Confinement 2
Bien que vous commenciez à en avoir ras le confinement de cette
troisième enfant imaginaire, qui a une influence fort préjudiciable sur le taux
d’impertinence de votre progéniture, taux naturellement déjà diablement trop
élevé, vous ne sauriez lui jeter la pierre. Et pas seulement car, en ces temps
de pandémie, finir aux urgences n’est pas une excellente idée. Encore moins
pour lapidation : quoiqu’être emprisonnée puisse être alléchant… Une
cellule… Des repas servis… Seule… Le rêve… La surpopulation carcérale vous
remet toutefois sur le droit chemin : comme vous n’êtes pas une VIP mieux
vaut ne pas jouer avec le diable.
Bref, vous-même, à défaut d’avoir une amie avec qui
partager, vous êtes tentée d’avoir une conversation animée avec votre tasse de
café : les sujets à aborder ne manquent pas.
Retrouver la liberté frappera-t-il l’humanité
d’amnésie ? Nous remettrons-nous à consommer à tout va, bien concentrés
sur nos nombrils, prônant un libéralisme destructeur, crachant avec la plus
grande insouciance sur le service public, réduisant à nouveau ses ressources drastiquement
au nom des sacro-saints dividendes de goulus actionnaires, piétinant avec
mépris et ingratitude l’État-providence ? Jusqu’au prochain confinement…
Votre café n’est pas très optimiste. Il trouve de fort
mauvais augure que le corps enseignant soit envoyé aux fraises. Bien sûr, le
travail de Titan qu’impliquent assurer des cours en visio, gérer des familles
sans accès au monde merveilleux de l’informatique, gérer des élèves qui ont un
ordinateur et un portable et une tablette et qui se sont mis en mode vacances, répondre
individuellement à des centaines d’élèves qui se sont mis en mode flippe
intégrale, et à leurs parents en mode craquage complet, par mail, Pronote ou
autre, leur téléphoner, créer de cours adaptés à un enseignement désincarné,
confectionner des QCM pour veiller à l’optimale digestion des notions,
réceptionner des copies, les corriger, regarder les allocutions floues, terriblement floues du ministre,
relayé par les messages vides, terriblement vides du Rectorat ( bon, ça, en
vrai, ce n’est pas trop spécifique à cette virale période), tout en ayant ses enfants et conjoint constamment dans les pattes : ce travail, donc, est
moins visible que l’incroyable dévouement du personnel médical, des courageuses
caissières, des indispensables éboueurs. Et vous en oubliez.
Néanmoins votre café trouve un peu fort de lui qu’on songe
encore à taper sur le dos bien large des enseignants en ces temps où solidarité
et réflexion sur la création d’une société plus humaine et bienveillante
sembleraient de mise. D’autant que réussir à ce que Kévin finisse par intégrer
que « les " si " n’aiment pas les "rai " »,
que Charlotte cesse de situer l’Afrique en Amérique du sud, que Killian ne
confonde plus l’heure du cours de math en visio et l’heure de s’éclater sur Fortnite,
cela relève clairement de la réanimation inespérée. Et votre café
s’indigne : cette institution qui a, en autres lourdes charges, celle
d’ouvrir l’esprit, d’apporter culture et connaissances, comment peut-on
continuer à la mépriser, alors même que l’un des effroyables ravages de ce
putain de virus est de nous avoir privés de bibliothèques, cinémas, librairies,
concerts, théâtre et… !
Commentaires
Enregistrer un commentaire