Le correspondant (partie 5) # hygiène# ado# occis, mort
François ne sera pas malade. Et vous avez une théorie pour
expliquer ce miracle.
François a dû lire un obscur article scientifique sur
l’hygiène. Ou plutôt l’absence d’hygiène. Et ses vertus. On trouve d’obscurs articles
sur tout, si on cherche bien. Ou c’est juste un ado. Ou on ne lui a pas
expliqué que les changements hormonaux, qui lui font prendre cinq centimètres
par mois et pousser des poils (autres que ceux qui couvrent cette partie du
crâne en dehors du visage), génèrent également des effluves qui peuvent
incommoder l’entourage, même pas très proche, s’il réduit obstinément cette
habitude qui a baigné son enfance et sa carcasse à une petite fois par semaine.
Ou par mois vous souffle votre nez.
Se croit-il à la cour de Louis trucmuche ? Parce qu’on
s’aspergeait quand même de parfum. Faut-il l’avertir que la croyance selon
laquelle le roi Soleil n’aurait pris qu’un bain dans sa vie, mais un fameux, un
odorant, n’est que légende ? Ne va-t-il pas, tel l’évêque de Noyon, pisser
par la fenêtre ? Sait-il que le duc de Vendôme utilisait successivement la
bassine de sa chaise percée pour se soulager et se raser, la bassine à peine
vidée… Est-il susceptible de se brosser les dents à l’essence d’urine, à la
mode Sévigné ? Pense-t-il, le malheureux, que l’eau va dilater ses pores,
pénétrer ceux-ci, inondant sa personne de germes effroyables, de maladies
redoutables ?
Ces hallucinantes hypothèses ne vous sont pas venues en deux
petits jours. Non, on ne nauséabonde pas si aisément. Tout a commencé par de
taraudants doutes… Le bruit, d’abord. Le rapport avec l’hygiène ? Ou
plutôt sa négligence tendant vers l’absence ? La dissimulation. Le bruit
et le temps. Quand on passe une heure dans une pièce en poussant le volume de
la musique au point que nul ne pourrait discerner dans ce tintamarre si un
éléphant, voire un troupeau d’éléphants, s’acquitte des ablutions minimales exigées,
c’est louche.
Et quand le doute touche aux narines… Le doute confine au
dégoût. Votre personne n’a beau être ni royale ni solaire, vous revendiquez le
droit de ne point être olfactivement agressée.
De sandwichs arides en désert de bain, le séjour de François
touche à sa fin. Et vous déployez des trésors comiques dignes d’une Sarah
Bernhardt pour feindre la tristesse, dissimuler votre soulagement qui a tout de
la joie exultante. Pas évident. Arborer un visage qui dit : « ¡qué lastima! », quand vous trépignez
intérieurement en mode « ¡Alegría!
Felicidad ! », c’est pas de la tarta… Heureusement votre évidente future nomination
aux Molières vous est d’un soutien certain pour assurer votre performance sans
faillir.
Pour fêter ce dernier jour, François, Choupinet et leurs
camarades sont invités à une carte au trésor. Sans hélico ni caméraman. Ni
spectateurs. Dans un village sans histoire ni monument. Palpitant. Une seule
énigme à résoudre : comment les habitants vont-ils survivre à ces hordes
adolescentes, plus préoccupées de se gaver de bonbons et de déglutir, ô suprême
infraction !, un sulfureux Twist, que de remplir leur questionnaire ?
De quand date la dernière réfection de la mairie ? Combien de fruitières
compte le village ? ¡ Atención !,
il y a un piège… Ça va être sympa.
Quant à vous, vous aurez vos propres et charmantes
occupations. Armée de vinaigre et de courage, vous avez osé demander à François
s’il voyait un inconvénient à ce que vous fassiez sa valise. Il faut avouer que
vous avez multiplié incitations, demandes et prières pour que soit entamée
cette périlleuse mission, rassembler ses affaires sans rien oublier (ni chaqueta, ni excusa para volver, ¡por piedad!) arguant de la nécessité de ne pas
louper le car du départ avec un résultat égal. À zéro. Nul.
Cette force de l’inertie adolescente qui conduit
invariablement l’adulte, surtout maternel…, en esclavage, c’est sidérant.
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