Chut #Charlie#crazyworld
Silence. Chut. Chuuuut.
Trop de mots. Tout le temps. Un chut march, c’est ce qu’il nous faut.
Mais personne ne vous écoute… Même pas vous.
Précisons : par « trop de mots », vous n’entendiez pas « expurgeons Roald Dahl ». Œuvre ô combien sulfureuse. Sûr. Quand on pense œuvre choquante, excluante, traumatisante, on pense Charlie et la chocolaterie.
Il est vrai que vous connaissez des personnes, on peut dire « personnes » ?, très bien qui ne raffolent pas de Charlie. Et c’est parfait, non ? À moins qu’un truc vous ait échappé, les mômes, c’est pas trop dénigrant « mômes » ?, ne sont pas dans une version tordue d’Orange mécanique, obligés, chaque soir, yeux écartelés, de lire Roald… Cela a pu vous échapper : l’époque est hyper féconde en conneries… Si on pouvait les transformer en énergie, on aurait de quoi sauver plusieurs planètes.
Si vous avez bien suivi, « blanc » et « noir » sont supprimés. Bon… L’auteur lui-même avait accepté dans les années 70 que les esclaves noirs de sa chocolaterie deviennent des employés blancs. Très bien. L’auteur fait des choix, peut évoluer d’un relent de XVIe mal digéré à un XXe un chouilla plus humain. Parfait, c’est son œuvre, non ? Bon, après il a balancé des horreurs antisémites, franchement Roald, il aide pas…
Mais, petite évolution, cette fois les personnages ne peuvent plus être « blancs de peur »… Les tracteurs de Fantastique Mr Fox ne sont plus « noirs », mais « monstrueux »… Vous ne savez pas de quelle couleur est votre peur, mais vous avez peur… Supprimer l’adjectif « noir » du panel des couleurs, ce n’est pas terrifiant, blessant, insultant ? Vous n’êtes pas historienne, il vous semble néanmoins que la suppression de termes n’est pas un très bon signe… Dans Sacrées sorcières, un personnage ne se fait plus passer pour une « caissière » mais pour une « scientifique de haut niveau »… Sympa. Alors, pour applaudir pendant les confinements, y a du monde, ça… Quelle est cette logique ? Ce serait dégradant d’être caissière ? Humiliant ? On supprime le métier ? Carrément ? Ça fait un petit peu 1984, non ? À quand les autodafés de Martine ? Et Winnie l’Ourson qui devient un film d’horreur… Non, le monde va mal, y a pas à tortiller du cul. On ne doit pas pouvoir écrire « cul »… Faudrait demander à Houellebecq.
Une bonne nouvelle ? On peut dire « bonne » ? La France résiste : ses versions auront des notes en bas de page pour expliquer le contexte. Seules les éditions anglaises sont rectifiées, avec des ajouts, des suppressions de passages… Il faudra songer à supprimer le nom de l’auteur également. Mathilda de Inclusive Minds. C’est le nom de la société bien pensante. Celle qui remplace, supprime, corrige. Pleine de bonnes intentions. Comme l’enfer. Vous, tant de morale et d’agitation du drapeau du Bien, ça vous donne horriblement envie de transgressions, de gros mots, d’humour noir, bien noir, super noir. Un coup à finir corrigée. Effacée. Supprimée.
Autre remplacement ? « crazy », fou, par « strange », étrange. Pour ne pas choquer les personnes souffrant de maladie mentale ? Et, soyons précis, le texte n’évoque personne en camisole, non, on parle de « Something crazy is going to happen now »(«Il va arriver un truc fou») réécrit en «something bizarre is going to happen now» («Il va arriver un truc bizarre»)… Donc, on supprime « crazy » du langage… C’est fou. Fuck la polysémie. De même « queer » au sens de curieux : fiout, poubelle. Que personne ne se méprenne sur « fiout », ce mot n’existe pas. Juste une onomatopée…
Honnêtement, vous hésitez entre rires et pleurs, haussement d’épaules et franche terreur. A priori, inclure, c’est une très bonne idée. Mais ne pourrait-on pas se concentrer sur la discrimination à l’embauche, le harcèlement scolaire, l’inégalité de salaires hommes-femmes, les actes homophobes, les arrestations aux faciès ? Et éviter de tomber de Charybde en censure ? Que va-t-il advenir de Autant en emporte le vent, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, Fight Club ? Les chroniques d’Aymeric Lompret ? Sûr, à ce rythme, il vit ses dernières raclettes avec sa cousine…
Ne peut-on envisager que l’être humain est doté d’une intelligence ? Qu’il est à même de contextualiser, de se forger une opinion, de… Réfléchir. Sans qu’on lui impose ce qu’il doit penser.
Prenons un exemple. Imaginons qu’un gouvernement veuille réformer les retraites. Et qu’il répète en boucle que reculer l’âge de la retraite sauvera le système par répartition. Si des milliers, selon la police, des millions, selon les syndicats, de personnes vont dans la rue pour manifester leur désaccord, est-ce par bêtise ? Parce qu’ils n’ont rien compris. Ou peut-on envisager que ces personnes ont pensé, envisagé d’autres solutions, ont leur opinion. Certes, différente des détenteurs du 49.3, mais une opinion tout de même, qui aimerait être respectée et entendue. Peut-être faudrait-il consulter Inclusive Minds. Si on remplace « réforme des retraites » par « rénovation de la période pré-sapin », ça passe crème…
On s’éloigne ? Oui… Un peu… Mais c’est tentant : le gouvernement, c’est un sacré contributeur de conneries, non, d’énergies renouvelables…
Vous ne connaissez pas la famille de l’infortunée professeure d’espagnol, et ils doivent avoir bien plus sombre à penser, mais vous, Manu qui twitte être « à côté » de la famille de l’enseignante poignardée à mort, ça vous met dans une colère noire, oui, noire, prends ça Inclusive Minds. Bien sûr que le gouvernement est « à côté ». C’est clair, ça fait un bail même qu’il est à côté, le gouvernement, il regarde…
« On a fait du beau boulot, hein, Jean Mich? » « Carrément Manu, putain, là, si le mammouth se relève… » « Non, là on y est : école à deux vitesses, privée pour les privilégiés, publique pour les sans dents. Ça roule mieux qu’un député à la buvette de l’assemblée ! »
Lorsque vous avez vu cette terrible nouvelle, au bas de l’écran, une petite question d’un spectateur défilait pendant le reportage : sous-payé, épuisant, méprisé, dangereux, comment inciter les jeunes à se diriger vers le métier d’enseignant? Bah, merci d’avoir posé la question, Jacqueline… On se demande bien ! Apparemment le job dating n’est pas un pansement très efficace. L’éducation est amputée depuis un bon moment, et la nécrose se propage…
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