Confinement 1
L’annonce a fait l’effet d’une bombe. D'ailleurs les
métaphores guerrières n’ont pas tardé à pleuvoir.
Vous êtes confinés. Mauvaise nouvelle.
Les écoles sont fermées. Très mauvaise nouvelle.
Vous n’êtes pas tout à fait certaine que rester enfermée
avec vos enfants soit moins dangereux qu’un virus. Peut-être avec les enfants
d’une autre ? Un échange d’enfants en cours de confinement est-il
prévu ? Histoire de faire tourner les névroses ? Non. Échanger n’est
pas confiner. Dommage.
Vous n’essayez pas de réaliser, appréhender l’ampleur de
cette catastrophe dépasse votre entendement. Vous allez vous asseoir sur votre
insatiable besoin d’organisation et d’anticipation et voir au jour le jour.
Pendant des semaines. Des mois ? Chut… Inspirez. Expirez. Profitez du
moment présent. Tout va bien. Nounours est en bonne santé. Vous êtes en bonne
santé. Choupinet et Choupinette aussi. Un peu trop même. L’école à la maison,
est-ce épuisant ? Vous l’espérez… À moins que les épuisés ne soient pas
ceux qu’on croit… Chut… Inspirez. Expirez.
Prenez exemple sur Croquette. Il ne voit pas où est le
problème. Absolument pas. Sa pâtée est toujours servie. Quand il ne dort pas,
il mange. Quand il ne mange pas, il dort. Sur le canapé, une chaise, le bureau,
un lit. (Suivez ce modèle et vous ne
remettrez pas les pieds, ni les amas graisseux qu’ils portent, sur une plage,
pas même en 2022 quand vous y serez autorisée). Certes Choupinet et Choupinette
sont constamment sur son dos (vous compatissez : ils semblent n’avoir que
deux modes. Mode 1 : vous tyranniser. Mode 2 : tyranniser le chat.
Engendrer des monstres est une possibilité qui devrait refroidir bien des
ébats. ).
Mais Croquette a la solution, une solution que l’état de
votre périnée et la bienséance vous interdisent : courir dans la cuisine
comme s’il était poursuivi par une meute de chiens enragés (ce qui n’est pas si
loin de la réalité, somme toute…) et finir sa course effrénée en haut d’un rideau.
Pour être bien compris, il se jette ensuite avec vigueur et élan contre la baie
vitrée. C’est imparable, vous finissez par lui ouvrir la porte. En priant pour
que Choupinet et Choupinette ne trouvent pas, par un jour de confinement
ensoleillé, que c’est une excellente idée. Fi du confinement, Croquette peut
traîner ses poils où bon lui semble, revenir couvert de poussière, de pollens
allergisants, de petites boules d’herbe, de virus variés, et, après deux ou trois
bouchées de pâtée, dormir. Le confinement lui passe bien au-delà des
moustaches.
Vous ne pouvez pas en dire autant des enfants. Ils ont beau
courir dans toute la maison, s’envoyer des noms d’oiseaux à faire frémir le
capitaine Haddock, vous les condamnez à rester avec vous. Du même coup, vous
êtes tortionnaire et torturée. L’enfer, ce doit être ça. S’infliger sa propre
punition.
De tous les maux que draine le confinement, l’ennui est
rapidement apparu comme un problème de poids.
Jamais à court d’imagination, Choupinette a trouvé une
solution qui a fait ses preuves. Une amie imaginaire. Choupinette. Oui, son
imagination est sans limite, mais pas sans perversion.
Cela pimente sacrément les repas. « Choupinette ne
viendra pas à table. Elle déteste les brocolis. Déjà que tu as osé lui proposer
des courgettes à midi. T’as un problème avec le vert, non ? Mais tu aurais
quand même pu lui mettre une assiette… » En fait, c’est toute la journée
qui se teinte d’une bonne dose de Tabasco. « Non, je ne me suis pas lavée
les dents. Mais t’inquiète : Choupinette, si. » Vous laissez sa
chance à la carie, de toute façon vous n’aurez pas le droit de soumettre ses
dents à la fraise avant longtemps… « Là, je suis trop occupée pour débarrasser
le lave-vaisselle, mais peut-être que Choupinette peut t’aider. »
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