U. S.: On the road (partie 1)
En traversant la Californie, vous découvrez que les belges
se foutent du monde. Était-il nécessaire d’aller si loin pour avoir une
révélation d’une telle évidence ? Vous ne sauriez en juger.
Les rois des frites. Peut-être. Les rois des vannes
délirantes. Pourquoi pas ? Mais les rois d’un plat pays. Foutaises. Le
désert de Mojave, ça, c’est le plat pays. En regardant sur votre gauche, tout
au loin, très loin, très très loin, vous pouvez certainement apercevoir le
Manneken Pis. Tellement c’est plat.
C’est chaud aussi. Mais les américains, ils pensent à tout.
Et ils y croient. Yes, you can !
Aussi ne devriez-vous pas être surprise de croiser un panneau jaune sur lequel
figure un petit vélo et qui stipule « partagez la route »… Mais bien
sûr… En plein désert. Sur une autoroute d’à peu près douze voies, six de chaque
côté. C’est simple, depuis votre départ, le GPS indique toujours la même heure
d’arrivée, à la minute près. Jamais ça n’arrive en France. Mais ici il y a tant
de voies et si larges que votre temps de trajet ne peut en rien être ralenti,
ou accéléré. Alors que viendrait foutre un cycliste sur ce terrain de jeu
automobile !
Sur une petite nationale française gentiment arborée, quand
vous tentez de doubler deux cyclistes qui ont tout l’air de s’imaginer en plein
Tour de France, quitte à chatouiller les nerfs du conducteur qui vit mal d’être
contraint à un morne 11km/h, vous trouvez déjà que c’est un sport dangereux
pratiqué par de grands malades… Mais là. Là. Par 38°. Sans la moindre ombre, la
moindre station où se désaltérer. Avec des milliards de kilomètres entre deux
villes et pour seule végétation des cactus,
des broussailles hautes de trente
centimètres. Et des cailloux. Et de la poussière.
Si vous croisez un cycliste, écrasez-le : vous abrégerez ses souffrances et ça fera toujours un fou de moins sur terre.
Vous êtes arrachée à vos méditations sur la signalisation
routière par un train.
Vous êtes sur la road
66, il se trouve sur la voie parallèle au mythe sur lequel vous roulez. Il
est rigolo, ce train. Il est à vapeur. Et il va tout tout doucement. Ah !
Enfin un truc vieillot et mal foutu aux U.S. !, vous dites-vous,
réconfortée dans votre amour propre national fort malmené depuis le début du
voyage.
Et le train a poursuivi son chemin. Un wagon, deux wagons,
trois wagons, quatre wagons… Choupinet a essayé de les compter : il s’est
endormi. Cent quatre-vingt-quinze wagons ! Nounours a estimé grâce au
kilométrage du mini-tank Ford que la locomotive tirait deux kilomètres de
wagons ! Punaise, ils sont forts ces ricains !
Mais que peuvent bien contenir ces wagons ? La réserve
de hamburgers pour une bourgade de cinquante habitants pour un petit
mois ? Du coca, des chips et des chamallows à griller au coin du feu de
cactus pour Amboy ?
Amboy, c’est une ville sur la road 66. Enfin… Un village. Ou plutôt… Un groupe de maisons. Une
douzaine. Pas plus. Et, pour tout commerce, un café avec un réservoir d’eau sur
le toit. On aurait pu y tourner Bagdad
Café 2 le retour. Choupinet a réalisé que « vivre à la campagne dans
un trou paumé » est un concept très relatif : il va dorénavant
s’estimer plus que comblé. Il y a une boulangerie, une bibliothèque et un
cinéma à moins de trente minutes de chez vous : plus jamais (vous pouvez
toujours espérer) vous ne l’entendrez râler en mode pré-ado. Ce mode qui fait
regretter une ligature précoce des trompes…
Mais revenez à vos cactus.
Où est l’école d’Amboy ? Sa pharmacie ? Si, par un
terrifiant coup du sort, on naît à Amboy, on y meurt forcément. La moindre
maladie peut vous libérer d’Amboy. Pas besoin d’une vraie grippe, un tout petit
rhume doit suffire. Le boucher doit faire office de dentiste et de chirurgien.
Il doit être le frère du barman qui est le cousin du garagiste qui est le père
du dentiste…
La consanguinité a été inventée à Amboy. Si vous n’avez pas
plus de deux yeux, deux jambes et deux bras, ou moins de deux yeux, deux
jambes, deux bras mais un cerveau en naissant à Amboy, remerciez le ciel chaque
matin. Quoi que… Est-il judicieux d’être conscient de sa situation ? Quand
on vieillit à Amboy ? Parce que, peu importe l’âge, à Amboy, chaque minute
passée est une minute qui vous rapproche de la mort. Oui, ici plus qu’ailleurs,
oui.
Vous
n’avez pas pris de photo.
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