Recherche prof désespérément # job dating #liquidation
Vous n’avez jamais essayé. Quoi ?
Oh, plein de trucs. La soupe aux cailloux, le
piercing, la scarification. D’autrui. Et le speed dating. Trop
stressant. Trop aléatoire. Trop n’importe quoi.
Mais vous comprenez tout à fait que l’on puisse
trouver l’expérience tentante, amusante, voire carrément enrichissante.
De là à l’appliquer au recrutement de profs…
Seriez-vous passée de l’autre côté ? Celui de Stanger things ?
Avec des virus, des masques, des tyrans pervers et manipulateurs, des fillettes
sauvagement déscolarisées, des… Bon. Un côté sombre quoi.
Sans rire. Vous avez loupé un truc ? C’est le
1er avril toute l’année ? C’est plus un poisson, c’est un
cachalot.
Tant va l’école à la dérive qu’à la fin elle coule.
C’est sûrement le but. Sans quoi, pour remédier à la pénurie d’enseignants, on
examinerait les causes, histoire de poser un diagnostic constructif et de
songer à des remèdes efficaces. Mais, vu l’état de l’hôpital, votre métaphore
file un mauvais coton.
Il est vrai que revaloriser les salaires, diminuer
les effectifs de classes surchargées, apporter des aides suffisantes aux élèves
en difficulté (non, mais, c’est bête, mais on est rarement en situation de
handicap deux demi-journées par semaine, c’est dommage, mais Assistant de Vie
Scolaire en pointillé ça semble manquer de sens…), éviter d’annoncer trois mois
avant la prochaine rentrée qu’on remet les maths au programme des lycéens deux
ans après les avoir supprimées, pour, au bout de quarante-huit heures, reculer
d’un an cette joyeuseté car un Jiminy a dû oser souffler l’idée que
l’omnipotence présidentielle avait ses limites… Bref, ce genre de conneries,
c’est pas funny, ça ne fait pas très Start-up Nation. Alors que
le job dating…
Votre seul regret : ne pas faire partie du
jury.
Pas pour dire les heures exigées pour préparer les
cours. Ni le tonneau des Danaïdes des copies. Non ! Surtout pas !
Courir le risque que le cliché du prof fainéant comme jamais se fissure ?
Folie ! On ne jobdaterait plus
personne…
Pas pour dire l’enfer des emplois du temps chaque rentrée,
l’accumulation de réformes absurdes et contradictoires, la prolifération de
réunions tardives. Non ! Surtout pas !
Pas pour dire Tim qui harcèle Lucie, mord et frappe
son institutrice, refuse toute consigne en hurlant. Il a une belle voix Tim. Un
peu stridente, certes. Mais il tient la note, un truc dingue… Pas pour dire les
heures passées, soir et week-end (pas pour dire, donc, non plus, que la vie de
famille…DTC), à monter des dossiers en espérant de l’aide. Pas pour dire les
dizaines de réunions avec la famille (le soir donc : vie de famille ?
Voir ci-dessus), l’inspection, la psychologue scolaire, la directrice (sa vie
de famille ? Bis repetita). Pour un résultat digne de l’énergie
dépensée. Une suggestion. Que l’institutrice note chacune de ses réactions aux
diverses et multiples crises de Tim. Pour que l’institutrice ajuste son
comportement. MDR. Ou pas R.
Pas pour dire le nombre croissant de démissions. On
recrute : ce serait vraiment contre –productif.
Non. Vous garderiez le silence. Pour vous payer une
bonne tranche de rire. Ce n’est pas très gentil, certes, mais c’est à la
hauteur des émoluments d’un enseignant.
Bénis les loisirs gratuits.
Vous les voyez d’ici. Enthousiastes. Plein d’envie
et d’énergie, de bonne volonté. Et d’illusions. Trop mignons. Les cons.
Les quarantenaires en pleine crise qui partent en
quête de sens. Ça, il faut reconnaître, ils vont être servis. Du sens, ils vont
en avoir tellement qu’ils ont intérêt à cultiver celui du sacrifice.
Les parents forts de leur expérience éducative. Sur
leurs deux chiards. Allez, essaye de mettre Tim au coin : on te regarde.
Ou plutôt, interroge Tim sur sa pulsion destructrice qui l’a conduit à te
foutre une mandale, alors que cette incroyable énergie aurait été
merveilleusement créative sur sa feuille de dessin. Oups, un oubli : Tim
n’est pas seul. Il a vingt-neuf camarades, dont son harcelée, une bonne dizaine
de punching-balls dont quatre au bord de la phobie scolaire, trois hyper
actifs, cinq dyslexiques, trois allergiques à la craie et huit à l’autorité.
Allez, gère. On te regarde. Fort de ta semaine de formation estivale.
Les étudiants qui préparaient le concours et qui
voient une opportunité de formation sur le chemin de l’enseignement. Au moins
ils pourront faire demi-tour avant le cul de sac. En même temps, l’existence
d’un concours à l’ère du job dating ? Boffff… CAPES,
Agrégation : ça sent la voie de disparition, non ? Le hic, c’est
l’élite. Elle va les mettre où, ses gosses ? Le mieux, ce serait de garder
quelques places aux concours et des établissements au recrutement exigent et
cohérent. Pour financer ? Et si on faisait payer les parents… Pas de
sou ? C’est relou, mais tu retournes avec ton prof chelou. T’inquiète, si
tu ne lui parles que vingt minutes, il a l’air super.
Ceux qui, tout simplement, aiment les enfants… Ca
suffira, une demi-heure, pour éplucher leur casier judiciaire ?
Ceux qui ont été élèves. Qui comprendront si bien,
car ils en étaient, ces parents qui font la leçon aux enseignants, ces parents qui comptent bien les éclairer sur
leur pédagogie puisqu’ils maîtrisent le sujet sur le bout du crayon : eux
aussi ont été à l’école… Force est de reconnaître qu’avec le job dating,
enseignant et parent vont être à égalité… La boucle est délicieusement bouclée.
Ceux qui veulent plus de temps libre. Merveilleuse
motivation. Pour tout emploi d’ailleurs. Qui ? Mais qui arrive à un
recrutement en arguant de son envie de se branler la nouille ?
Ceux qui veulent s’occuper de leur famille. Des
cousins des précédents. Très rassurant sur leur engagement professionnel.
La barre de rire.
On pourrait même organiser des paris pour le jury.
Combien de temps avant que Stéphanie, gentille quarantenaire, mère de trois
enfants, en quête de sens et de temps libre, une belle recrue qui coche moult
cases donc, fasse une croquignolette dépression qui mettra ses post-partum au
rang de doux souvenirs aussi savoureux qu’un mojito bien frais au coucher du
soleil sur une plage déserte baignée d’une eau délicatement turquoise ?
Six mois ? Trois ? Deux semaines ? Non, il y a vraiment moyen de
rigoler.
En, plus, c’est comme pour la planète : il
faut une génération ou deux avant qu’on se prenne la catastrophe en pleine
poire. En attendant, on peut continuer à s’éclater.
Plus sérieusement. On doit pouvoir trouver des
compétences transversales.
Magicien ? Nickel. Vous pouvez enseigner dans
tous les niveaux. Un maître ès illusions, c’est l’idéal. Au lieu de transformer
les foulards en lapins, vous ferez de gamins aux cervelles en construction des
ignares insolents. Bluffant.
Stripteaseur ? On vous laisse le choix :
arts plastiques ? Musique ? Sciences de la vie et de la terre ?
Agriculteur ? Esthéticienne ? Sciences de
la vie et de la terre.
Prêtre ? Choisissez votre classe, votre
matière. Avoir la foi, c’est la base pour enseigner. La prière est carrément un
plus. D’ailleurs, voyez votre ministre, Pap : il ne peut que prier pour
avoir la force de porter sa croix.
Commercial ? Secrétaire ? Allez, prof de
français.
Hum ? Dévalorisant ? Dénigrant pour ces
professions ? Hum… Il est vrai que si l’on proposait l’inverse… T’aimes
conduire ? Garagiste. T’as eu une gastro ? Généraliste.
On pourrait mettre tout le monde d’accord :
une loterie nationale tous les cinq ans. Avec métier tiré au hasard. Egalité et
fun. Efficacité ? En est-on vraiment encore à pinailler ?
Est-ce si important qu’un prof maîtrise son sujet
et la pédagogie ? Qu’un chirurgien maîtrise son scalpel et
l’anatomie ?
Broutille. Peccadille. Quand on veut, on peut :
elle est pas belle, la Start-up Nation ?
On pourrait organiser cette choucarde loterie en
même temps que la présidentielle : tu votes, tu joues. D’une pierre, deux
coups.
Cerise sur l’initiative, le job dating porte
bien son nom. Un job, c’est léger, sympa. Provisoire. Le statut de contractuel,
ce n’est certes pas une nouveauté dans l’éducation nationale car le manque de
personnel, le mammouth, il en broute depuis un bail. Il suffit d’accélérer le
mouvement, passer de la réforme à la destruction franche. Et, franchement, le
contractuel, c’est la panacée : moins payé, embauchable et virable à l’envie.
Tu n’aimes pas la précarité ? Mais si, reprends-en une louche, ça fait
grandir.
Comme une bonne idée ne vient jamais seule, Manu
est bien tenté par une plus grande liberté. Ou libéralisation. On ne sait plus.
Il va vite Manu, pas évident de le suivre. Mais donner aux chefs d’établissement
la liberté de recruter, ça pourrait faire rêver. Un souffle frais qui viendrait
dépoussiérer le mammouth. Ou une tempête qui viendrait noyer les radeaux les
moins bien lotis sous une fallacieuse vague d’égalité. Un cyclone qui déboulonnerait
une bonne fois pour toutes l’ascenseur social qui demande réparation en vain
depuis bien longtemps.
Heureusement que ce n’est pas son dernier mandat,
sans quoi il pourrait penser qu’il a les coudées franches pour liquider le
service public. Hum ? Pas de troisième élection possible ? Non ??
Bah. Pour l’instant. On doit bien pouvoir revoir
cette copie : quand on jobdate ceux qui vont former les cerveaux de
demain, tout est possible…
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