Confinement 9


 Allez trouver le sommeil avec ça… Vous essayez de compter les moutons : une vieille recette qui a fait ses preuves, et c’est dans les vieux pots… Zut. Vous avez pensé recettes, donc denrées, donc courses…

Vous n’avez jamais été une adepte exaltée de ce rituel hebdomadaire. Certes. D’ailleurs, s’il en existe, vous souhaiteriez vivement les rencontrer. Tant cela vous semble furieusement improbable.

Mais là… Se nourrir, une angoisse. Mauvais oxymore. Mais bien réel. 

En temps « normal », il vous faut déjà composer pour confectionner des menus satisfaisant toute la maisonnée : entre ceux, vous ne dénoncerez personne, qui ont atteint un âge où des parties de leur corps se mettent en mode stockage de graisses au cas où, et ce sans pandémie ni virus, ni rien, juste comme ça, pour le plaisir de stocker, et ceux qui, sous prétexte de croissance, avalent deux fois leur poids à chaque repas, sans que ledit poids ne croisse d’un gramme… Sans oublier celle qui, peu soucieuse de ses contradictions, n’a qu’une obsession malgré son appétit de « moisillon » (oui, il semblerait qu’en ce printemps le néologisme également circule avec allégresse et contagion, les deux mamelles pandémiques) : « qu’est-ce qu’on mange ? »

En temps « normal » (terrible adjectif… Que recouvre-t-il ? Plus ou moins qu’une tenue « républicaine » quand le temps des bancs d’école sera revenu ? Hein ? Un avis ? ), en temps « normal » donc, cette question a le don de vous couper les jambes, de vous flinguer le moral au point de vous donner une mortelle envie de retourner illico presto sous la couette et d’entamer une grève dure et durable de la cuisine.

Vous avez encore l’œil vitreux, la joue chiffonnée et le cheveu broussailleux, tous dégâts qu’un café réparerait assurément. Mais l’enfant guette. Un orteil sur le seuil de la cuisine, et là, paf ! Question ! Vous n’êtes même pas sûre d’être assez réveillée pour savoir comment vous vous appelez, alors ce qu’on mange ! Dans cinq ou six heures !

En expert es tortures, l’enfant ne vous assassine pas une bonne fois de sa question, ni de temps en temps. Non. C’est quotidien. Et même bi-quotidien. La dernière bouchée de déjeuner avalée, l’attaque est immédiatement lancée. Et ne vous dites pas que c’est son côté français, à parler bouffe quand on bouffe blablabla. Non. C’est son côté monstre. Vous avez enfanté un monstre. Et pas un rigolo genre Bob Razowski.

En temps confiné, cette abominable question prend des colorations plus sombres encore. Non seulement vous n’avez pas la plus petite idée de ce que vous allez mitonner avec amour pour la cent vingt troisième fois de cette année, mais vous ne savez même pas ce que vous allez trouver en magasin… Vous gardez en mémoire (vous qui en avez si peu, c’est ballot…) cet étrange lundi.


 

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