Pôle emploi (partie 3) #CV#pépite


 

Mais, point d’inquiétude. Une troisième offre échoue dans la boîte mail de Nounours. Une offre vaste, ouverte en promesses diverses. Les Mousquetaires recrutent.

Un court instant l’œil de Nounours frétille. Il se voit bien en cinquième position, compagnon, à l’épée tranchante et au cœur fier, d’Athos, Portos, Aramis et d’Artagnan. Vous ne voudriez pas doucher son étincelle : comme mentionné plus haut, quoiqu’on en dise, le chômeur est un être délicat et fragile, dont l’égo est susceptible de se fissurer, de s’écrouler en mille morceaux à la plus petite remarque déstabilisante ou piquante. Tel l’enfant qui fait ses premiers pas, il est de mise de l’encourager. Même si ces pas ressemblent à ceux d’un manchot empêtré sur la banquise.

Vous gardez donc pour vous que cette compagnie de mousquetaires risque fort d’être composée de Kimberley, dont seule la langue est aiguisée et bien pendue, et qui se soucie plus de mettre du beurre dans ses pâtes d’étudiante que des ferrets de diamants royaux. De Fernand, qui porte plus la canne que le mousquet, trop vieux pour être sexy en cape ou sur le marché du travail et trop jeune pour avoir fini de payer son appartement mais pas assez pour espérer apprendre à monter à cheval. De Dylan, qui a perdu tous ses duels avec l’orthographe et les tables de multiplication. De René, qui se consolera de ne jamais être enfermé dans une cave à vin par Richelieu en gérant avec maestria le stock de Kro.

Cette offre alléchante s’il en est a certainement été envoyée à tout le département. Ciblée de ouf. On dirait vous jouant aux fléchettes. Visant le cinquante et atterrissant dans le mur.

 

Jamais trois sans quatre : une offre de boucher-charcutier. Un hommage à la passion sans faille de Nounours pour la côte de bœuf. Ceci dit, avoir un bon coup de fourchette est-il pleinement significatif ? Parce que si au premier rendez-vous, on demande à Nounours de sortir sa feuille, elle risque fort d’être blanche et peu tranchante… En plus, tout de même, c’est désobligeant, non? Allez, hop, du jour au lendemain on peut devenir boucher! Sympa pour la profession. Enfin… Si c’est une profession… 

Par contre, ça ouvre des perspectives. Menuisier? Avocat? On peut tout faire ? Et tous ces débiles qui passent des diplômes et des formations… Punaise… Les cons!

Nounours ne se contente pas d’attendre que les offres, pour distrayantes et étranges qu’elles soient, lui tombent toutes cuites, voire cramées, dans le bec. Il écume les entreprises, se lance même dans la candidature spontanée. Un art délicat pour le chômeur en mal d’estime de soi : persuader la boîte qui n’a rien demandé qu’elle a un besoin méconnu que seul lui, Nounours, peut combler.

Quitte à vous répéter, vous réaffirmez avec force qu’il faut être plus givré qu’un iceberg du XVIIIe (aujourd’hui, trop de pollution, ça fond et ruine les métaphores et la planète) pour imaginer qu’un chômeur puisse profiter de son statut et s’épanouir sans vergogne.

Car il y a l’attente.

Sournoise. Qui ronge les jours et grignote les nuits. Qui fissure l’égo et craquelle la confiance.

Difficile d’y croire quand une candidature reste sans réponse des jours, des semaines, des mois.

Difficile de briller quand on se sent comme une pustule sur un cul de péteux. Difficile de faire des étincelles quand on a la joie de vivre d’une ado gothique accro à la colle et à la scarification. Difficile de tout quand sortir du lit coûte autant que gravir l’Annapurna.

 

Mais Nounours est fort. Il affronte l’adversité avec le courage d’un généraliste en plein désert médical. Il lance ses C.V. dans l’inconnu avec l’adresse d’un Croquette à la chasse au moineau. Dans ses filets ne tardera pas à frétiller une jolie moisson de propositions. C’est sûr. Et, du moment qu’il ne dépose pas de trophées sanglants sur votre paillasson, vous vous en réjouissez. Et vous lèverez avec joie votre coupe aux fines bulles au malheur infini et terrible que vous souhaitez avec force à son débile d’ex-chef : quand on a une pépite de Nounours dans son équipe, on la choie, on la bichonne, on se réjouit de sa chance incroyable. Bordel.

 

Mais ceci est un autre chapitre.

 

 


 

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