La conduite accompagnée (2/5)

 




Vous avez tout le loisir d’y songer tandis que vous attendez. Après avoir conduit le futur accompagné à l’auto-école. Trajet pendant lequel vous avez déjà eu tout le loisir de songer. Car l’apprenant conducteur a des écouteurs. Sur ses oreilles. Oreilles qui ont pourtant été formées à l’intérieur de vous. Avec tendresse. Et qui sont sorties de vous avec moult souffrance et bonheur. Mais aujourd’hui ces oreilles sont couvertes de musique et de vocaux de poteaux, du lever de l’ado à son coucher. Notez au passage cette incongrue utilisation du vocal : l’ado n’écrit pas de message, ne téléphone pas. Il vocalise. Que cela vous rassure toutefois sur sa capacité à émettre des sons dirigés vers un autre individu. D’ailleurs, reconnaissez-le, si cet individu n’est ni père, ni mère, ni sœur, du moins les siens, l’ado sait être charmant. Voire prolixe. Truc de ouf.

Ainsi sa monitrice trouve votre Choupinet très chou. Alors que vous étriperiez volontiers sa monitrice. Que Choupinet défend avec ardeur. Hein ? Oui, l’ado parle tout de même : pour vous contredire. Ça ne compte pas donc. On ne se transforme pas en baleine pendant neuf mois de sa vie pour être contredite le restant de ses jours. D’autant que vous êtes déjà définitivement privée de rock endiablé et de trampoline. Pourquoi ? Question de périnée traumatisé. Alors un brin de reconnaissance, vous trouveriez normal de ne pas avoir à vous asseoir dessus. Or reconnaissance et contradiction ne font pas bon ménage.

Mais pourquoi ce désir d’étripage ?

Parce que. Et pas seulement.

La monitrice souffre de troubles désorganisationnels sévères. C’est simple : vous êtes arrivée avec une demande claire. Que Choupinet ait fini sa formation à la fin de l’été. Histoire que vous l’accompagniez avant que la bise fut venue avec sa pote la pluie, ses cousins Verglas et Neige : vous avez, certes, l’esprit peu aventurier, néanmoins vous persistez et préférez ne point tester les airbags vierges de tout choc de votre petite voiture. C’est curieux, mais c’est ainsi.

Consciente de vos délirantes exigences, vous avez prévu trois mois pour réaliser l’exploit d’obtenir vingt heures de conduite. Aucune restriction d’horaires. Vous faites taxi toute la sainte journée de tous les jours de la semaine.

Une mère plus souple ? Il n’en existe pas. Il n’en a pas existé, et il n’en existera pas. L’avis de Choupinet sur la question ? Si on se met à demander leur avis à tous les lardons de France et de Navarre, on est pas sorti de la soupière ! Quand bien même le lardon serait à ça d’avoir le droit de donner sa voix à un potentiel président. Décidément, cette histoire de voix du mutique ado, c’est turlupinant…

Une qui n’a pas pipé mot quand vous avez formulé votre demande, c’est la monitrice Monique. Vous n’avez rien entendu quand vous avez signé votre premier chèque d’une longue série. Oui, cerise sur votre millefeuille de soucis, vous allez financer grassement vos futures terreurs. Logique. La facture de la parentalité s’ouvre sur des lattes et du coton et, pour ce que vous en saisissez bien tardivement, en tout cas trop pour faire demi-tour, se clôt avec des clous et du sapin. Entre les deux, comme vous l’avez bien cherché, tout est de votre faute et il faut raquer. Grave.

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