La voile (partie 3 et fin)


De dérive en livarde, l’heure du pique-nique a sonné. La horde se rue sur les soutes que l’énergumène est parvenu à ouvrir. Il ne lui a jamais fallu que trois heures…
Chacun prend son sac, Tim en traîne un particulièrement impressionnant. Il l’ouvre… Et… Oh ! Trois pantalons, trois paires de chaussettes, trois pulls ! Voilà une maman qui connaît bien les possibilités de sa progéniture…
Punaise, à se gaver de chips, chips et re-chips, le risque de scorbut n’est pas loin… Vous profiteriez bien de la pause-déjeuner pour mettre les voiles mais Alan, Arthur, Charlotte, Marine et dix de leurs semblables ont un besoin urgent. Vous aussi. Un whisky et une clope. Il paraît que ce n’est pas possible. Bon. Direction LE toilette où vous patientez une bonne demi-heure, le temps que Marine vous raconte ses vacances au ski minute par minute… Votre besoin croît terriblement tandis que la marmaille assouvit le sien.

Retour aux petits navires. Vous avez un coup de barre, les moussaillons restent désespérément au taquet… Vous avez toutefois l’insigne honneur de siéger sur le bateau à moteur, Jacques vous signale alors une boîte noire. Qui fait un bruit d’orque. Au milieu du lac. Si. C’est vrai. La pauvre bête n’arriverait pas à faire deux brasses dans cette baignoire mais l’enregistrement de son chant éloigne les oiseaux susceptibles de ruiner les projets de pêche des paysans alentours. Et Jacques de commenter : « Quand un cachalot vient de tribord, il est prioritaire. Quand il vient de bâbord aussi. »
Tiens, un autre chant ? Des sirènes ? Vous auriez dû prendre de la cire…
D’une embarcation montent des cris qui effrayeraient mouettes, orque et poiscaille : Marine la bien nommée a le mal de mer… Jacques tente de lui expliquer que les symptômes de ce mal relèvent de l’océan. Et des vomissements. Les vagissements stridents sont plus un signe de son heureux caractère… Marine s’en moque.  Tout cri dehors, elle s’acharne sur la barre, le bout, change de bord, hurle et gesticule, tant et si bien… Une Marine à la mer !
La malheureuse a chaviré. On ne la voit plus… Mais on entend toujours sa douce voix… Philosophe, Jacques commente l’exploit, car chavirer sur ce lac plat est réellement remarquable, d’un « Mieux vaut flotter sans grâce que couler en beauté. »



Une fois Marine sauvée des eaux, la flotte rejoint la terre ferme : Jacques fait le compte des merveilles gagnées. Et perdues. Chavirer coûte trois merveilles à l’équipage. Marine pleure. Tim sort un crapaud de la poche de son short : les hurlements affolés de ses camarades ne permettent pas de saisir pleinement son intention. Consoler Marine en lui proposant un baiser digne d’un prince ? Obtenir que le batracien compte pour une merveille ? Pas clair.
La scène est interrompue par une nouvelle venue. La mère d’Alan. C’est marrant, ça. On part dans dix minutes : le temps d’enfiler des vêtements secs, histoire que les parents ne fassent pas le lien entre cette journée et le rhume de demain, et on file crier dans le car… C’est drôle, dans vos souvenirs, quand vous étiez une petite fille sage et douce, les enfants ne faisaient pas tant de bruit… Est-il possible que le petit de l’homme ne s’entende pas hurler ? Un développement tardif de l’oreille ? Précaution de dame Nature dans sa grande sagesse ? Hum… Ça marche pas, son truc, elle en fait quoi, dame Nature, des oreilles adultes ?
Indifférente à votre épuisement, ou sourde, la mère d’Alan se dirige, impassible, vers son petit Alan, s’enquiert de la journée d’Alan, lui demande s’il n’a pas trop froid, s’il a bien mangé, s’il a bien navigué, s’il est content…
Bon. On y va, direction le car ! Ah… non… ce n’est pas possible, pas tout de suite, un instant… La mère d’Alan doit prendre une photo d’Alan. On ne peut pas ressortir un gilet de sauvetage, pour le souvenir ? Non ? C’est vraiment trop dommage… Il peut monter dans un optimiste, pour le souvenir ? Non ? Pas à terre ? Ça abîme les optimistes ? Oh… Mais pour le souvenir ? Une minute seulement ? Non ? C’est vraiment trop dommage…
« Les cons, ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît », et vous, ça vous donne des envies de flinguer… Cette sombre nombriliste ne voit absolument pas en quoi sa présence perturbe non seulement la classe mais également Alan. Elle ne voit pas pourquoi photographier SON fils, câliner SON fils est infiniment déplacé. Il faut dire qu’elle est peu clairvoyante visiblement. Elle ne voit pas non plus pourquoi elle pourrait se proposer comme accompagnatrice. Tant qu’à venir… Non. Cinq minutes pour SON fils, c’est amplement généreux… Et puis… Ces sorties scolaires, brhhh, c’est bourré de gosses braillards et surexcités. Ouais… Surtout son fils…

Le lourd bagage génétique d’Alan enfin numériquement immortalisé, le chauffeur est finalement autorisé à démarrer. On sera en retard. Mais comme la mère d’Alan est rassurée, tout va bien... Les autres peuvent attendre.
Jacques vous dit au revoir : « Qui écoute trop la météo, passe sa vie au bistrot. » Certes. Demain, on annonce toujours dix degrés. Et de la pluie. Vous regretteriez presque de céder votre place à une autre maman…

Fidèle à son incompétence, le chauffeur s’en remet à la maîtresse pour le guider… Marine entraîne ses camarades dans un canon hasardeux du malheureusement traditionnel « chauffeur, si t’es… » Oh ! Une fouine ! Marine a raison ! Appuie, chauffeur, accélère, écrabouille-la, et fais marche arrière, pour être sûr !!!
Outré, l’énergumène se lance dans une diatribe vibrante d’émotions sur nos amies les bêtes. Même les araignées. Même les fouines.
Non, non, non, et non ! Des amies ? Les fouines ? Ces saloperies bouffeuses d’isolation ? Non ! La fouine, ça s’écrase ! C’est juste et mérité ! À mort la fouine ! Pas de Badinter pour sauver la fouine !

Mais ceci est un autre chapitre…


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