Internet (3/3)
D’ailleurs
Choupinette se débrouille à merveille. Elle a toujours du mal à faire ses
lacets, mais, tel un avatar du petit Chaperon rouge, elle a su mettre dans son
panier, avec beaucoup de générosité, un hélicoptère télécommandé pour son
frère, un iPad pour papa, un aspirateur pour maman, une montre pour tonton, du
parfum pour tatie… Et du champagne pour fêter ça : pas besoin de savoir
lire pour cocher d’un coup de souris « j’ai plus de 18 ans ». Elle
n’a oublié personne. Vous lui reprocherez ses associations d’idées une autre
fois. Un clic, deux clics, c’est parti. Et comme l’ère moderne veut que vous
soyez joignable, partout, tout le temps, votre banquier vous apprendra sous peu
que vous avez un découvert d’une modernité impressionnante.
Vous
ne devez pas baisser la garde pour tenir en laisse le monstre Internet. Car
l’enfant est résolument de son siècle. Si vous ne savez à quel saint vous vouer
quand votre ordinateur ne reconnaît plus votre imprimante qu’il côtoie pourtant
depuis des années, demandez à Choupinet, il saura. Il a surfé qu’il ne savait
pas encore marcher !
Le
contrôle parental. Il vous semblait bien qu’on vous en avait parlé. Les codes
d’accès, ça aussi, ça vous dit quelque chose… Le prénom du chat, Croquette :
c’est parfait comme mot de passe. Enfin, parfait… Craqué en quelques heures par
Choupinette. Vous devez pouvoir mieux faire… Si vous mixez les dates
d’anniversaire, les prénoms, vous devez pouvoir arriver à un pare-enfant satisfaisant.
Oui. Très satisfaisant. Encore faudrait-il vous en souvenir. Avez-vous mis des
majuscules ? N’avez-vous utilisé que des initiales, mais en
minuscules ? Quelle est votre date d’anniversaire, déjà ? Punaise,
tout est bloqué. Vous ne pouvez plus ouvrir aucune page. Vous n’avez plus accès
à la magie d’internet. Vous avez besoin d’un informaticien. Oui. Mais comment
le trouver ? Vous ne pouvez pas vous tourner vers l’annuaire virtuel et sa
version papier n’est plus imprimée depuis belle lurette pour de sombres motifs
écologiques.
Présomptueuse,
vous avez tenté de limiter le pouvoir de l’hydre moderne. Triomphante, elle se
gausse de votre incompétence. Démunie, vous rêvez sottement d’un retour au bon
vieux temps : quand votre penchant consumériste n’était pas titillé à tout
bout de champ, quand vous pouviez décider d’être injoignable, quand vous ne
confiiez pas votre mémoire à des machines capricieuses qui peuvent s’éteindre
subitement et vous priver de tous vos contacts.
Reprenez-vous.
Luttez. Papier et crayons vous consoleront. Revenez aux missives, à l’encre et
aux timbres : savourez la douce attente du facteur. Priez pour qu’un orage
bienfaiteur foudroie votre téléviseur : vos enfants liront. Derniers
spécimens de leur espèce. Ils vous remercieront. Plus tard. Ou pas.
Mais
ceci est un autre chapitre.
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