La conduite accompagnée (3/5)
Monique, donc, se garde bien
d’émettre la moindre objection à votre enthousiasmant projet. Bien au
contraire. Elle clame haut et fort sa faisabilité. La conduite accompagnée,
elle vous la promet pour la fin de l’été. Au pire.
Trois semaines plus tard :
aucune nouvelle.
Pas plus de message de Monique que
de flotte dans le désert d’Atacama. Sentant que votre objectif tombe à l’eau,
vous avez attendu une petite semaine puis avez envoyé un message, puis deux,
puis trois. Une pluie de messages sans réponse.
Vous avez imaginé toutes sortes de Unes…
« Monique, la dernière victime
du Grêlé avant son suicide… Pas de chance ! »
« Monique, la monitrice
s’enfuit avec la caisse sur les routes de l’A ‘rnaque ! »
« Monique : victime de
son élève ! Son dernier mot avant d’être écrasée : purée… »
« Monique : victime d’un
parent excédé. Atrocement mutilée à coups d’agenda. »
« Monique : l’amnésique,
victime d’un livreur TNT, retrouve enfin son prénom et attend avec impatience
de se rappeler qui sont ses parents pour leur intenter un procès... »
Certes, certes, vos choix
éditoriaux peuvent s’avérer un tantinet discutables, voire pourris jusqu’à la
substantifique moelle… Mais c’est ça ou l’homicide brutal. Sanglant. Vous avez
heureusement toujours préféré les mots.
Après avoir inondé le portable de
Monique de suppliques pour enfin commencer l’apprentissage de Choupinet, vous
passez au bon vieux fixe de l’agence. Futée, Monique n’est joignable que trois
jours par semaine. Pendant une heure. La ligne est régulièrement occupée.
C.Q.F.D.
À bout de patience et d’espoir,
vous tombez sur le fils de Monique. L’entreprise est vétuste et familiale.
Tentant, mais, non, vous ne vous lancerez pas dans une loufoque digression sur
la vétusté familiale, ses avantages et inconvénients. Qui dit vétuste dit-il
frustre ? Hein ? Non. Non. Vous ne le ferez pas. Vous, vous ne voulez
qu’une chose, une seule. Ce n’est pas gagner au loto, ce n’est pas croiser une
licorne magique qui exauce dix vœux (la licorne est carrément plus chouette que
la lampe, c’est bon à savoir, c’est cadeau, ne me remerciez pas), ce n’est pas
jouer divinement du saxo et être adoptée par la famille Chedid, ce n’est pas
savoir cuire du poulet sans que Nounours le trouve sec (hyper ardu ça…), non.
Vous voulez un rendez-vous avec Monique. Et, pour étrange que cela paraisse,
vous commencez à douter d’être la première à formuler un tel souhait. Qui plus
est à son fils.
Lequel est désolé. Monique a perdu
son portable. Pas de serial violeur, pas de fraude, pas de vengeance :
c’est tout con. Nul comme Une.
« Monique, la fieffée
coquine, injoignable trois semaines : elle avait perdu son portable !
Oups ! »
C’est lamentable. Trop long. Sans
intérêt. Vous ne risquez pas de sauver la presse écrite à ce compte-là…
Toutefois, l’affaire n’est
peut-être point si anodine qu’il y paraît… Dans quelle bulle, dans quel bunker Monique
vit-elle pour n’avoir accès à aucun moyen de communication ? Pas un ami,
pas un mari ? Avait-elle également perdu l’adresse de l’auto-école ?
Ses clefs ? Pour ne pouvoir accéder à cet outil qui, bien que filaire, a
pour fonction première d’établir un contact entre un individu A et un individu
B : un putain de téléphone quoi ! Vos coordonnées ? Perdues avec
le portable ? Et la fiche ? Oui, le papier, là, que vous avez rempli
juste avant le chèque. Perdu aussi ?
Le fils de Monique la pouffiasse
sent que la moutarde qui vous monte au nez est extra méga forte tendance wasabi
et tente de vous apaiser : promis Monique vous appelle demain, du portable
de son mec. Bah voilà ! Elle a un mec qui a un portable cette p… !
Commentaires
Enregistrer un commentaire