Au bonheur des mères

Quant à lui, il ponctue tous ses propos de « c’est de l’humour… ». Du même coup vos connaissances en ce domaine font des avancées que les chercheurs de vaccin vous envieraient. Vous ne saviez pas que refuser de s’habiller, refuser d’aller se coucher, refuser de lâcher son portable, refuser toute requête quelle qu’elle soit, mette sa sœur en rage, mettre ses parents en boîte, c’était de « l’humour… ». Vous notez que cette précision vient éclairer votre esprit vierge de toute notion humoristique au moment où vous franchissez le seuil critique qui va de l’agacement à l’énervement franc, la colère étant donc le propre des parents dénués d’humour. Tandis que vous méditez sur votre peu d’appétence pour les plaisanteries adolescentes, Choupinet profite de votre distraction pour vous achever : « T’as préparé quoi ? Une quiche brocante ? » Devant votre air interloqué, il a la bonté de préciser : « Bah, oui, une quiche avec tous les tr...

Lassée de son dédoublement, Choupinette a mis au chômage partiel Choupinette et créé Franfiss, son nouvel ami invisible. Il a un accent anglais et un cheveu sur la langue. Un mélange détonant. Et il a l’énergie de sa génitrice. Genre Speedy Gonzales sous coke. Il lèche les jetons du Lobo 77 et clame que « fa a le goût de l’industrie et du nucléaire, très fère ». Quand vous lui demandez, par pitié, cinq minutes de calme, Franfiss détourne votre supplique « en mode renard russé ». Par contre, confinement ou non, il y a des choses qui sont immuables. Franfiss, pas plus que Choupinette ou Choupinet, ne sait vider le lave-vaisselle, mettre la table, la débarrasser, faire son lit, trouver le panier à linge sale, trouver seul une paire de chaussettes et un slip.  Ce n’est donc pas une question de vitalité. Il faut croire que vous avez des exigences démesurées. Toujours très en forme, Choupinette a décrété une cure anti gros mots. Excellente idée de détox...

Ce matin, vous avez allumé la radio. Erreur. Super grave erreur. C’est comme un couvercle qui s’abattrait sur votre pauvre tête pas coiffée (et vos cheveux poussent plus vite que les tomates dans le jardin) et la maintiendrait dans une eau boueuse et putride. Et ce matin, c’est pire. L’invité appartient visiblement à cette catégorie d’individus qui vit sur les deniers engrangés par ses ancêtres, et ils ont sacrément bossé et engrangé. Lui se contente de désengranger, mais avec l’assurance que donne l’immense richesse. Et pour passer le temps, il offre sa bonne parole sur les plateaux. Quoiqu’il dise, il a raison. Pourquoi aurait-il tort ? Dieu ne l’aurait pas béni sous une pluie de milliards s’il n’était pas un être unique, remarquable, incontestable. Comme s’il existait une loi universelle qui veut que la fortune soit proportionnelle à l’intelligence et aux valeurs morales, loi méconnue d’un tas d’infâmes péquenauds. Dont vous êtes. Bref, le ton seul suffit déjà à vous...

Discuter avec votre café n’est pas de tout repos. Il vous faut d’autres dérivatifs pour passer le temps. Et voilà que vous vautrez, en contre-exemple éducatif totalement indifférent aux cataclysmes qu’il lui faudra pourtant affronter sous peu (Choupinette ne manquera pas de souligner qu’il est intolérable que vos principes ne s’appliquent pas à vous. Et son amie Choupinette renchérira. C’est plus sûr que la date de réouverture des écoles.), dans votre canapé, joyeusement scotchée à votre écran. Avant toute chose, vous veillez à vous adapter à votre réseau : vous réduisez votre débit et optez pour une médiocre résolution, un peu comme une fin de jour de l’an. Mais comme vous ne vous apprêtez pas à vous plonger dans la filmographie de Bergman… Tiens… ça pourrait pourtant être un détonnant « remède à la mélancolie » en cette pandémie ! Notez d’en parler à Eva. Non, vous, selon l’humeur, qui va, ces temps derniers, de modérément déconfite à totalement déconfite, vous...