Confinement 7
Vous avez reçu un courriel de la Principale qui se raccroche
aux branches du confus blabla gouvernemental comme un singe à régime de bananes
en pleine tornade équatoriale. Elle insiste : la priorité sera aux élèves
en difficulté. Tous ne reprendront pas le chemin de l’école. D’accord. Très
bien. C’est clair.
Il ne vous reste plus qu’à falsifier les QCM en ligne de
Choupinette et inonder les messageries de ses enseignants d’e-mails plus truffés de fautes qu’un
pâté pour clamer son incompréhension. Vous répondrez aux appels de la vie
scolaire, qui s’enquiert régulièrement du bien-être des petites brebis égarées,
sur un ton aviné propre à inquiéter l’administration la plus suspicieuse.
Choupinet pourrait peut-être bruiter une bagarre en arrière fond sonore pour
parfaire le tout… Allez, au boulot.
Parce que là, Choupinette a besoin de dépenser son énergie à torturer d’autres êtres humains.
Vous êtes à deux doigts de supplier pour être contaminée,
histoire de quémander un confinement à l’hôtel. Mais, bon, vous êtes
régulièrement à deux doigts de plein de conneries. N’empêche : si l’idée
d’un permis « virus » pour voyager voit le jour, combien de
jours va-t-il falloir pour que les actionnaires suggèrent aux patrons
d’inoculer le Covid à leurs employés pour la survie de leur boîte et de leur
annuel périple en yacht aux Maldives ?
Après avoir pleuré sur les heures de visio de Choupinet
chevauchant celles de Choupinette, la rédaction d’articles sur la mort de Marie
Curie, le Tiers Monde et les aventures d’un mousse de Christophe Colomb, la
réalisation d’une onde artistique (quid ?
hein ? au secours ?), celle d’un tout petit monde ( la prof d’arts
plastiques a un sens confiné de l’humour) et autres folies transformant vos
journées en un combat éducatif, un marathon pédagogique à rendre modeste un Meirieu,
vous avez pleuré pour que vos chers chérubins aient des devoirs pendant les
vacances. Par pitié. Qu’on les occupe.
Et quand on vous a demandé si Choupinette retournerait en cours avec
masque et pique-nique, vous avez répondu… Non. Pourtant vos progrès en
mathématiques sont fulgurants (il était temps !) : vous savez maintenant
que télétravail + école à la maison de Choupinette + cours en visio de
Choupinet = hurlements assurés. Mais pourquoi refuser cette promesse de
libération alors? N’importe quoi. Pour lui éviter traumatismes et
cauchemars ? Mais vos traumatismes et vos insomnies, qui s’en
soucie ?
Vous êtes incohérente et jamais contente, mais, bordel,
qu’on vous applaudisse aussi tous les soirs à vingt heures. Vous aussi vous
risquez votre vie, votre santé mentale. Et vous dispensez des trésors de
patience, des mines d’abnégation, des merveilles d’ingéniosité.
Pourtant le sentiment d’avoir raté votre confinement vous
taraude. Vous avez sombré dans le gouffre des réseaux sociaux et vous êtes
abîmée dans les méandres du web. Faire son pain, certes, mais pourquoi en
informer, photo croustillante et odorante à l’appui, la terre entière ?
Pour vous culpabilisez. Infâmes internautes. Vous, vous ne relisez pas tout
Dostoïevski, vous ne regardez pas tout Truffaut, vous ne vous lancez pas dans
une mousseline de fleurs de courgette et son dos de cabillaud à l’écume
d’orange. Non. Vous êtes nulle. Et internet vous le martèle à longueur de clic.
Mais pourquoi regarder ? Pur masochisme. À ce train-là vous êtes assurée
de rater votre déconfinement.
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