Des travaux, un orchestre, pas d'harmonie (partie 8)

 


Jour 9

Le patron passe prendre un café et un acompte.

Vous n’êtes pas du genre à râler… Hein ? Non ! Promis. Les apparences peuvent être contre vous, certes, mais vous êtes d’un naturel profondément conciliant et apaisant. Si ! Qu’on demande… Non. Pas à Choupinet. Ni Nounours. Bon, merde.

Ça fait tout de même pas mal d’acompte et pas beaucoup de douche, non ? Le Patron vous rassure : plus que deux mois et vous ne le reverrez plus !

Hein ? Mais ces travaux, ils devaient durer un mois, soit quatre semaines, soit six cent soixante-douze heures. Énorme. Long. Très long. Et là, paf ! Ça a doublé ! C’est fou hein ? C’est magique, les travaux vous rénovent la fibre mathématique. Hum. C’est mathémagique…

Inconscient du miracle qu’il vient d’accomplir dans vos connexions neuronales, le patron vous laisse avec l’Hirsute. Et le Barbu. L’Hérissé. Et l’Échevelé. Juré. Si vous n’aviez crainte de les froisser, vous proposeriez un selfie.

Vous en perdez votre latin, qui certes est toujours resté pour vous une langue morte, super morte, genre cadavre décomposé depuis un putain de bail, malgré les louables efforts de Mme P. : les ouvriers, c’est comme les Gremlins, tu leur lances de la poussière dessus et ils se multiplient, de 1 ils sont passés à 4 : et ça ne va pas avancer plus vite ?

 

En tout cas ça fait plus de bruit : vous identifiez le murmure du marteau, le chuchotement de la perceuse et le gazouillis d’un outil inconnu malgré votre expérience qui s’avère bien trop longue. Chacun son instrument. L’orchestre des travaux bat son plein mais  vous êtes hermétique au charme du spectacle. Trop conceptuel peut-être.

Tandis que ses collègues jouent gaiement de leur instrument, le Barbu fait des allers « gravats » - retours « carreau » et à chaque fois qu’il franchit votre seuil, il incarne un peu plus le mime Marceau Vous avez le sentiment désagréable d’être une capitaliste mâtinée de Kim Jong-un. Vous êtes le monstre qui obstrue ses poumons, empêche l’ouvrier de respirer... Et la pénibilité du travail ? Combien d’années de retraite gagnées ?? Vous vous inquiéteriez bien de son contrat de travail, mais vous craignez trop que l’achèvement de la douche en soit repoussé. Votre pragmatisme étouffe aisément votre humanisme. Vous ne commenterez donc point le fait qu’il déverse son fardeau poussiéreux directement dans sa voiture. Pas dans le coffre, non, par la fenêtre qui doit donner sur les places à l’arrière, engendrant une nuée blanchâtre qui doit se déposer dans tout l’habitacle.

Voilà que le concert prend une autre tournure, peut-être un effet du  syndrome « chantons sous la douche » : l’Hirsute a allumé sa radio, italienne ovviamente, et il a fermement décidé de poncer en braillant. Version terrible de Mary Poppins. Il a clairement bien fait de privilégier une carrière dans le bâtiment : il n’est pas prêt pour remporter « La Voce »…

Et vous rêver d’un petit morceau de coke qui aide la salle de bain à s’achever…

Après la poussière, la ronde du ménage. Quand, dans cette grise vie, avez-vous involontairement offensé Vesta, pour vous retrouver ainsi punie ?

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