dans la mairie la plus proche. En avril. Un rendez-vous lointain mais il a pour lui de se situer pendant les vacances : vous ne vous autorisez pas, au grand dam de vos rejetons, à empiéter sur le précieux temps scolaire.

 

Avril, ses fils, ses tulipes et jonquilles bourgeonnent à plein. Fidèle à votre féérique tempérament, vous vous pointez à la mairie avec un bon quart d’heure d’avance, une pochette remplie de tous les documents attendus, en double, au cas où.

L’administré idoine vous reçoit. Au vu de sa chevelure et de son sarouel, il n’est pas inenvisageable qu’il ait pleinement profité du printemps 68. Vous donnez les documents de Choupinette qui donne ses empreintes. Le timbre fiscal ? Il n’est pas recevable. Vous paniquez comme une truite dans une rivière aoûtienne asséchée. Eh oui, la fée Panique suit souvent de près Organisation et Anxiété. Un trio d’enfer.

Pourquoi le timbre est-il périmé ? Choupinette a eu le mauvais goût d’avoir quinze ans. Entre la date de la pré-demande et la date du rendez-vous. Heureusement, vous achetez un nouveau timbre, tremblante, sur l’instant. Vos vacances sont sauves.

C’est sans compter sur Choupinet.

Vous donnez ses documents. Et sa photo. Le soixante-huitard tique. Pas sûr qu’elle passe. S’il saisit totalement la volonté de liberté capillaire, il doute qu’à la préfecture, on se montre aussi compréhensif. Il vous a fallu des années pour trouver une coiffeuse qui saisisse que Choupinet vient la voir, mais ne souhaite pas qu’on coupe ses mèches qui ondulent sur son front, empiètent sur ses sourcils, tombent nonchalamment sur ses yeux.

Les cheveux de Choupinet, la coiffeuse les effleure du ciseau et ne les sèche pas. À chaque fois que vous réglez cette non-coupe, vous goûtez modérément la facture…

Et, cette fois, cela va vous coûter un billet, mais d’avion…

 

Comment avez-vous pu commettre une telle erreur ? Un oubli ? Une distraction ? Non. Un ado. Seuls ceux qui ne connaissent pas les caractéristiques du mammifère se posent la question.

Il n’est pas allé seul au Photomaton. Vous y êtes allés en famille. Un bon moment. Choupinet exècre deux choses : les ciseaux et les photos. Et les devoirs. Et vous parler. Et que vous lui posiez des questions. Bref, il était ravi. Furieux que vous ne lui ayez pas envoyé un recommandé avec accusé de réception pour ce passage au Photomaton. Une chose était sûre, le sourire n’était pas à craindre. Au vu du résultat, de la longue et ondoyante frange, des délicates mèches s’aventurant sur l’œil, vous avez émis le souhait qu’il recommence.

Il aurait été moins offusqué si vous lui aviez proposé une ablation des ongles pour que, enfin, il ne semble pas vouloir concourir au Guinness Book : couper, cheveux ou ongles, Choupinet, c’est pas son truc. Une exception : la parole. Surtout celle de sa sœur.

Il a donc brandi, avec virulence, l’argument du style, allant jusqu’ à plaider pour le droit à avoir une tête « décente »… Et il vous a achevée avec l’aide du Photomaton. « Conforme ». Voilà ce qui était clairement stipulé dans la marge des décents portraits. Impossible de lutter donc.

Alors que, décomposée, vous voyez moussaka, Pirée, tzatziki, ouzo, syrtaki s’envoler sans vous, le préposé municipal vous éclaire : « conforme » s’applique uniquement à la taille du visage. Génial. Parce qu’il y a des demeurés qui collent leur nez à la vitre avant d’enclencher la prise de vue ? Alors que vous méditez sur ce que feriez de ciseaux en cet instant, et plusieurs options vous viennent à l’esprit, le préposé vous offre un espoir : l’hypothétique indulgence de l’examinateur du dossier… Vous serez informée sous dix jours de ce qu’il adviendra du visage de Choupinet et de vos vacances. La décence passera-t-elle? En ces temps troublés, vous doutez. La confiscation de casseroles, décente? La secrétaire d’Etat chargée de l’économie sociale et solidaire et de la vie asso… Bref, Marlène en Une de Playboy, décente ? La Brav-M, décente ? Les renflements bruns, décents comme jamais ? La décence ne vous permet pas de poursuivre cette liste… 

 

L’attente commence.

Grâce à Organisation, Anxiété et Panique, vous adorez attendre, impuissante. Vous avez l’impression de vous être égarée dans une formation étrange et piquante, genre : teste le métier de fakir, porte des chaussons en peau de hérisson et dors sur un matelas porc-épic, tu vas kiffer, c’est hyper relaxant. Alors, non, ce n’est pas n’importe quoi. Pas totalement. Il existe, et pas uniquement dans votre tête, des formations pour devenir fakir. Ce qui, par contre, est vraiment n’importe quoi, c’est que, si vous souhaitez tester ce métier, en bas de la page, on vous propose également de tester les professions de rotinier, bon pour diversifier avec charmeur de serpent peut-être…, de « conducteur de ligne de relaxation en industrie textile » et de « responsable d’équipe règlement sinistres en assurances »… Le site a l’air d’être encore plus logique et pertinent que celui de Pôle emploi.

Au bout d’une semaine, aussi tendue qu’un président visitant une usine Tefal, vous finissez par recontacter la mairie. Pas de nouvelles. Et le dicton a tout faux. Les délais, l’été approchant, s’allongent comme la tête de Choupinette quand on lui demande de vider le lave-vaisselle.

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