Bonnes résolutions (partie 4)
Quelles embûches ? Elle commence à agacer, l’autre,
avec son putain de périnée et ses soirées apéro-restau-ciné… Quoi ? Ce
n’est pas vraiment la vie d’une no child ?
Bah, encore heureux ! Arrêter de délirer ? Ah, non, ça, c’est une
résolution que vous ne tentez plus, trop hors de portée. Donc, ces embûches…
Vous ne savez que choisir...
L’embûche du sac de sport égaré. Très exactement :
irrémédiablement perdu avec ses baskets, sa tenue, sa gourde et sa
montre-chronomètre… Pour la troisième fois… Allez savoir pourquoi, ça vous
énerve…
L’embûche de la brosse à dents. Qui a inventé cette règle
des trois minutes ? C’est loooong ! Une éternité ! Obtenir que
brosse, dents et dentifrice se rencontrent est déjà un exploit ! Alors
trois minutes… Qui a dit, d’ailleurs, que des chicots tout pourris nuisaient
vraiment à l’épanouissement de l’individu ? Fût-il un enfant… Hein ? Sérieux ?
Parce qu’il va les perdre, en plus, l’enfant ! Ah ? Plus à partir de
treize ans ? Oh… Sûr ? Parce que la rencontre évoquée plus haut est
encore plus ardue à négocier dans ces eaux troubles et mystérieuses de
l’adolescence… Non, vraiment, rester plantée troiiiis minutes sur le rebord
inconfortable de la baignoire tel un maton vigilant de l’hygiène buccale, c’est
rude… Et, les cas de résistance accrue des prévenus, allez savoir pourquoi, ça
vous énerve...
Le fou rire. Non ? Si ! L’incoercible, l’irrésistible.
Avec gloussements et pouffements. Le malvenu. Celui qui provoque un
jaillissement irrépressible de soupe. Celui qui vous donne l’impression d’être
une cible, un objet de risée incontrôlée. Celui qui rebondit en un savant
ping-pong d’une marmaille à l’autre avec vous, idiote ne comprenant rien à
rien, juste au milieu, adulte invisible dont les appels au calme résonnent avec
la force d’une feuille morte glissant sur la neige des sous-bois… Allez savoir
pourquoi, ça vous énerve…
Le lit. Quoi ? Oui. Le défait. Le jamais fait. Mais
assorti aux piles de bouquins trônant sur le bureau en des monticules savants
et instables, prêts à écrabouiller un orteil si vous osez avancer votre aspirateur
dans cette pièce interdite, la chambre. Lit chiffonné comme les papiers de
sucreries interdites (forcément ! Il faut limiter, essayer, les risques
quand se laver les dents est confondu avec une obscure torture moyenâgeuse qui
a son petit succès, de l’Allemagne au Japon en passant par les États-Unis. Il
faut tout de même mettre de la mauvaise foi pour invoquer un risque de noyade,
la tête penchée sous le robinet, bien loin de la baignoire sur laquelle,
rappelons-le, c’est vous qui êtes assise…), papiers collants et gluants qui
jonchent le sol. Allez savoir pourquoi, ça vous énerve…
La sortie du bus scolaire. Pourquoi ? Parce que crouler
en un temps records sous le nombre d’informations aussi variées que le nombre
de fois dont Choupinette s’est resservie de frites à la cantine, le mot à
signer pour la sortie « observons la grenouille dans son habitat avant de
la disséquer », la rupture par SMS entre Charlotte et Jules (et, tout de
même, ça se fait trop pas de larguer par texto !), la rupture de stock de
blanc, l’urgence de racheter des chaussures car Choupinet a subrepticement
changer de pointure dans la journée (là, maintenant, lundi 17h30, ce serait
idéal pour courir les boutiques, non ?), le bonnet perdu
(rappelez-vous : au superflu, nul n’est tenu), Digé (ça n’existe pas, ce
prénom ? Oui, bah, il est trop tard pour en avertir ses parents…) qui
s’est fait coller parce qu’il a oublié pour la trentième fois du mois de faire
ses devoirs, le tout ponctué de « qui a fini MES biscuits
préférés ? » (« toi, hier » n’étant pas une réponse
appropriée, vous le savez d’expérience…), de « j’peux prendre une
troisième banane » et de furieux « mais tu m’écoutes ! »
(pas tout à fait, avouez : vous rangez les blousons, écharpes et bonnets
abandonnés à même le sol, portez les cartables et farfouillez dans la réserve
du goûter pour contenter ces organismes aux croissances galopantes… Vilaine,
va.), le tout en moins de dix minutes, allez savoir pourquoi, ça vous énerve...
Les devoirs. Vous savez pourquoi, ça vous énerve.
Le mercredi. Vous savez pourquoi, ça vous énerve.
La résolution « garder son calme » va être
difficile, très difficile à tenir… Il va falloir s’entraîner, sans désespérer,
sans s’arrêter au premier craquage de nerfs venu… Mais soyez rassurée :
l’université de Bristol, entre deux fournées de petits fours et trois
conférences édifiantes, vous soutient. Si. Et Bristol vous affirme que la volonté
est un muscle. Alors si votre force
mentale en termes de zenitude est, en ce début d’année, extrêmement limitée, il
vous suffit de la travailler. Pensez ici et maintenant, sans espoir ni crainte,
zen quoi. Gandhi, Yoda et Sri-Raoul n’ont qu’à bien se tenir ! Dans deux
mois vous aurez l’esprit musclé d’un Van Damme posément grand écarté entre deux
camions, c’est décidé. Si vous attendez douze mois vous pourrez, bien échauffée
de la volonté, vous résoudre au sport, à manger des graines, à arrêter de fumer
tout en demeurant souriante, disponible et compréhensive. Tout ça en même
temps. Mais avant de tels objectifs, soyez modeste : vous verrez au 31
prochain, en attendant, juré, craché, vous allez diviser votre consommation de
chocolat par deux. C’est beaucoup. Bel effort. Mais risqué : avec une
demi-tablette, n’allez-vous pas être plus irritable ?
Oh, vous pouvez toujours promettre de manger plus de
chocolat. La négation ? Désolée avec les cotillons, les vœux, tout ce
bruit, on aura mal entendu…
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