Résolue
Pour vous, cette année, ni projets, à quoi bon ? Ni
résolutions. Celles-là : rien que des bullshits, pire encore
que les vœux. Vous ne vous y risquerez pas.
En 2020, vous vous êtes inscrite à un cours de gym, pleine
de volonté et de graisse superflue. L’une comme l’autre ont eu raison de votre
phénoménale allergie à toute activité sportive. Vous voyez se profiler l’été
avec de grandes espérances quant à un deux pièces seyant. Et là, paf ! Un
touriste débarque à Paris, après une escale à Londres et Berlin, où, paraît-il,
ça sent la bière. Mais lui, il préfère le ragout de pangolin qui a mangé de la
chauve-souris glyphosatée. Et, paf, pandémie, fin du cours de gym !
Catastrophe. Mais vous avez de la ressource : vous vous êtes lancée dans une
pratique quotidienne de la sieste. Pour digérer, car...
En 2020, vous vous êtes promis de perdre deux kilos. Trois
mois plus tard, vous foncez à la librairie avant qu’elle ne ferme, faites une razzia
sur le rayon culinaire et vous découvrez une passion pour les pâtisseries.
Choupinet et Choupinette sont plutôt bec salé. Vous êtes bec tout court et
comme on vous a élevée dans la sacro-sainte tradition du « faut pas
gâcher », il ne vous reste plus que sept kilos à perdre cette année.
En 2020, vous vous êtes juré d’arrêter, encore une fois, de
fumer. Vous avez allègrement entamé En finir avec la cigarette. Un
pangolin et dix chapitres plus tard, vos espoirs de poumon sain partaient en
fumée. Ahah. (vanne saumâtre, digne de ce cru fétide)
En 2020, vous avez décidé de redonner à votre foie la
fraîcheur d’un limpide ruisseau où un enfant construirait un petit moulin en
bois avec en fond sonore le dernier tube de Mozart. À moins que ce soit Pierre
Bachelet… Peut-être que la lecture d’En finir avec l’apéro va également
booster votre mémoire. Un Pangolin et trois grammes plus tard, votre décision a
fait long feu. Voir paragraphe précédent. Ahah (rire âpre, c’est con, in fine).
Mais pas de mauvaise conscience : vous soutenez le petit commerce. Et même
les lointains cavistes. Le sauvetage du bordelais, c’est vous.
En 2020, vous vous êtes lancée dans une grande remise en
forme de vos neurones : se tenir quotidiennement informée, lire des
auteurs russes, aller au théâtre … Un vaste projet, stimulant et enrichissant.
Un pangolin et dix épisodes d’Au-delà du réel plus tard, vous avez
troqué France info pour une playlist spéciale année 80 parce que vous n’arrivez
pas à allumer la radio sans gober trois anxiolytiques. Vous avez abandonné
Rohmer pour l’intégralité de Friends. Vous vous réveillez en chantonnant
« Tu pues, le chat, tu pues le chat, mais ce n’est pas ta faute ». En
anglais. Et en espagnol. Croquette n’apprécie aucune de vos interprétations.
Pour la troisième vague, vous hésitez sur la version… Vous avez abandonné tous
les romans : la réalité est devenue trop fictionnelle, c’est redondant.
Vous continuerez à confondre Dostoïevski et Tolstoï. Vous espérez secrètement
vous réveiller dans un lit d’hôpital : un médecin qui ressemblerait
étrangement à Biden vous annoncerait que vous avez sombré dans le coma pendant
trois ans mais que vous n’avez aucune inquiétude à avoir. Votre cerveau
fonctionne parfaitement, son activité a même été prodigieuse pendant ce long
laps de temps. Vous tournez la tête : sur le mur des dessins tendrement punaisés
par Choupinet et Choupinette. Un pangolin, un drapeau américain, un restaurant,
le Capitole, un feu d’artifice… Ceci explique cela.
En 2020, vous avez eu envie d’être une version améliorée de
vous-même. Plus tolérante, plus douce, plus aimable, plus ouverte, plus
sociable. Un pangolin et deux chauves-souris plus tard, vous avez médité sur
vos désirs obscurs d’enfermer votre progéniture dans la cave, envisagé
d’étudier de manière méthodique et extrêmement documentée l’impact de la
sous-nutrition et de la privation de lumière sur leur organisme. Pour passer le
temps. Vous vous êtes murée dans le silence pour ne pas hurler des insanités à
rendre jaloux Deadpool. Entre deux confinements, vous avez argué de votre soi-disant nosophobie pour rester fermement cloîtrée.
En 2020, vous avez rêvé de découvrir la Sardaigne :
admirer la procession pour Santa del mare, écouter un canto a tenore
en savourant des sebadas après vous êtes prélassée sur la Cala
Goloritzé. Vous y étiez déjà... Cette anticipation, c’est un des plaisirs
du voyage que vous affectionnez. Un pangolin et deux kilomètres plus tard, vous
avez visité quotidiennement les containers les plus proches, prétextant de
votre amour de la planète et du tri pour mettre le nez hors de chez vous. Vous
vous êtes extasié sur une procession de fourmi. Vous avez applaudi, et pas tous
les soirs, des infirmières qui ne vous entendaient pas. Vous avez admiré, étape
par étape, la floraison d’un pissenlit. Vous vous êtes aventurée à trois
kilomètres de chez vous, sans courir, il ne faut pas exagérer, et sans
attestation ! L’aventure...
En 2021, l’aventure mutante résout tout : vous ne vous
promettez rien, Prométhée de l’écouvillon.
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